Opinion

Le Fonds Monétaire International face à la dette extérieure des pays du tiers – Monde. Le Cas d’Haïti

Développement Historique des organisations internationales

Nul ne saurait répondre à cette question sans un coup d’oeil rétrospectif sur la création des organisations internationales. Les premiers jalons historiques ont été, en effet, posés en 1945. En même temps qu’elle consacrait l’échec de la S.D.N., la seconde Guerre mondiale faisait prendre conscience de l’absolue nécessité d’une coopération internationale qui permettrait de prévenir de nouveaux conflits mondiaux, en créant les conditions d’une collaboration fructueuse des États. Pour ce faire, les plus importantes organisations préexistantes ou créées après la guerre sont groupées dans le système des Nations-Unies, expression qui traduit à elle l’ambition d’unification ou, au moins, de coordination étroite des institutions techniques. Parmi les quinze (15) institutions spécialisées), organisations indépendantes quant à leur nature et leur mission, mais reliées à l’ O.N.U . Par des accords, retenons le Fonds Monétaire international (FM I).

Création et Mission

Le Fonds Monétaire international, institution spécialisée des Nations unies dont le siège est à Washington, a été crée en 1945 en vue de favoriser la coopération monétaire internationale et l’expansion du commerce international, et de fournir aussi une aide financière aux États membres qui ont des difficultés temporaires de paiements en devises étrangères. Ainsi donc, à la suite de nombreuses crises monétaires de l’entre-deux-guerres, il apparaît nécessaire d’assurer une meilleure stabilité économique et monétaire au niveau international. A cet effet, des plans de restauration du système monétaire international sont alors élaborés, lesquels ont servi de base à l’élaboration d’un nouvel ordre monétaire international lors de la conférence de Bretton Woods en juillet 1944, alignée sur le plan de réforme d’un fonctionnaire de la trésorerie américaine, H.B. White. Ce plan, dit plan, White proposa :

  • la mise en place de simples organes de coopération volontaire à l’exclusion de toute autorité monétaire supranationale ;
  • la création d’une unité monétaire internationale, l’ unitas , rattachée à l’or par l’intermédiaire du dollar . L’ unitas doit se constituer une simple unité de compte, non un instrument de paiement international ;
  • la mise en place d’un fonds de stabilisation afin de stabiliser, notamment, le cours des devises par rapport à l’unitas et fixer les taux de change.

Réunissant quarante-quatre (44) pays , la conférence de Bretton-Woods aboutit à la création d’une importante institution; le fonds Monétaire international (FMI) , dont le but entre autres est d’assurer la stabilité des taux de change et la convertibilité des monnaies tout en distribuant des concours en liquidités aux pays dont la balance des paiements connaît un déficit provisoire .

La Stabilité du taux de change exige que:

  • Chaque État membre doit déclarer une parité unique pour sa monnaie nationale. Cette parité peut s’exprimer << en termes d’or ou en dollars des Etats- unis du poids et du titre en vigueur au 1er juillet 1944>>, c’est- à – dire par rapport à un dollar équivalent à 888, 671 mg d’or fin (soit 35 us l’once d’or).
  • La parité choisit ne peut être modifiée par des pays membres que pour corriger un déséquilibre fondamental de leur balance des paiements , une modification égale ou supérieure à 10% nécessitant une autorisation préalable du fonds accordée éventuellement après examen de la situation économique et monétaire du pays concerné .
  • Les autorités monétaires de chaque pays s’engagent à maintenir leur monnaie à la parité définie ou dans les marges de fluctuations autorisées, les statuts du FMI précisent que les << cours maxima et minima applicables aux transactions de change entre les monnaies des membres ne devront pas s’écarter de la parité de plus de 1% . La pratique des banques centrales qui consiste à défendre la parité de leurs monnaies par rapport au seul dollar américain, en procédant à des achats ou à des ventes de dollars contre leur monnaie nationale, confère au billet vert le rôle de monnaie réserve. Quant à la convertibilité des monnaies, les accords de Bretton- Woods posent le principe de la convertibilité externe des monnaies. Le principe de la convertibilité entraîne également l’obligation pour tout pays membre de racheter les avoirs en sa propre monnaie qu’un autre État peut détenir, puisque les statuts du FMI précisent que << le membre acheteur aura la faculté de payer soit en la monnaie du pays demandeur, soit en or >> .

