Économie

L’insécurité alimentaire en Haïti passe de « alarmante » à « grave » selon l’indice mondial de la faim

(TripFoumi Enfo) – Haïti est le pays le plus affamé des Amériques et le quatrième pays le plus affamé du monde. Telle est la conclusion du dernier rapport de la Concern Worldwide et de la Welthungerhilfe respectivement agence humanitaire irlandaise et organisation allemande. Pendant les 20 dernières années, la situation de la faim dans le pays s’est certes améliorée, mais elle ne suffit toujours pas, révèlent les données recueillies.

Pour mesurer la gravité de la faim au niveau national, la Concern Worldwide et la Welthungerhilfe ont recours à des données. Elles produisent alors celles du Global Hunger Index (GHI) qui, pour ce faire, combine 4 indicateurs spécifiques. Il s’agit des indicateurs de sous-alimentation, d’émancipation infantile, de retard de croissance infantile et de mortalité infantile. Par suite de quoi, un score est attribué à chaque pays qui se verra classer en fonction de celui-ci.

Delà le score de 33.5 d’Haïti. En effet, le pays qui, en plus de 4 autres, forme les Grandes Antilles, est aussi l’un des plus pauvres au monde, d’après les chiffres communiqués par la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. 10.6 millions d’habitants dont 59% vivent sous le seuil de pauvreté et plus de 24%, dans des conditions d’extrême pauvreté.

Une situation qui témoigne à la fois de la clairvoyance et de l’urgence du besoin dans le pays, pour Colleen Kelly. Car, Haïti est « au bas de l’Indice de la faim dans le monde, avec son statut de faim classé comme «grave», presque «alarmant», a souligné la Présidente-Directrice générale de Concern Worldwide. D’autant plus que la première République noire est classée 170e sur 189 pays au niveau mondial pour l’année 2020. Soit un rang de perdu par rapport à 2019.

Dans le calcul du GHI d’Haïti, la sous-alimentation est systématiquement classée comme très élevée. Combien même, une amélioration progressive est notée depuis maintenant 20 ans. Outre l’IGH d’Haïti ayant diminué de 20%, il y a le score de 33.5 d’Haïti qui est supérieur à la moyenne mondiale de 18.2. Et aussi, l’augmentation de l’espérance de vie à la naissance de 9 ans au cours des 2 dernières décennies, selon le Programme alimentaire mondial.

De son côté, le GHI lui, parle d’une diminution de la prévalence de l’émaciation pendant cette même période. Car le faible poids pour la taille est déjà considéré comme un important annonciateur de la mortalité chez les enfants de moins de cinq ans. Et donc, le rapport du Global Hunger Index affirme une évolution positive des indicateurs de la faim depuis 2004-2008.

Mais, toujours est-il que la pauvreté chronique s’étend sur tout le terroir. Et la concurrence imparfaite notamment entre les entreprises importatrices de céréales et les cultures nationales n’est nullement oubliée. Les prix des premières sont particulièrement plus abordables que les secondes, surtout pour une population qui, depuis bien avant la pandémie, vit avec moins de 2.40 dollars par mois.

Sans compter qu’en en ce qui a trait aux vulnérabilités face aux événements météorologiques extrêmes, Haïti est 4e parmi les pays qui en sont les plus touchés.

La population d’Haïti est loin d’avoir uniquement l’insécurité alimentaire à gérer. Colleen Kelly a passé en revue l’année de 2019 pour lister entre autres la pénurie de carburant, la dégradation de l’environnement, le manque d’accès à l’eau potable, la corruption paralysante aux plus hauts niveaux… Tous des facteurs ayant inévitablement mené aux émeutes anti-gouvernementales et demandes de démission du président Jovenel Moïse. Selon la PDG américaine, ces troubles ont impacté et l’économie et la disponibilité de la nourriture.

« Pour notre équipe là-bas, presque toute l’année 2019 a été perdue dans un état de « verrouillage peyi » ou de verrouillage, en raison de troubles sociopolitiques, paralysant l’activité économique, poussant l’inflation à la hausse parallèlement à la dévaluation continue de la monnaie nationale », s’est-elle rappelée.

Par conséquent, le prix de la consommation alimentaire mensuelle normale de la famille moyenne a augmenté de 15%. Et parallèlement, « environ 4 millions d’Haïtiens confrontés à une grave insécurité alimentaire avec un besoin immédiat d’aide humanitaire, à peine capables de satisfaire leur régime alimentaire le plus élémentaire. Et les besoins nutritionnels. »

À Cité Soleil où évolue Concern Worldwide US, des niveaux d’urgence de malnutrition ont été enregistrés dans plusieurs quartiers. À ce propos, Colleen Kelly dit « y préparer une réponse visant à atteindre 15.000 des plus vulnérables, mais le besoin est énorme ».

Le rapport GHI est basé sur les statistiques de 2019. Mais il entend préparer le terrain pour les crises sanitaires, environnementales et économiques futures. Directeur national de Concern Worldwide pour Haïti, KwanLi Kladstrup lui, croit que ce rapport constitue une base pour comprendre l’impact du coronavirus. Il s’agit là d’un « facteur pour une myriade d’autres problèmes », a-t-il déclaré.

En 2019, 3.6 millions de personnes se retrouvaient en situation d’insécurité alimentaire. On en est à 4 millions un an plus tard. Cette « insécurité alimentaire aiguë », nous dit Kladstrup, est « fortement affectée par des facteurs structurels dans le contexte d’Haïti ». Ainsi donc, il faut à tout prix joindre l’urgence au développement, soit un lien urgence-développement, pour contrer le duo infernal crise et faiblesses structurelles.

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