Le Président de la République d’Haïti, Jovenel Moïse, n’a pas tardé à révoquer Me Lucmane Délille du Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique après avoir donné une conférence de presse où il a dénoncé l’absence de l’État face aux bandits armés. Des interprétations de toute forme sortent de partout dans le but de savoir la raison de cette révocation spectaculaire.
Dans la conférence de presse, Me Lucmane Délille s’est encore montré intéressé à traquer les hommes armés qui occupent les entrées sud et nord de la capitale. Dans les premiers jours du mois de juin, un mandat d’arrêt a été émis contre le nommé Jimmy Chérizier, dit Barbecue, qui opère au bas de Delmas. Ce dernier qui s’érige en unificateur des bandits armés n’a jamais été arrêté. Jusqu’à aujourd’hui.
Le journaliste Fanel Delva qui ne mache jamais ses mots avait déjà prédit ce scénario le 10 juin en publiant ceci sur son compte Facebook : “Ann parye, bagay arete Barbecue sa ka fè Lucmane pèdi djòb li […] kòman w fè vle manyen asasen Jovenel Moïse?”
En ce début de juillet, un autre mandat d’arrêt a été émis contre un soi-disant Prophète connu sous le nom Berger Moderne. Il aurait la même mission que Barbecue et oeuvrait corps et âme pour que tous les gangs du pays soient unifiés.
Ce mardi 7 juillet, la ville de Port-au-Prince était en ébullition. Des hommes armés ont semé des troubles dans l’entrée sud de la Capitale. Un certain “Izo”, chef de gang, se voulait un bain de foule et un bain de mer. Au retour de ministre Délille, qui était en voyage, il a rendu, ce jeudi 9 juillet une conférence de presse qui n’aurait pas plu à son supérieur. Il a déclaré :« Nous croyons qu’Haïti n’est pas une république bananière où des vagabonds, des délinquants, criminels font ce qu’ils veulent. Nous n’acceptons pas ce genre de comédie de mauvais goût. Nous demandons à la police nationale d’Haïti de tout mettre en œuvre pour traquer ces messieurs comme des bêtes sauvages, car ils sont des bêtes sauvages : il faut qu’ils aient ce qu’ils méritent en tant que délinquants et criminels. On ne peut plus tolérer ce genre de plaisanterie». Ces propos seraient un levé de bougonnement du Chef de l’État qui a tout suite décidé de son sort.
Le journaliste Enock Arismat croit que Lucmane Délille paraissait l’unique membre du pouvoir qui voulait vraiment combattre les bandits. “Men, se aktivite gwo van ti lapli misye tap regle! Misye pat gen mwayen politik li.”
Et Fanel Delva de son côté, a présenté le président de la République comme allié du G9 [assemblage des chefs de gangs]. “Le G9, bras armé et criminel de Jovenel Moïse, on n’y touche point. Ces groupes armés sont la garantie de finir son mandat en toute quiétude, et même aller au delà du mandat. D’ailleurs, le G9 prend possession de plusieurs mairies du Pays… il gagne en pouvoir et espace.”
Il poursuit : “En Clair, les bandits sont les nouveaux chefs de Jovenel, et non forcément les bourgeois. Ce que Barbecue veut, Jovenel le veut. Et il y aura des manifestations dans les quartiers populaires, quand Barbecue l’aura décidé.”
En conluant, il lance un défi à l’opposition politique qui peine vraiment à unir un grand nombre pour fouler le macadam. “Alors, je voudrais voir les hommes de l’opposition organiser une seule manifestation. Oui, une seule. Et comme André Michel avait déjà vendu la lutte, on est dans la merde, à la merci de Barbecue.”
En tout cas, Lucmane Délille perd son poste. C’est la Une de l’actualité. Il aurait touché une partie du jeu qui n’a pas plu au propriétaire du casino.
Par rapport à l’actualité, l’intention qui serait cachée derrière la prolifération et l’unification des gangs n’est évidemment autre que la conservation du pouvoir, s’il faut évoquer le dicton “tout chemin mène à Rome”, ou celui “la fin justifie les moyens”. Mais, étant dans un État dit démocratique, ce ne devrait qu’au peuple de décider, sans contrainte. Pourra-t-on parler d’élections par ces moyens qui s’annoncent très fragiles? N’est-ce pas déjà la naissance d’une dictature qui attend peu pour grossir?
