Politique

Le nouveau décret de Jovenel Moise, un décret défectueux selon l’avis de plusieurs spécialistes

(TripFoumi Enfo) – Après le décret sur le Renforcement de la sécurité publique, vient à présent celui sur les Intermédiaires de change qui réalisent des opérations de change à titre habituel. Le 30 novembre 2020, Jovenel Moise a publié son nouveau décret qui vise à redonner le plein contrôle du marché des changes à la Banque de la République d’Haïti. Sauf que pour certaines personnalités publiques, à l’instar de l’ancien représentant du Fonds Monétaire International (FMI) en Haïti, M. Wayne Camard, et de l’économiste Dr. Eddy Labossière, ce décret ne saurait être suffisant à la crise actuelle de l’économie._*

« Le nouveau décret sur les Intermédiaires de Change est un désastre pour l’économie haïtienne ». S’exprimant sur le décret de Jovenel Moise, M. Wayne Camard n’y va pas par quatre chemins pour le qualifier. En effet, ex-représentant du FMI en Haïti, Monsieur Camard estime que le pays rétrograde d’environ 3 décennies avec ce présent décret. Autrement dit, l’actuel président haïtien replace le pays « dans le monde de Prosper Avril, où le gouvernement décide qui a le droit d’accès aux dollars au taux officiel ».

Cela dit, l’échec est inévitable selon M. Camard. L’approche ayant déjà échoué sous le 41e Chef d’État haïtien, il est plus qu’évident que le résultat ne saurait être différent, à savoir réussir uniquement pour un petit groupe auquel cela aura bénéficié.

De son côté, l’économiste Eddy Labossière juge que ce cadre légal récemment établi est le résultat d’une forme de négligence de notre part. « Nous avons laissé se développer un marché de change formel et informel qui font de la spéculation », a-t-il tweeté sur son compte officiel ce matin. Un marché de change, notamment celui informel, qui, à force de devenir très puissant au fil du temps, a fini par échapper au contrôle de la BRH.

Ainsi, le secteur formel bancaire et le secteur informel constituent deux entités illégales qui manipulent le marché des changes aux cotés de la Banque centrale. Et donc, ils sont ce que Dr Labossière identifie comme des grands maux qui ont justement nécessité ce grand remède, en l’occurrence le nouveau décret sur le Renforcement de la sécurité publique, publié le 30 novembre 2020 dans le journal officiel Le Moniteur.

Alors, au regard de cette décision étatique, ne pas respecter le taux de référence publié par la BRH ou encore effectuer des opérations de change sans autorisation de fonctionnement accordée par la Banque centrale sont désormais punis par la loi. Car, stipule l’article 54.1 du décret susmentionné, tout coupable, qu’il s’agisse de personne physique, de personne morale ou d’intermédiaire de change, est passible « d’une amende équivalant à trente pour cent (30%) des revenus gagnés pendant l’année de la commission de l’infraction, sans que ce montant puisse être en aucun cas inférieur à cinq millions (5,000,000.00) de gourdes pour la personne physique, ni à quinze millions (15,000,000.00) de gourdes pour la personne morale. »

Au surplus, en fonction du degré d’implication des différents acteurs, une peine de 7 à 10 ans d’emprisonnement est également prévue. Et ce, sans préjudice des dommages et intérêts et des autres peines prévues par la loi.

Entre autres, ce même décret de Jovenel Moïse fixe à la fois ce que sont les intermédiaires de change et ce qui est légalement considéré comme une opération de change. Sont alors retrouvés au rang d’intermédiaires de change, toutes les entités autorisées par la Banque de la République d’Haïti à faire des opérations de change. À titre d’exemple, les banques dûment autorisées à fonctionner par la BRH, les bureaux de change ou encore les personnes morales désireuses de faire des opérations de change leur unique activité en Haïti.

Et s’agissant de ce que c’est qu’une opération de change, l’article 3 du décret en pose les conditions. Tout d’abord, c’est toute opération de conversion d’une monnaie dans une autre devise qui, au moment de la transaction, s’effectue en fonction du taux de change. Puis, le fait d’accepter, en échange des devises délivrées à un client sous forme d’espèces, de chèque ou par carte de paiement, un règlement par un autre moyen de paiement, sous réserve que celui-ci soit libellé dans une devise différente.

En somme, le décret sur le Renforcement de la sécurité publique veut permettre à la Banque de la République d’Haïti de reprendre le contrôle du marché des changes. Sauf qu’il n’est nullement certain que cela parviendra à apporter de véritables solutions. Certes, les bureaux de change sont limités aux strictes opérations définies par le nouveau décret en son article 54. Parce que désormais, ces derniers ne peuvent recevoir des dépôts sous quelque forme que ce soit, de négocier des effets de commerce tels : lettre de change, lettre de crédit ou autres. Cependant, le tout n’est pas dans le taux de référence.

À côté de l’appréciation continue du dollar américain, sa rareté sur le marché formel des changes est indéniable. En conséquence de quoi, l’on continue à devoir payer jusqu’à 80 gourdes pour 1 dollar, dénoncent plusieurs citoyens. Parmi lesquels des importateurs en nécessité du dollar. La BRH saura-t-elle dans sa reprise de contrôle du marché des changes résoudre ces problèmes ? Ou devra-t-on rester dans l’attente d’un nouveau décret ? L’impératif quant à lui demeure. Il faut stabiliser la gourde.

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