Opinion

Haïti en route vers la guerre civile

(TripFoumi Enfo) – Une société est favorable à la guerre civile dès que les crimes odieux commis par ou contre un groupe restent impunis et bénéficient de l’incrédulité des institutions de paix, la vie est banalisée et l’homicide chose courante, la barbarie ne révolte les consciences, les viols n’ébranlent la morale, le pouvoir et l’opposition ne parviennent à trouver un modus vivendi à travers le dialogue et la concertation pendant que chacun a son groupe armé, la police est politisée, les hommes de loi avilissent la justice, les intellectuels et les médias oppressent la vérité. Malheureusement c’est dans cette triste dynamique que s’inscrit le pays depuis quelques années. Peut-on éviter ce chaos ? Ce texte n’a pour objectif que de rappeler les élites leur rôle dans le pays.

Haïti est un état de non-droit, vampire où des paysans subissent le courroux des voleurs de terres et des citoyens de la diaspora sont dépossédés de leurs maisons (Rezonòdwès, 2020) ; dans les prisons, la vie des détenus sont en danger faute de nourriture et de salubrité (RFI, 2019) ; le territoire est infesté par des groupes armés ; dans les ghettos des bébés et des femmes enceintes sont tués d’une balle à la tête, des vieillards éventrés, des fillettes et des garçonnets violés, des jeunes hommes et des jeunes femmes meurent criblés de balles, décapités, charcutés, brulés vifs ou morts (Dandin, 2020). Ainsi, on nous a habitués aux : vol, malpropreté, banditisme, massacre en cascade. Et le pays s’effondre sous le regard complice des forces morales, des élites et de la communauté internationale.

En sécurité, personne ne l’est ici. Aujourd’hui que l’on soit hors ou à l’intérieur de sa maison qui devrait constituer une lieu sacré, pour les assassins il n’existe aucune différence. Ils savent pertinemment que leurs actes seront sans conséquences néfastes sur leur avenir si leurs alliés continuent à jouir d’un peu de pouvoir politique. C’est le règne de l’impunité. Vous savez, tuer est comme la faim, plus on a faim plus on a envie de manger. Donc plus on tue plus on a envie de tuer. De ce fait, les tueries, si personne ne les punit, elles deviennent la seconde peau des tueurs. Ces derniers peuvent même se transformer en animal sans y prêter attention. Les enfants peuvent même se réveiller un bon matin et demander à leurs parents le bilan du nombre de personnes tuées hier. C’est de cette manière qu’on inculque à une société la culture de ”la vie ne vaut rien” .

Une telle situation est une preuve que quelque chose se trame en Haïti. Les forces du mal ont déjà brûlé toutes les étapes dans le déroulement de l’événement qui se prépare contre les fils du peuple. C’est-à-dire, en premier lieu l’humiliation et le musellement des quartiers populaires susceptibles de se rebeller ; en second lieu l’étiquetage de bandits de tous les habitants de ces quartiers ; en troisième lieu la fusillade de familles entières dans ces quartiers et autres avoisinants ; en quatrième lieu la fuite des habitants ou le déplacement forcé des populations ; en cinquième lieu l’entretien de la peur ; en sixième lieu l’éloge des meurtriers. À présent il ne reste qu’un élément déclencheur.

Si guerre civile il y en aura en Haïti, le 7 février 2021 est une date fatidique . Son origine sera certainement de nature politique. Elle n’aura pour objectif que de renverser un pouvoir jugé à velléités dictatoriales, souffrant de déficit de légitimité depuis son installation, pour se servir à sa place. Les grandes puissances jalouses de l’épopée humaine de 1804 profiteront de l’occasion pour nous rire au nez, nous humilier, outrager la mémoire des aïeux pour une ènième fois. Et le nouveau chef, pour avoir été choisi par le Blanc à la faveur des circonstances et pour se maintenir au pouvoir jusqu’aux prochaines joutes électorales, n’aura aucun problème de mettre un boulet de galère aux pieds de la liberté haïtienne en se positionnant en faveur des projets tels que l’annexion de la partie Est et Ouest de l’île.

Ne se sont-ils pas déjà moqués d’autres peuples lors de guerre civile ou de génocide ? En 1994 l’histoire a été témoin de la passivité de l’ONU et même de la complicité de certains pays d’Europe lors du génocide des Tutsis par les Hutus au Rwanda. Les casques bleus, sous prétexte qu’ils n’avaient pas un mandat clair les autorisant à faire la guerre, ont assisté au début du génocide les bras croisés (Hartzfeld, 2003). Durant la guerre de Bosnie-Herzégovine en 1995, l’ONU n’a t-elle pas fait preuve de mauvaise conscience en laissant massacrer des milliers de Bosniaques par l’armée de la République Serbe de Bosnie, quoique le mandat assorti aux casques bleus prévoyait clairement le recours à la force pour défendre Srébrénica la ville massacrée ? La lâcheté et le dysfonctionnement onusiens étaient responsables du pire crime de guerre commis en Europe depuis la fin de la deuxième guerre mondiale (Girard, 2009).

Nous pouvons éviter le chaos haïtien. À cet égard, il revient à l’Elite de se montrer à la hauteur des circonstances. Assumer ses responsabilités c’est cesser d’inspirer à la population cette apathie pernicieuse contraire à toute action réformatrice ; ne plus se contenter d’observer cette situation chaotique, de la subir sans entreprendre une quelconque action pour agir en vue de contribuer au changement. Pour résumer la Guinéenne Kadiatou Diallo (2008), remplir son rôle en tant qu’Elite c’est : « contribuer à sa façon au développement de son pays à travers son expertise, ses conseils et orientations ». À cet effet la première action à poser : combattre tous les intellectuels qui ont infiltré l’appareil d’Etat et qui en constituent un noyau dur et nocif.

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