    La convertibilité du dollar en or au profit des banques centrales étrangères ainsi que la convertibilité des autres monnaies entre elles et notamment en dollar, lui -même convertible en or, ont permis de qualifier ce nouveau système monétaire de système d’étalon de change-or, encore appelé Gold Exchange Standard.

La question de la dette extérieure

Au début des années 1980, la dette de certains pays du Tiers-Monde avait pris des proportions telles que certains d’entre eux ont dû suspendre temporairement le paiement de leurs obligations. Quelques décennies plus tard, le problème représente encore une lourde charge pour de nombreux pays. Si l’endettement extérieur constitue souvent un fardeau énorme pour les pays pauvres et un danger pour leur développement futur, il n’est pas sans risque pour l’harmonie des relations internationales.
Au milieu des années 1990, certains pays en développement ont été frappés par des crises financières qui se sont traduites par une fuite des capitaux et par un effondrement de leur taux de change. Là encore, un endettement excessif était à la source du problème, même s’il n’en était pas la seule cause.

Avant de continuer notre réflexion sur ce sujet crucial, nous voudrions éclaircir pour nos lecteurs en général et nos étudiants et étudiantes en particulier certains points importants : l’endettement est un phénomène économique tout à fait normal, compte tenu du fait que la production engendre des coûts avant de générer des revenus. La dette est extérieure lorsque le créancier réside dans un autre pays que le débiteur. Elle est dite publique quand la dette extérieure est contractée par l’état et ses organismes. On parle également de fuite des capitaux lorsque les résidents d’un pays, par crainte du risque, font l’acquisition d’avoirs extérieurs.
En effet, la crise de la dette et le ralentissement des prêts étrangers qui en découlent sont aggravés par la fuite des capitaux.

Les solutions au problème de la dette

Quelles sont les options qui s’offrent au pays surendetté ? Il peut tout d’abord refuser, il peut ensuite essayer d’obtenir des accommodements de ses créanciers et il peut enfin mettre en place une politique d’ajustement structurel à plus long terme.
La recherche de solutions au problème de la dette se fait donc à la fois entre emprunteurs et banques d’une part, et entre gouvernements du tiers-Monde et gouvernements occidentaux, d’autre part. Notons que ces derniers s’appuient sur des organismes internationaux qu’ils dominent pratiquement (le FMI , la Banque Mondiale ) , ou sur leurs associations ( club de Paris , groupe des Huit ) .

Les politiques d’ajustement structurel et le FMI

L’endettement extérieur a bien des répercussions sur la balance des paiements. Dans un premier temps, il cause un déficit de la balance commerciale, compensé par un surplus de la balance des capitaux. Par la suite, il occasionne des sorties d’intérêts et nécessite un excédent du commerce extérieur, ou l’afflux de nouveaux capitaux. Il est étonnant de voir le fonds Monétaire international s’engage dans les politiques d’ajustement à court terme de la balance des paiements reliées à l’endettement. Cela est conforme au rôle assigné au FMI au moment de sa création dans le cadre des accords de Bretton- Woods en 1944-1947. Nous devons souligner en passant qu’entre 1971 et 1982 , l’économie mondiale a connu bien des bouleversements : fin du système monétaire de Bretton -Woods , instabilité des taux de change , déséquilibres persistants des balances courantes , etc . Un nombre croissant de banques privées se sont alors tournées vers les prêts à l’étranger, qui ont supplanté petit à petit les investissements directs et les prêts publics.

