La Presse

Qui sont, selon vous, les Journalistes “machann mikwo”?

Ce n’est pas nouvelle cette façon d’appeler certains journalistes en Haïti ces derniers temps. Tous les jours, sur la toile, des internautes identifient quelques journalistes qui, selon eux, seraient des “machann mikwo”. Pour aborder ce phénomène qui ne cesse d’alimenter les discussions de nos jours, nous nous sommes entretenus avec trois jeunes passionnés de Radio, des émissions d’analyses, évoluant dans des champs d’études différents.

Ces jeunes de l’Université d’État d’Haïti (UEH) qui nous ont donné leurs points de vue sur le phénomène sont : Walkens Louisius, étudiant de la Faculté des Sciences Humaines – Molière Adely, étudiant de la Faculté d’Ethnologie et Lewis Jean, étudiant de la Faculté de Droit et des Sciences Économiques.

De la définition du concept “machann mikwo” attribué à des journalistes

En tout premier lieu, il faut une définition à la pratique “Jounalis machann mikwo”. Ce qui devrait de nous aider à bien schématiser l’entretien.

Walkens Louis définit la pratique en un mot. Pour lui, “un marchand de micro [machann mikwo] est un sophiste”. Quant à Molière Adely, “ce sont des journalistes qui utilisent leurs espaces de diffusion pour faire des propagandes pour des participants. Ces derniers exigent des fortes sommes d’argent ou d’autres avantages à ces personnalités politiques, ainsi qu’à des institutions avant de diffuser des informations les concernant. Toutefois, il faut dire qu’il y a aussi des marchands aussi pour la presse écrite”.

Ne s’écartant pas trop de la position d’Adely, Lewis Jean définit la pratique beaucoup plus en fonction des normes déontologiques du métier du journaliste. D’après lui, “Les journalistes “machann mikwo” ne sont autres que ces individus appartenant à certains médias – le plus souvent très influents – qui travaillent pour un secteur ( politique, économique…) au détriment du respect du code éthique et de la déontologie du journalisme. Autrement dit, ils reçoivent soit une rémunération et des avantages en contrepartie. Ils sont en majeure partie des leaders d’opinion, des analystes politiques, des rédacteurs/ éditorialistes de grands journaux. Cette dernière catégorie devrait, de préférence, être taxée de “machann kout plim”! Peu importe ils font la même besogne dans le fond.”

Des caractéristiques de ces journalistes:

Les définitions étant maintenant claires, il revient maintenant d’étaler ceux qui semblent être les caractéristiques de ces genres de journalistes.

Louisius tente de dresser un ensemble de traits caractéristiques propres à ces journalistes. Il croit qu’ils disent la vérité à moitié, ils font des omissions par rapport aux faits, dénigrent et se prononcent seulement en faveur de X, manipulent le langage et les statistiques etc.

Adely pense que “ce sont majoritairement des gens qui ont pris d’assaut le métier du journaliste. Ils animent des émissions socio-politiques, créent toujours la sensation. Cette tactique a deux objectifs : chercher de l’écoute, et faire venir vers eux des politiciens pour négocier”.

Et Lewis d’avancer avec ces points pour les caractériser : Absence totale ou partielle d’objectivité; altération des faits, donc la réalité. Il y a un manque de cohérence sur l’utilisation des arguments et leur analyse superficielle des choses; Brouillage des pistes pour duper”.

Ce qu’il faut ici remarquer, il y a une complémentarité entre ces avancées. Toutefois, l’approche de Louisius se lie davantage à celle de Lewis, puis Molière décortique amplement certaines manoeuvres utilisées par les journalistes “machann mikwo” pour atteindre leur but.

De ce qui en est à la base:

Des définitions et caractéristiques que viennent nous dresser ces étudiants, il est d’une évidence que le terme commerce serait la bonne façon de déduire cette pratique qui gangrène la presse haïtienne.

Sur cette façon de l’appeler, Louisius reste convaincu que ces journalistes ne visent que des “avantages économiques, sociales et politiques”. Adely agite la discussion en pointant du doigt le déclin de la morale. “Il y a un problème d’éthique ces derniers temps au niveau du métier. (Twòp dasomann). Ils vendent leur conscience pour de l’argent. Toutefois, je dois avouer qu’il se cache dedans une crise économique. Certains médias ne paient pas bien leurs journalistes. Ne pouvant pas vivre de leurs salaires, ils partent en quête de l’argent facile.”

Lewis va un peu plus loin. Il place ce commerce sous la responsabilité : de la non-régularisation de la profession du journaliste en Haïti – du déficit de citoyenneté, “car ce journaliste qui vend son micro ne pense qu’à faire son beurre en négligeant les torts qu’il cause à toute la société”; l’incapacité des auditeurs/récepteurs à remettre en question leurs analyses pour arriver à déceler le vrai du faux des faits et propos avancés.

Des solutions pour pallier ce problème:

Enfin, pour pallier ce problème qui est à la base d’une absence de confiance de la population. Car, l’image de la presse aux yeux des citoyens se dénigre au jour le jour. En raison de cette pratique, Louisius, Adely et Lewis ont tous proposé des pistes de solutions qui pourraient conduire à redorer l’image du métier.

Louisius propose l’évaluation du patrimoine économique des journalistes tous les trois ans, les barèmes des salaires bien définis et enfin, la mise en place du comité d’éthique au journalisme dans le but de freiner cette pratique.

Sur la même lignée, Adely précise “qu’Il faut un ordre des journalistes dit les travailleurs et travailleuses de la presse. Il y a beaucoup de politiciens qui créent des médias juste pour faire des propagandes. Il faut freiner cette pratique. Des sanctions pour pénaliser les fautifs.” Puis ajoute qu'”On doit redéfinir les principales missions des médias dans ce pays.”

Lewis Jean, quant à lui, ne voit qu’un changement radical comme principale porte de sortie. Donc, “vu l’ampleur de cette “crise”, je crois qu’il faut une révolution dans ce secteur là. Tant que les gens à la fois crédibles et capables restent dans leur petit confort et laissent ces mafieux faire leur fortune, la situation ne changera jamais !”

Ce qui précède, c’est la façon dont trois jeunes appréhendent un sujet de grande envergure qui n’est malheureusement pas parlé dans les grandes stations de radios et télévisions de nos jours. Pourtant, il s’agit d’une pratique qui met en péril la confiance des populations dans les informations véhiculées dans la presse.

L’évidence, c’est que chaque haïtien a en tête au moins un leader d’opinion qu’il croit être “machann mikwo”. Mais, il semble que cela va encore perdurer, eu égard à l’état de délabrement qui a réduit ce noble métier.

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