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Le « Restavèk » haïtien, ou le rétablissement de l’esclavage en Haïti

(TripFoumi Enfo)- Lève-tôt et couche-tard. Tels sont les deux caractéristiques représentant au mieux le restavèk. Ce dernier est ce garçonnet ou cette fillette généralement agés entre 6 et 15 ans qui d’enfant « donné » passera malgré lui au rang d’enfant «domestique». Une situation que l’on qualifie couramment de Restavèk. Ce dernier pleure sa situation infrahumaine et continue de prier pour recouvrer sa liberté dans un pays où l’esclavage a été aboli plus de deux siècles avant par ses aïeux.

Enfant comme tout autre au départ, le restavèk est généralement issu d’une famille vivant en dessous du seuil de l’extrême pauvreté. Soit avec moins d’un dollar américain par jour. Dans l’objectif de pouvoir lui garantir alors un avenir plus sûr, ses propres parents le confient à des personnes jugées financièrement mieux placées qu’eux-mêmes.

Cela dit, ces gens qui, pour la plupart leur sont de parfaits inconnus, sont perçus comme un support par ces pères et mères qui laissent partir leur enfant. Sauf que la réalité pour leur môme sera toute autre.

Loin de sa famille naturelle, l’enfant ira donc « rester avec » sa nouvelle famille hôte. Delà le sobriquet de restavèk lui sera accolé. Là, il se heurtera à une toute nouvelle réalité. Sans tenir compte de ses capacités physiques, le restavèk qu’il est subitement devenu se retrouve responsable de toutes les occupations domestiques : cuisine, lessive, repassage, ménage… Mais encore, il doit supporter la trop forte charge de violence à la fois physique et psychologique. Car, le premier à être suspecté de vol à chaque fois, l’enfant restavèk est incessamment criblé d’injures et de coups au moindre faux pas.

Combien même, selon la famille l’ayant « accueilli » sous son toit, le restavèk mal nourri et mal vêtu peut bénéficier du pain de l’éducation. Mais, une éducation taillée à son image de nécessiteux. Ainsi, après une longue et épuisante journée de corvée, il va à l’école dans l’après-midi, sans pouvoir compter sur la totalité des fournitures scolaires. Et pourtant, il doit se considérer chanceux comparé à ceux qui, restavèk comme lui, sont privés du chemin du savoir.

De ce mode de vie infrahumain, Benoît en est l’exemple type. Dans un article d’Ayibopost en date du 20 novembre 2020, la vie du jeune adolescent d’environ 14 ans est relaté. « Hébergé par une famille dans la capitale. Il se lève tôt pour s’occuper de la maison. Au départ des enfants pour l’école et des adultes pour leur travail, il doit trouver de l’eau potable et aller au marché pour les ingrédients du repas de midi. Frêle et toujours en loque, il est battu pour ses moindres écarts de conduite…»

Un peu plus loin, témoigne de son expérience douloureuse en tant que restavèk, une jeune femme de 22 ans. En plus des conditions inhumaines dans lesquelles elle vivait, Erika affirme avoir été violée à 16 ans par 6 individus « un jour en sortant de l’église ». Des suites de quoi, elle s’est retrouvée enceinte. Grâce à la Fondation Maurice Sixto, Erika affirme avoir bénéficié d’une bourse en plomberie. Et diplômée en 2016, elle peut aujourd’hui exercer son métier de plombier pour prendre soin de son fils de 6 ans.

Qu’il s’agisse d’Erika, de Benoît, ou de n’importe quel autre enfant en domesticité, le fait est que le caractère apolitique de ce sujet n’intéresse pas réellement nos autorités étatiques. Mis à part quelques rares fondations comme la Fondation Maurice Sixto qui œuvre depuis 13 ans pour le respect des femmes et des enfants en domesticité, ceux et celles plaidant pour la cause des restavèk sont quasi inexistants. Grosse erreur de notre part. Gertrude Séjour, directrice de ladite Fondation semble saisir parfaitement la gravité de la situation contrairement à plus d’un.

« En Haïti avec ce système nous sommes en train de créer nos propres bourreaux, ceux-là qui demain seront nos ennemis et qui déjà le sont », a laissé entendre madame Séjour. Pour elle, c’est plus que difficile voire impossible de « demander à quelqu’un d’éprouver de l’amour, de la pitié, de la compassion à notre égard quand il ne sait tout simplement pas ce que cela veut dire, quand il a été toute son enfance la risée et le souffre-douleur d’une famille ».

En plus des promesses faites à leurs parents qui ont été violées, ces enfants restavèk sont psychologiquement détruits. Foulés au pied, ils deviennent des êtres sans aucun amour propre à force d’être vilipendés au quotidien. Et malheureusement plusieurs d’entre eux, longtemps après, restent sous l’emprise des séquelles laissées par les incidents ayant marqué cette épisode critique de leur vie.

Ainsi donc, il serait plus que temps d’investir pour doter le pays d’instances avec la mission d’encadrer les familles haïtiennes en situation extrêmement précaire. En les aidant à faire face aux nombreux défis rencontrés notamment en milieux ruraux, par exemple l’inaccessibilité que ce soit à des centres de santé adéquats, à l’eau potable ou encore à une éducation de qualité, on leur permettra de subvenir à leurs besoins. Et donc, l’on supprimera peu à peu la nécessité pour ces familles majoritairement monoparentales de se séparer de leurs enfants.

400.000 ils sont en tout, à croire le Ministère des affaires sociales et du travail (MAST). Et de ces 400.000 enfants en situation de domesticité, 207.000 sont en situation inacceptable. Autrement dit, plus de la moitié de ces enfants sont maltraités au quotidien par leur « famille d’accueil » et n’ont accès ni à la santé ni à l’éducation.

Avant partout ailleurs, c’est en Haïti que l’esclavage fut définitivement aboli sous l’impulsion des esclaves insurgés conduits par Toussaint Louverture. « Il ne peut exister d’esclaves sur ce territoire, la servitude est à jamais abolie. Tous les hommes y naissent, vivent et meurent libres (…). », stipulait l’article 3 de la Constitution haïtienne promulguée le 8 juillet 1801.

Et pourtant, deux siècles après, on assiste encore à cette forme de servitude devenue à contrecoeur la norme.

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