Opinion

7 Février 2021 représente la fin du mandat présidentiel mais systématiquement la fin du régime totalitaire instauré par Jovenel Moise en Haiti, Par Mathias L. Devert

(TripFoumi Enfo) – Les régimes totalitaires ont tous pour point commun la disparition des individus nuisibles à l’émergence du régime. Tout individu empêchant son développement ou sa permanence est perçu comme étant un animal à abattre absolument. Cela a été le cas de différents régimes totalitaires d’Europe de la 1ère moitié du 20e siècle, tel que la philosophe Annah Arendt les a décrits dans ses réflexions sur le totalitarisme. Ce type de régime malheureusement a su s’imposer en Haiti dès la 2e moitié du 20e siècle par les Duvalier qui ont fait de la force la base de la pérennité de leur règne. Dans ses cours de philosophie politique et d’histoire des idées politiques dispensés à l’INAGHEI, le feu professeur historien , Dr Eddy Arnold Jean , eut à comparer le régime des Duvalier au fascisme par rapport aux méthodes de gestion de pouvoir utilisées par les deux . Toutefois, après de longues années de combat en 1987 le peuple haitien croyait sortir de l’arbitraire ,de la violence d’État. Mais aujourd’hui encore en 2020 presque le même scénario se produit ou encore pire. Je me demande si le professeur Eddy A. Jean était encore vivant oserait il comparer le régime Jovenelien, permettez l’expression, au fascisme alorsqu’il avait lui-même comparé le Duvalierisme au fascisme?

Aucun des actes accomplis par ce gouvernement ne relève des principes démocratiques. Ce gouvernement, contrairement à d’autres qui ont fait de l’arbitraire leur arme de combat, a fait de l’arbitraire leur marque de fabrique tout en faisant fi de la constitution et des conventions internationales relatives aux droits humains .

Comment comprendre l’assassinat du Professeur Monferrier Dorval après sa participation à une émission de radio par le simple fait d’avoir précisé que le pays n’est ni dirigé ni gouverné ?

Comment comprendre également l’assassinat de l’étudiant Grégory St hilaire alors qu’il luttait pour le strict respect de ses droits ?

Comment comprendre le massacre de la population de La Saline commandité par des hauts gradés du gouvernement ?

Comment comprendre la prolifération des gangs armés partout à travers le pays en un temps record ou du moins au cours du règne des PHTK ?

Pleins de questionnements mais la question fondamentale reste et demeure pourquoi le peuple doit doit-il accepter le règne de Jovenel Moise jusqu’en 2022? Attendre 2022 ne se confond il pas à attendre tous notre mort
(Ceux qui sont considérés comme nuisibles à l’instauration du régime) ?

À ce sujet, seule la politique pourra nous servir de dernier rempart bien que le droit comme étant un système normatif peut aider le politicologue dans ses réflexions.
D’ailleurs, en lisant un article du Professeur Blair Chery ( Docteur en Droit ) publié au Nouvelliste, intitulé 7 Février 2021 : Par le droit au-delà du droit , j’ai pu déceler trois éléments qui peuvent servir comme justificatifs à la fin du règne de Jovenel pour pas trop longtemps, soit dans 40 jours. D’abord le temps cyclique du mandat présidentiel. À travers cela, le mandat présidentiel tel que stipule l’article 134-1 est de 5 ans. En temps normal chaque cycle s’achève avec l’élection du nouveau président et la fin du mandat présidentiel en cours. Dans ce modèle , la durée du mandat présidentiel se fait dans des temps cycliques identiques qui se succèdent dans le même ordre et dont la série recommence sans fin.

En accord avec la constitution, depuis les élections de 1990 le cycle du mandat présidentiel est ainsi structuré: 1991-1996, 1996-2001, 2001-2006, 2006-2011,2011-2016,2016-2021.

Ensuite les circonstances exceptionnelles, une constitutionnalité d’exception.
L’article 134-2 a inauguré une nouvelle perspective dans la manière d’aborder la question. Ce dernier est écartelé entre règle et exception. La 1ère c’est l’organisation des élections à la 5e année du mandat présidentiel pour une entrée en fonction affective du Président élu le 7 février. La seconde en rapport avec la situation actuelle, au cas où le scrutin n’a pas eu lieu dans le temps constitutionnel.

Enfin, le temps continu du processus électoral. À travers cela, bien qu’il est évident que la constitution fixe la date de l’élection présidentielle mais la loi ne dit rien sur celle d’un éventuel report ou l’organisation d’un second tour. S’il y a lieu au regard de l’article 191 de la constitution cette compétence revient au CEP.
Dans ce domaine la rigidité de la constitution cède la place à la flexibilité de la règle électorale, mieux apte à s’adapter à la variation du temps du processus électoral qui peut-être rallongé pour des motifs impérieux.
Ces motifs peuvent être de nature environnementale, politique et Sanitaire .tel a être le cas pour les élections de 2016.

