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Le scandale de la privatisation des entreprises publiques en Haïti

La libéralisation des Entreprises Publiques, débutée en 1996 sous l’impulsion des institutions de Bretton Woods, répondait à la logique de transparence et de bonne gouvernance. Ces entreprises de l’Etat ont été liquidées pour des pitenses aux gens du secteur privé des affaires. En 2019, le résultat contraste nettement avec les motifs avancés, il y’a près d’un quart de siècle. Ces entreprises n’apportent pas grand chose au pays. L’Etat est désarmé. La misère de la population s’accentue.

Langaj

La modernisation des Entreprises Publiques est un terme devenu commode en Haïti au début des années 80. Il en est résulté, en effet, la dépossession de l’Etat de ses entreprises et des moyens de production au profit du secteur privé.

Après le rétablissement de la démocratie en 1994, avec le retour de Jean-Bertrand Aristide au pouvoir, la majorité des entreprises publiques haïtiennes allait être modernisée. L’Etat est accusé de mauvais gestionnaire, de « gaspilleur » de ressources. Ainsi, la communauté internationale enjoint le gouvernement à s’engager activement dans le processus de libéralisation du marché pour avoir accès à l’aide internationale bloquée en 2015 sous le gouvernement de facto.

Soutenu et impulsé par les institutions de Bretton Woods comme la Banque Mondiale et le FMI, ce processus a fait son petit bonhomme de chemin. On a promis des jours radieux à la population. L’Etat doit être cantonné dans son rôle de régulateur et laisser le marché s’auto-réguler conformément aux principes de l’économie néolibérale.

Le 2 Octobre 1996, le fameux Conseil de Modernisation des Entreprises Publiques (CMEP), a été créé par René Preval, le président d’alors. Le 10 octobre 1996, la loi portant Modernisation des Entreprises Publiques, votée par le parlement, a été signée en conseil des ministres et publiée au journal Officiel » Le Moniteur ».

Voici la composition du Conseil des Ministres:
René PREVAL, Président suivis de
Rosny SMARTH, Fred JOSEPH, Jean MOLIÈRE, Fresnel GERMAIN, Pierre Denis AMEDÉE, Fritz LONGCHAMPS, Jacques DORCÉAN, Yves André WAINRIGHT, Gérald MATHURIN, Pierre Max ANTOINE, Jean Eric DERYCE, Rodolphe MALBRANCHE, Jacques Édouard ALEXIS, Raoul PECK, Ginette CHERUBIN et Paul DEJAN, tous membres du gouvernement Préval.

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A l’époque, c’était l’euphorie, la renaissance, c’est la démocratie qui prévalait et rien d’autres. En l’espace de quelques années, des entreprises qui constituaient l’épine dorsale de l’économie du pays ont été livrées, liquidées pour des miettes aux nantis du secteur privé des affaires.

En plus de fournir des revenus considérables à l’État, elles revêtaient d’une importance capitale car, elles employaient beaucoup d’ouvriers haïtiens comme main-d’œuvre. Ce qui constituait un frein au chômage au sein de la population.

L’Aciérie d’Haïti, Ciment d’Haïti (CINA), la Minoterie d’Haïti, la Teleco, la Banque Populaire Haïtienne, la Beurrerie du Sud, l’Huilerie ENAOL, la Filature des Gonaïves font partie de la liste des 55 entreprises à moderniser.

Le scandale de la privatisation des entreprises publiques en Haïti

Une décennie plus tard, les séquelles se font sentir au niveau de la population haïtienne. Les cicatrices sont palpables et laissent des traces. En 2007, des organisations ont dénoncé la privatisation des entreprises publiques dans une lettre adressée au parlement de l’époque. Les remarques sont accablantes.

«[…], Dans le cadre de ce processus ténébreux, malicieusement appelé «modernisation», le pouvoir en place, par le biais de la Direction de la Teleco, a déjà procédé, illégalement, à la mise à pied de plus de 1600 travailleurs de cette compagnie… L’expérience de la privatisation de la Minoterie, du Ciment d’Haïti et des retraites anticipées nous en dit long», ont-elles noté.

Le scandale de la privatisation des entreprises publiques en Haïti

« Aujourd’hui, le peuple est obligé d’acheter la farine et le ciment 4 à 5 fois plus cher. Qui plus est, l’État n’a plus le contrôle de ces entreprises, ni de leur processus de production, quand production il y en a.[…], Déjà, une libéralisation du secteur des télécommunications nous a valu une flambée exagérée des prix. Le service qu’on payait autrefois par mois est actuellement facturé à la minute et les prix sont multipliés par 50 et même par 100 dans certains cas.», ont-elles relaté.

Le scandale de la privatisation des entreprises publiques en Haïti
Le scandale de la privatisation des entreprises publiques en Haïti

A l’époque, ces organisations ont eu déjà la conscience de l’accentuation de la pauvreté du peuple haïtien.« Dans quelle perspective un gouvernement peut-il se permettre de liquider des entreprises stratégiques et rentables de l’Etat, sinon que de plonger le peuple dans la misère, la souffrance, le chômage et l’insécurité, et d’enfoncer le pays dans la dépendance des puissances impérialistes?», se sont-elles interrogées.

Le scandale de la privatisation des entreprises publiques en Haïti

En 2019, le constat n’est guère différent. Le député de la circonscription de Kenscoff, Alfredo Antoine, se dit préoccupé par les performances de la Natcom S.A. qui ne rapporte pas grand chose à l’Etat haïtien depuis sa liquidation sous le second mandat de René Garcia Preval.

Cet exemple parmi tant d’autres sert à illustrer tout un processus, ajouté à la corruption mise en place par l’élite économique et politique du pays, ayant conduit à la déshumanisation du peuple haïtien qui, dépourvu de tout, demande un changement du système.

Quel système ! Il semble que ça devient plus un slogan politique qu’un fait. Ce qui est certain, la population doit savoir suivre les traces de l’argent du pays pour pouvoir espérer, un jour, découvrir les planques de ce fameux système. C’est à ce moment, qu’elle pourra le débusquer pour enfin connaître des jours meilleurs.

Pour une fois dans notre histoire, presque toutes les entreprises rentables et bénéfiques à la population ont été liquidées, broyées et absorbées par ce système sous le pseudonyme de » Modernisation des Entreprises Publiques ».

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