Aujourd’hui, cependant, le problème est plus profond : il devient structurel et non plus conjoncturel , et il a un effet direct sur le développement puisqu’il concerne d’une part les pays riches ( les prêteurs ) et d’autre part les pays pauvres ( les emprunteurs ) . Cette situation a conduit la Banque Mondiale (dont l’une des divisions est la banque internationale pour la reconstruction et le Développement – BIRD ) à s’engager de plus en plus dans ce dossier et à orienter l’action du FMI dans une direction tout à fait nouvelle. Pour obtenir le surplus commercial nécessaire aux paiements d’intérêts, et rétablir ainsi l’équilibre de la balance des paiements, la méthode traditionnelle consiste à réduire les importations par un ralentissement de la demande. C’est la méthode préconisée par la FMI face aux pays qui viennent frapper à sa porte à la recherche de liquidités internationales. Pour freiner sa demande, un pays endetté a recours à une réduction des salaires et la suppression de certains programmes ce qui ont pour effet de diminuer le pouvoir d’achat global des ménages et donc leur consommation, y compris celle des produits importés. Devant les limites de la stabilisation de la demande pour résoudre un problème aussi profond, le FMI et, à travers lui, les États-Unis et les autres pays occidentaux ont suggéré aux pays endettés des politiques d’ajustement structurel. Il s’agit en réalité de politiques de libéralisation de l’économie. Le rôle de l’état doit être réduit, et celui du marché, accru. Les entreprises publiques doivent si possible être privatisées et les restrictions imposées aux investissements étrangers, levées. Le protectionnisme, considéré comme un encouragement au maintien de secteurs inefficaces, doit laisser la place à une ouverture au commerce extérieur. Même si la restructuration des économies a pu mettre fin à certains abus et contribuer à un allégement de la bureaucratie, les résultats se font attendre pour la majorité de la population des pays du tiers -Monde, et surtout le problème demeure. La crise de la dette a permis au FMI d’imposer à la planète une bonne dose de libéralisme économique. Selon certains, cette évolution va dans le sens d’une économie mondiale plus efficace. Pour d’autres, elle n’a fait que renforcer la mainmise de l’occident sur la destinée Des peuples du tiers -Monde.

Haïti et la dette extérieure

La dette d’Haïti en 2017, selon FMI , était de 28,9% . Dans son dernier rapport sur Haïti, le Fonds Monétaire International indique que selon estimations la dette publique d’Haïti, qui était de 2, 4 milliards de dollars soit 28, 9 % du PIB fin 2016, représentera 28, 9 % du PIB en 2017 ; 32, 7 % en 2018 et 35,33 % en 2019.

Environ 75 % de la dette extérieure d’Haïti sont des sommes à payer au Venezuela dans le cadre du programme Pétro Caribe à des conditions concessionnelles .

Selon International Monetary Fund, dans son communiqué de presse no 20/21, le conseil d’administration du FMI a achevé les consultations de 2019 au titre de l’article IV avec Haïti. Depuis mars 2019, Haïti fait face à une longue crise politique et à des troubles civils prolongés qui ont parfois stoppé la majeure partie de l’activité économique dans le pays. La crise a eu des conséquences néfastes sur l’économie et la population déjà vulnérable : l’inflation a dépassé 20%, la production s’est contractée de 1,2 % selon les estimations pendant l’exercice budgétaire 2019 (qui a pris fin le 30 septembre) et la monnaie s’est dépréciée de 25% sur la même période. Comme les recettes budgétaires se sont effondrées et que le coût des subventions énergétiques a augmenté le déficit budgétaire s’est creusé pour atteindre 3,8% du PIB pour l’exercice 2019 et les arriérés intérieurs ont augmenté nettement.

