Culture

Moise Supa Déno : la lamentable vie d’une star de renom

Moïse Supa Déno, l’un des pionniers du rap créole est décédé ce vendredi 24 juillet 2020. La nouvelle de sa mort a fait l’effet d’une bombe sur la toile et les réseaux sociaux. C’est une étoile qui disparait du milieu culturel haïtien. Malgré l’empreinte qu’il a su laisser dans le “hip hop créole” et les impérissables souvenirs qu’il a laissés dans la mémoire des fans de ce noble art, saviez vous que le train de vie du rappeur n’était pas si différent d’un cheminau ?

En effet, les images qui circulent sur la toile montrent que le bien aimé de Master Dji, n’a pas bénéficié une vie de star. Étant le pionner du rap créole, la vie qu’il avait était comparable à un va-nu-pieds qui n’avait pas de domicile fixe et qui menait une vie de mendicité, refusant les contraintes sociales et soumis à la misère.

Photographié à maintes reprises dans un état lamentable, presque toutes les images qu’on a comme souvenir de la star montrent qu’il avait une vie similaire à un laisser pour compte, égarés sur les toits de la ville sans respect de sa dignité humaine. Du coup, à la vitesse du vent, certaines personnes invitaient des Haïtiens du monde entier à des collectes de fonds au profit d’un artiste qui n’en sait rien de rien.

Vie misérable d’un artiste haïtien sous les yeux du Ministère de la Culture

Dans sa participation à l’émission culturelle ” Pi Lwen Ke Zye” le 30 octobre 2016, l’artiste dit avoir ignoré la présence d’un tout éventuel Ministère de la Culture en Haïti. “Rigolo, pa gen ministè lakilti nan peyi a. Sa m klè sou li.” a martelé le rappeur pour répondre à une question de Rigolo sur la place Sainte-Anne.

Répondant aux interrogations de Junior Rigolo, le regretté de mémoire dit avoir fait d’innombrables tentatives auprès du Ministère de la Culture et de la Communication (MCC) pour obtenir son soutien et réaliser certains projets. Peine perdue, ce n’était que de vaines tentatives. “Mwen ekri plizyè lèt voye bay ministè a, yo reponn mwen aprè plizyè jou. Ou konn sa yo dim Rigolo ? Yo pap ka edem.” a regretté l’artiste.

Toutefois, l’artiste n’a pas précisé de quel projet il était question et n’a pas non plus cité le nom du titulaire du MCC d’alors.

Supa Déno, un drogué et alcoolique ?

Toujours dans le show de plus d’une heure, Supa Déno dit avoir jamais fumé quoi que ce soit. Ce qui sous-entendrait que le tabac ainsi que la marijuana n’ont jamais touché sa bouche. Encore moins la cocaïne. Parallèlement, il affirme avoir beaucoup consommé de l’alcool.

Supa Déno boit beaucoup, il le confirme et assume ses responsabilités en ce sens : « Je suis frustré ! Boire me permet de soulager mes frustrations. J’ai horreur de ma vie ! Ce n’est pas que je vis mal, mais parce que ce je voulais gagner, ce que je voulais être, je ne le suis pas encore devenu. »

La star, qui a vu défiler des générations d’artistes, est aujourd’hui un homme frustré. « Ce qu’il y a, contrairement aux commentaires laissant croire que Supa Deno est une victime de la drogue, c’est que l’artiste se retrouve depuis un certain temps dans la peau d’un révolté, succombant sous le poids de ses frustrations. Et la meilleure façon qu’il a trouvée pour noyer sa peine, c’est l’alcool », nous explique Atròs, rappeur de Rockfam, qui, avec Fresh La de Vwadèzil, se sont impliqués dans une quête pour améliorer la situation de Supa Dénot.

L’ancien chanteur du groupe Haiti Rap & Raga vivait depuis quelques temps dans l’extrême pauvreté. À l’initiative d’un groupe d’artistes et de personnalités de la société , l’interprète de «Nwèl nan Wèl Ou » a été pris en charge pendant un certain temps dans un centre de désintoxication en République Dominicaine. De retour en Haiti il y a plus d’un an, Moïse Supa Déno s’est adonné à nouveau à ses anciennes pratiques d’abus d’alcool et a malheureusement laissé sa peau.

L’un des pionniers du Rap créole, champion du concours Noël à Télémax en 1996, il avait des rêves plus grands que ceux-là

Supa Déno est l’un des premiers initiateurs du rap créole. Ce n’est un secret pour personne. Aux côtés de Master Dji, l’un de ses francs amis, ils avaient tous deux su faire parvenir le hip hop dans l’environnement culturel haïtien. Toutefois, il avait affirmé avoir un rêve plus énorme que cela. Celui de devenir une star internationale dépassant Wiclef Jean.

Selon un article du quotidien Le Nouvelliste, Supa Déno avait affirmé en 2015 qu’il n’avait jamais jetté l’éponge et a pour le moment (2015) un projet en studio qu’il prépare totalement en anglais.

“Le plus gros cauchemar de ma vie c’est de me voir être dans l’incapacité de réaliser le rêve de ma vie.” Dit le regretté de mémoire à l’émission télévisée de la RTVC. “Si j’était né dans un grand pays, ca aurait été moins difficile pour moi.” poursuit-il. “Nou pa gen peyi, nou jis gen yon pak kchn”. a t-il enchaîné dans un air frustré.

Le rêve de Supa Deno c’etait d’être un artiste de renommée internationale et récompensé pour l’ensemble de ses œuvres.

Champion du concours Nwèl en 1996 à la Télémax (chaine 5), il avait envi de signer de gros contrats avec les plus grandes industries musicales du monde.

Moïse Supa Dénot, un talent et une carrière finie dans un état pitoyable

Ayant été une grande figure de la culture haïtienne, n’est ce pas honteux pour le monde artistique, l’État haïtien et la société haïtienne en entier, de voir une icône finir sa vie ainsi que sa carrière d’artiste dans une telle condition ?

Victime de l’insécurité de sa terre natale, Supa Déno est passé de vie à trépas après avoir été roué de coups mortels à Portail Léogane par des clochards. Qu’est ce qu’il a bien pu faire pour meriter une telle punition ? “Presque mort, on allait le jetter sur un tas d’immondices à la Place Sainte Anne si je n’étais pas intervenue. Je l’ai ramené chez moi, mais malheureusement il n’a pas survécu”, explique Kattia Georges, son amie d’enfance chez qui il est mort vendredi 25 juillet.

C’est ainsi que se terminent la vie et la carrière du pionner du mouvement en Haïti. Ce n’est pas si différent du comédien Nono, du chanteur Beken, de Rodrigue Millien et tant d’autres artistes encore. Ils sont nombreux, les artistes, superstars, anciennes gloires de la culture haïtienne, à se trouver dans des états qui les mettent face à une réalité inattendue et décevante. Ils sont pour la majorité bénéficiaires des activités de collecte de fonds ou de marathon pour les aider à remonter la pente.

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