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Lettre d’indignation à la société haïtienne

Chère société haïtienne,

Au reçu de votre vidéo, j’ai pensé d’abord à la supprimer. Mais j’ai regardé à titre de curiosité ce spectacle cauchemardesque où en date du 12 juillet 2020, Meridina Fleurimont, ce bébé de 8 mois, baigne dans son sang. Depuis, je suis en proie à toutes les souffrances morales. Je me sens le cœur plein de rage et d’amertume. Depuis, cette vidéo n’a suscité en moi que de l’indignation et ne me donne que de mauvais rêves. Sitôt que j’aille coucher dans mon lit, l’image de ce bébé file et défile dans ma mémoire. Je pleure silencieusement et je m’endors dans les larmes.

Que vous est-il arrivé pour que vous soyez devenue si laide où la violence et la haine n’ont plus de limites. Pourquoi ne puis-je puiser aucune force morale dans votre regard ? Pourquoi en pleine ceinture vous n’accouchez que des macoualis ? Pourquoi êtes-vous si fragile le jour comme la nuit ? Est-ce parce que vous avez tourné le dos à Dieu ? C’est ce qui arrive dans toutes les sociétés non contenues par une forte éducation morale et des croyances religieuses (Hibbert,1976). Elles se dégringolent en se reposant toute la sainte journée dans un lit de malheurs intarissables. Puis un jour elles disparaissent.

Sous vos yeux cet enfant de 8 mois a perdu sa vie sous des balles assassines. Vous n’avez pas pantoyé de rage pour dénoncer ce crime odieux. Sous votre complicité se construit un monde tragique et grotesque. Il semble que votre corps a fini par s’habituer aux crimes. Comment des êtres humains peuvent-ils atteindre ce stade du ”Kite melem se pa pitit mwen ?”. Si dans toutes les sociétés humaines on abattait les gens comme des bêtes sauvages, elles auraient perdu toute leur humanité et ce serait la fin de l’espèce humaine. Donc un homme qui, profitant de la défaillance des institutions républicaines, ôte la vie de ses semblables est un être lâche. Par conséquent ne mérite que du mépris.

Ici on abat les enfants comme des bêtes sauvages. Ici la mort promène son masque hideux à travers les fenêtres (Morisseau,11ème siècle). Ici les faussaires du temps se sont élevés en faux dieux. Ici on tue à visage découvert et on revendique le crime aux nouvelles (Laferrière, 2009). Ici certains hommes se laissent être des jouets dans les mains d’autres hommes (Apollinaire, 1913). Ici personne n’est humainement émancipé. Ici c’est la barbarie et le chaos.

Je sais ce que c’est être père car Dieu m’en a déjà donné la chance, quoique ce ne fut biologiquement. J’ai aimé une petite fille bulgare, d’un amour si fort, si tendre, si vrai, si calme. Ce fut partagé. L’amour d’un enfant peut sauver n’importe quel esprit humain des débris de la méchanceté. C’est dans le regard de cet enfant que j’ai puisé ma puissance et mes vertus. L’amour d’un enfant ajoute un surplus d’être à notre joie et à notre humanité. Quand on perd un enfant, quel que soit l’âge, on ne peut qu’avoir le cœur déchiqueté et les entrailles en lambeaux. Quand on perd un enfant, c’est une partie de soi qui va sous terre.

En abattant cet enfant, on vient de prendre à cette mère ses neufs mois de tourments. Sa grossesse pénible. Les souffrances de ses plusieurs nuits blanches. L’accouchement. Profond déchirement. Vive déchirure du ventre. Extorsion des tripes. Projection douloureuse de la vie. Ses huits mois d’allaitement. Ses lessives. Sa patience. Ses larmes. Ses espoirs. Ses rêves (Frankétienne,1968).

Aujourd’hui tout ce que je vous demande, indignez-vous ! L’indignation est un sentiment révolutionnaire. Elle peut faire bien des miracles. Si la haine prolifère et colonise chaque souffle d’air, chaque millimètre de l’espace vital (Pépin,1999) des oubliés du ghetto, si la source de l’amour s’est tarie en eux, la faute est à vous qui les avez confinés dans l’étau de la misère depuis des lustres. Vous avez oublié qu’il incombait à vous la lourde et salvatrice mission d’édifier une humanité nouvelle où seront définitivement instaurées les valeurs morales et sociales conformes à la dignité de l’être humain. Vous n’avez pas su aider ces gens à atteindre les pics les plus élevés de leur être. Vous ne leur avez même pas donné la possibilité d’aimer ou de croire en Dieu.

Aimer Dieu c’est manifester un amour sans bornes envers son prochain, prêt à lui pardonner. L’amour bonifie le cœur et simplifie l’âme. L’amour excuse tout (Hibbert, 1923). L’amour rachète, l’amour sauve tout (Dostoïevski, 1880). Tout finit par la mort ! Mais l’amour peut vaincre la mort (Tolstoï,1867 ). L’amour est plus puissant que la mort (Tourgueniev,1883).

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