Les autorités étatiques déploient des efforts considérables pour limiter cette détérioration. Le Ministre des finances met en śuvre des mesures visant à améliorer la perception des recettes et à mieux maîtriser les dépenses et, en novembre, a signé un nouvel accord avec la banque centrale afin de renforcer la discipline budgétaire et de limiter le financement monétaire de l’état. La BRH a ajusté ses taux d’intérêts afin de contenir l’inflation tout en cherchant à soutenir le secteur privé pendant la récession. Faute d’une mise en śuvre soutenue de bonnes politiques et de vastes réformes, les perspectives restent moroses. Selon le scénario de base qui suppose une stabilisation politique en 2020 sans réformes politiques ou économiques majeures, la croissance s’accélérait mais resterait négative cette année et inférieur à 1,5% à moyen terme. L’inflation devrait fléchir légèrement avant de finir par tomber en deçà de 10% en 2025. Les perspectives risquent plutôt d’être révisées à la baisse, mais la stabilité politique pourrait constituer un facteur d’amélioration importante. Une résolution de la crise politique actuelle, la mise en śuvre des réformes et le retour de l’aide de la communauté internationale pourraient entraîner une hausse de l’investissement et une accélération de la croissance potentielle.

Évaluation par le conseil d’Administration du FMI

Les administrateurs souscrivent à l’orientation générale de l’évaluation effectuée par les services de la FMI. Ils expriment leur préoccupation devant la crise socio-politique et soulignent qu’il est urgent de rétablir la stabilité politique et macro-économique, de s’attaquer à la pauvreté et aux inégalités, ainsi que de combattre la corruption. Ils appellent toutes les parties prenantes à chercher à établir un large dialogue national afin de s’attaquer aux problèmes gigantesques du pays et de réaliser le potentiel d’une croissance bien plus vigoureuse et plus inclusive. Les Administrateurs encouragent à continuer de coopérer étroitement avec les donateurs et le FMI, notamment par le biais de l’assistance technique, et saluent la stratégie qui constituera la base de l’accompagnement futur par la FMI .
Les Administrateurs soulignent qu’il est urgent de mettre à jour les priorités de la lutte contre la corruption, notamment en établissant le comité directeur envisagé dans la stratégie de 2009. Ils soulignent aussi qu’il est nécessaire d’appliquer le système de déclaration du patrimoine et de mener des audits réguliers des entreprises et autres entités publiques. Ils recommandent, en outre, d’établir un objectif monétaire qualitatif et encouragent les autorités monétaires à faire avancer les autres réformes institutionnelles. Les administrateurs saluent des efforts déployés par la banque centrale pour continuer de développer l’intermédiation et l’inclusion financière, notamment au moyen des Fintech.

En terminant cet article , nous nous demandons mordicus, et c’est légitime , comment Haïti , pays alambiqué , va -t – elle s’y prendre face à ces recommandations des Administrateurs du FMI , déjà victime consécutivement des crises endémiques politico- socio – économiques , surtout face au phénomène du << pays lock >> laissant derrière lui une économie en état d’avitaminose ? Et l’année 2020 a frappé de plein fouet Haïti totalement dénuée de tout tant sur le plan structurel qu’infrastructurel, déjà victime d’une économie totalement anémiée et, qui pis est, de la fameuse pandémie de COVID -19 qui a mis à genoux les plus grandes puissances mondiales. Selon les grands économistes de la place, cette pandémie aura des conséquences beaucoup plus graves que celles du << lock >>. Or , point n’est besoin de le dire , nul n’a besoin d’être prophète ni leader politique ou d’opinion pour savoir que l’année 2021 présagera de sombres nuages suivant les indications du tableau politique qui profile à l’horizon . Alors que faire ?

Sempiternelle question est là sous nos yeux : s’asseoir ensemble, faire un dépassement de soi pour l’avancement de soi, relancer le pays sur la base d’un nouvel État.

Le Fonds Monétaire International face à la dette extérieure des pays du tiers - Monde. Le Cas d'Haïti
Dr Dorcelus Francinor
Directeur du centre d’examen et du campus présentiel de Madison International Institute . Port-au-P , Haïti . Professeur d’universités.

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