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Le Calvaire des femmes de ménage à Port-au-Prince

Les travailleuses domestiques sont une catégorie sociale vachement exploitée au sein de la société haïtienne. Dans la majorité des cas, elles ne jouissent pas de leur droit au congé, au bonus , à un salaire adapté aux exigences de la vie, etc. Malgré le conseil supérieur des salaires (CSS) avait, dans son dernier rapport, fixé à 250 gourdes par jour le salaire minimum de cette frange d’employées, beaucoup d’entre elles continuent pourtant de recevoir environ 150 gourdes pour une journée de travail qui, parfois, va au-delà de 8 h. Elles répondent à plusieurs appellations bonnes, femmes de ménage, travailleuses domestiques.

En Haïti, le calvaire de certaines femmes de ménage est la chose la mieux partagée. A en croire Nanoune, la plupart des bonnes vivent dans des conditions difficiles qu’elles endurent dans un silence stoïque, habitées par la responsabilité de faire vivre la famille. Nanoune explique cette maltraitance vis à vis des femmes de ménage par le salaire élevé par rapport aux autres quartiers de Port-au-Prince. Certains patrons payent entre 3000 et 4000 gourdes. Avec un tel montant, il nous arrive de subir des supplices, dit-elle, précisant : «Je suis la première à me lever et la dernière à dormir. En plus de cela, il m’arrive, après avoir préparé le repas, de n’en goûter qu’aux restes». Des propos appuyés par cette femme de ménage, à la poursuite des éboueurs pour jeter son sac d’ordures.

Se plaignant de la précarité de son emploi, elle confie «au début, tu es choyée par tous les membres de la famille. Ensuite, c’est le tourment total. Certains patrons négocient en précisant la nature du travail, une fois embauchée, on se rend compte qu’il y a beaucoup plus de travail à faire que prévu. Dans ces situations, on est obligé d’accepter, sinon d’autres jeunes filles saisiront l’aubaine», relate Nanoune avec une voix épuisée.
« J’ai commencé à travailler après avoir donné naissance à mon premier enfant. Mes parents ont décidé de me plus accompagner. Pour répondre aux besoins de mon enfant, je suis obligée de travailler comme domestique », a déclaré Ania 30 ans. Durant plus d’un an, j’ai cherché du travail sans rien trouver. Comme je voulais gagner ma vie dignement, j’ai été obligée de faire la servante. J’ai beaucoup réfléchi avant de prendre cette décision.

Souvent, les tâches que l’on attend de la bonne dépassent largement le cadre de ceux qui lui avaient été assignées au moment de l’embauche, regrette Ania.

Parfois, même les enfants nous parlent mal. Les gens font ce qu’ils veulent de nous, explique Carole qui travaille comme servante dans une famille « aisée » dans la capitale haïtienne.

Au-delà des différents points de vue en présence, il y a une constante à déplorer: les conditions de vie des bonnes ou femmes de ménage pour certaines s’apparentent à cet « esclavage moderne » tant décrié par le directeur exécutif du RNDDH Pierre Espérance. Les bonnes sont des travailleuses sans contrat de travail, ne bénéficiant pas de droits clairement définis par le code du travail, a-t-il soutenu. Le ministère des affaires sociales doit fixer le salaire des travailleuses domestiques, conclu M. Espérance.

Le président de la Confédération des travailleuses et travailleurs du secteur public (Ctsp), Jean Bonald Fatal dénonce les mauvaises conditions socio-économiques en Haïti et de nouvelles dispositions gouvernementales jugées grotesques.

Le syndicaliste a également dénoncé diverses mesures de l’Etat ainsi que les violations des droits des travailleuses notamment au niveau du travail domestique..

Le Protecteur du Citoyen, de son côté, Renan Hédouville se dit prêt à accompagner les femmes de ménage dans leur combat. Elles ont des droits et peuvent recourir à la justice si elles sont victimes d’abus, selon lui.

Cependant, la réalité est que par méconnaissance de leurs dits droits, longueur de la procédure judiciaire et crainte de perdre leur travail, les bonnes en sont réduites à se taire, courber l’échine et au quotidien, accepter ce qui beaucoup trop souvent, relève de l’inacceptable.

Un article de Kettia Jean Pierre Taylor

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