À travers ces approches, le professeur reste dans la légalité et soutient sa thèse de la fin du mandat présidentiel pour le 7 février prochain. Par ailleurs, en analysant les faits à travers l’œil politologique, il est évident que la fin de Jovenel Moise est proche .
Diane Ethier, chercheur en sciences politiques, à travers ses réflexions sur les compétences de l’Etat découlant de sa souveraineté ou encore personnalité juridique internationale , dans son ouvrage introduction aux Relations Internationales fait savoir, De la puissance souveraine de l’État découle diverses compétences:

1) Sa continuité dans le temps : c’est à dire sa capacité d’exister même en ayant subi des changements.

2) Imputabilités des actes des gouvernants: Les actes des gouvernants considérés commme représentants de l’État engagent automatiquement l’État et non les gouvernants personnellement car l’Etat est le véritable dépositaire du pouvoir politique.

À travers ces énoncés nous pouvons comprendre : Bien que le processus d’élection de Jovenel a été retardé , l’État a toujours existé. En s’investissant dans ses fonctions il ne fait que continuer à agir au nom de l’État.
A son départ l’État continuera d’exister comme la constitution le prévoit. À cet effet, la personne du gouvernement n’est supérieure à la qualité de l’État en tant que dépositaire du pouvoir politique.
En outre, l’imputabilité des actes des gouvernants permet à celui qui a été aux commandes d’agir au nom de l’Etat et de combler le vide constitutionnel car il ne faut pas voir l’individu mais de préférence l’État qu’il représente. Le temps constitutionnel avait prévu l’entrée en fonction du président en 2016. Ce qui n’a pas été fait mais par-dessus tout l’État a toujours existé en l’absence du prédisent pour des raisons exceptionnelles. De fait Jovenel après les circonstances exceptionnelles qui ont retardé son processus d’élection ne peut que continuer à engager l’État dans une logique de continuité. Regardez bien en 1991 Aristide a subi un coup d’État et est revenu au pouvoir en 1994, Il ne pouvait en aucun cas revendiquer la fin de son mandat pour une durée non déterminée par la constitution
Sous prétexte qu’il n’était pas en fonction. Il est revenu terminé son mandat qui devait prendre fin en 1996. C’est à dire malgré son départ l’Etat a toujours existé et sa personne de président élu ne fait pas de lui un être indispensable à la survie de l’État en cas d’absence.
En 2004 également il est par ti en exil, Mr Boniface est venu exercer les fonctions qu’il était censé exercer en vue d’assurer la continuité de l’État.

Donc, dans la logique de continuité de l’Etat et de l’Imputabilité des actes des gouvernements même si Jovenel Moise avait pris fonction le 6 Février 2021 dans le cadre du même processus électoral son mandat prendrait fin le 7 février du lendemain. La politique n’est pas une simple question de calcul arithmétique. J’ai été étonné d’entendre la réponse du President à un journaliste présentateur de l’émission Matin debat lorsque ce dernier lui a demandé s’il partira le 7 février prochain ? Le président lui a demandé à son tour quel est le résultat de 2017 + 5? Pathétique la démarche du président mais surtout audacieux mais plus pathétique encore la réaction du journaliste qui ne faisait que se ridiculiser peut-être de bonne foi ou par manque d’arguments.
Le plus ennuyant en tout cela c’est la campagne de Jovenel Moise au niveau des médias en vue d’orienter l’opinion publique en faveur de la fin de son mandat pour le 7 février 2022 . Le président se souvient peut-être aujourd’hui qu’il a besoin du peuple pour asseoir son règne. Alors que lui même dans une allocution avait déclaré ” Mwen se leta, apre Bondye se mwen”?

Pourquoi ses fameux conseillers politiques et juridiques ne lui avaient ils pas déconseillé dès le début de ne pas continuer aux élections dans le cadre du même registre électoral ? Peut-être se croyaient ils pouvoir placer Jovenel Moise au dessus de la loi Comme ils le font aujourd’hui en publiant des décrets pour la république en l’absence du parlement ?

Jovenel Moise est quelqu’un que j’ai déjà rencontré au palais National avant de me rendre en Espagne. D’ailleurs c’est bien lui qui a acheté mon billet d’avion. Cependant, cela ne m’a pas empêché de lui cracher mon désespoir, ma frustration de voir qu’aucune de ses promesses de campagne n’a été réalisée. Sous son gouvernement, la corruption, la mauvaise gouvernance, l’insécurité ont atteint un niveau record . En tant que citoyen engagé démocrate convaincu, je soutiens le fait qu’il doit partir le plus tôt que possible afin d’éviter au pays de connaître la même situation que précédemment.

Nous devons trouver une issue à la crise qui paraît imminente. Aucun sacrifice ne peut-être trop grand pour Haiti.

Mathias L.DEVERT
Politologo
Ancien Boursier du Gouvernement Haïtien et de l’Union Européenne à la URJC de Madrid en Espagne.

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