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Cesser de banaliser le carnaval national

Depuis 2012, deux ans après le séisme dévastateur du 12 janvier 2010, le carnaval national cesse d’être organisé seulement au champ de mars, à Port-au-Prince. Car, il y avait des milliers de sinistrés dans des abris provisoires. Cette décision est l’œuvre du Président Michel Joseph Martelly, très connu sur la scène du carnaval, bien avant son arrivée au Palais National. Avant tout, il est chanteur de « Sweet Micky », un groupe qu’il a fondé. Grande fête traditionnelle et populaire, le carnaval national offre ces dernières années un spectacle banal. En effet, ce va-et-vient entre Port-au-Prince et les villes de provinces ne fait que rayonner la banalisation de cette fête.

De la ville des Cayes en 2012, le Cap-Haitien en 2013 et Gonaïves en 2014, le carnaval haïtien fait aller-retour entre la capitale, et ces villes de provinces. Pourtant, rien n’a changé dans son organisation. Après l’annulation de l’édition 2019 qui devait avoir lieu aux Gonaïves en raison de troubles politiques, le carnaval revient à Port-au-Prince cette année. Ce sera probablement toujours les mêmes irrégularités : trop de chars musicaux, confusion des spectateurs avec les acteurs, problème de sécurité et d’infrastructures sanitaires, encombrement des stands, décaissements des fonds en retard, manque de déguisements et de couleurs, entre autres. Etant la plus grande manifestation culturelle et populaire du pays, le carnaval mérite un autre traitement afin de projeter une meilleure image aux yeux du monde entier. On doit l’accorder une place de choix dans la galerie des activités culturelles du pays.

Cesser de banaliser le carnaval national

En attribuant le carnaval à une autre ville, c’est toujours une décision politique. Le pouvoir en place en profite pour s’y renforcer. On s’en souvient des propos de Jovenel Moïse, juste après son accession au Palais National, aux cayes, en octroyant l’organisation de la fête à la métropole du Sud. « Kanaval la ap fèt Okay ane a ! Prezidan an pale point barre ! ». Ces propos sont devenus célèbres dès lors. C’était une manière de remercier les Cayes, cette ville réputée pour avoir un penchant pour PHTK, le parti au pouvoir. Au lieu de profiter d’exposer la culture du pays, on politise la fête. A petite échelle, c’est un bénéfice pour la ville réceptrice, pourtant à grande échelle c’est une perte pour le pays.

Cesser de banaliser le carnaval national

Haïti n’est pas la seule nation du globe qui organise et adore le carnaval. Dans la région des Caraïbes, d’autres nations brillent lors de cette activité culturelle. Le carnaval de la Martinique et de la Guadeloupe sont des références en la matière dans la zone. Ce qui attire de nombreux touristes. N’en parle pas pour le carnaval de Rio, au Brésil, qui est une référence planétaire, une source de devise énorme pour le plus grand pays d’Amérique du Sud. De même dans le pays, on peut aussi entrer dans cette même dynamique. On doit avoir des infrastructures spécifiquement pour le carnaval, comme un musée, afin d’exposer l’œuvre de nos talentueux artistes. Ainsi, les touristes les visiteraient à longueur de journée. Ce qui serait une valeur ajoutée pour le pays.
Le carnaval pourrait être aussi un miroir, une grande source de devises aussi pour l’économie du pays. Malheureusement, on n’en profite pas. Il n’ya pas une commission permanente pour organiser l’événement. Ce qui fait que les commissions formées généralement à quelques semaines des trois jours gras n’ont jamais assez de temps pour offrir un spectacle pouvant combler l’attente des carnavaliers, notamment les touristes. C’est toujours une course contre la montre. Et aussi, on n’implique pas les acteurs clés capable d’élever le niveau de la fête. Il faut élever cette tradition à une autre échelle, en choisissant des professionnels en ingénierie culturelle d’horizons divers, capable de faire briller l’activité.

Cesser de banaliser le carnaval national

Nous devons cesser de vendre la cacophonie, où la guerre de décibels est roi sur le parcours. On doit apprendre à prioriser les talents de nos artistes au détriment des choix politiques pour les défilées. Il faut penser à fixer des balises afin d’éviter des dérives sur le parcours, caractérisées généralement par des propos injurieux sur des personnalités. La bêtise ne peut pas, en aucun cas, être un produit culturel. Il faut définir également un parcours permanent pour le déroulement des festivités carnavalesques. Au lieu de le faire briller, la délocalisation du carnaval dans les villes de provinces n’apporte rien de plus. Car les mêmes problèmes sont toujours au rendez-vous. A Rio de Janeiro, le carnaval ne se déplace jamais vers d’autres villes comme Belo Horizonte, ou à Manaus, par exemple. Il a un lieu.

Cesser de banaliser le carnaval national

Le carnaval est très important pour le peuple haïtien. Il est aussi urgent qu’important de repenser son organisation à l’échelle nationale. L’Etat, de concert avec les opérateurs culturels doivent s’impliquer activement afin d’offrir des spectacles attractifs et compétitifs. Ce qui arrivera en mettant en valeur nos artisans, la riche histoire du pays, le folklore, entre autres. On ne devrait pas jouer avec l’âme de tout un peuple! Vive le carnaval!

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