République Dominicaine

Haïti – République Dominicaine : Une querelle qui ne date pas d’hier

(TripFoumi-Enfo) Entre le 2 et 4 octobre 1937, les villes du nord-ouest de la République dominicaine connurent un massacre sanglant baptisé le « massacre du Persil ». Sur ordre du dictateur dominicain Raphael Leonidas Trujillo, les immigrés et ressortissants haïtiens sont traqués puis tués à l’arme blanche par des soldats, des policiers et des civils dominicains. Selon certains historiens, plus de 20 000 Haïtiens ont péri dans ce drame.

Les deux Républiques partageant l’île d’Haïti n’ont pas vraiment eu de relations harmonieuses en dépit de leur passé historique commun. Ce massacre orchestré contre les Haïtiens, au début du mois d’octobre 1937, était la preuve irréfutable de la xénophobie des dominicains à l’égard des haïtiens, une réalité qui perdure 84 ans plus tard.

En effet, après une réception donnée en son honneur, Trujillo s’adressa à ses partisans venus l’acclamer. Son discours était un réquisitoire sans pitié contre les Haïtiens présents dans la province du Nord.

« J’ai appris que les Haïtiens volent de la nourriture et du bétail aux fermiers. Aux Dominicains qui se plaignent de ces déprédations de la part des Haïtiens qui vivent parmi eux, je réponds : ‘Nous règlerons cette affaire.’ D’ailleurs, nous avons déjà commencé. Environ trois cents Haïtiens ont été tués à Banica. Et nous devons continuer à résoudre ce problème », déclara-t-il.

C’était un ordre de tuer. Le massacre commença la nuit même de ce 2 octobre et va se continuer jusqu’au 4 octobre, faisant plus de 20 mille morts.

Ces assassinats massifs s’étendirent dans toute la région nord de la frontière. On tua les Haïtiens à Santa Cerro, à Banica, à Dajabon, à Guagual, à Monte Cristi, à Las Vegas, à Sabaneta, et ainsi simultanément dans une soixantaine de localités dominicaines. La chasse à l’Haïtien fut lancée. Elle fut féroce et impitoyable.

Les Haïtiens, en fuite, se hâtèrent vers la rivière Massacre où les attendaient des militaires dominicains qui leur barrèrent la route et les obligèrent à retourner par petits groupes dans les sous-bois pour y être découpés à la baïonnette et à la machette. Plusieurs dizaines d’haïtiens périrent noyés en essayant de passer la rivière Massacre à la nage.

Les femmes et les enfants ne furent pas épargnés. Leur sort fut encore plus horrible.
Ceux qui ont réussi à fuir, traumatisés et apeurés, faisaient le récit du monstrueux carnage. Dans tous les points de la frontière, des réfugiés, des blessés, tous rescapés du massacre affluèrent.

L’on apprit alors que le simple fait de ne pas pouvoir prononcer correctement les mots « perejil » et « cotorro » équivalait à une condamnation à mort. La vie d’une personne humaine n’avait tenu dans ces moments terribles que dans la prononciation d’un mot.

Le gouvernement dominicain fit tout pour cacher l’ampleur du génocide. La presse dominicaine, muselée, n’en fit pas écho.

En guise de réparation, L’État dominicain s’engageait à payer tout simplement 750 000 dollars, comme compensation financière aux victimes du drame.

L’ancien président Haïtien, Leslie Manigat indique que la République Dominicaine n’a versé en fait que 500 000 dollars, soit de 25 à 33 dollars par tête d’Haïtiens tués.

Il est inutile de souligner que l’histoire n’a retenu le nom d’aucun Dominicain condamné pour le massacre.

Et pourtant pendant près d’une semaine, du 2 au 8 octobre 1937, les Haïtiens vont être tués avec des fusils, des machettes, des gourdins et des couteaux par les troupes dominicaines, des civils dominicains et des membres des autorités politiques locales dominicaines. Pour augmenter le nombre de morts en empêchant les Haïtiens de fuir le pays, le pont principal entre la République dominicaine et Haïti, sur la rivière Dajabon, a été fermé.

Comme causes principales de ce carnage, plusieurs historiens dont Wesner Emmanuel pointent du doigt, le problème des frontières et soulignent la migration massive des Haïtiens vers la partie Est de l’île.

Ensuite, une question d’ordre ethnique est indexée. En effet, des origines raciales différentes des deux peuples ont toujours posé un problème dans les relations entre les 2 pays. Les Haïtiens sont majoritairement descendants d’esclaves noirs importés d’Afrique, alors que les Dominicains forment une race métissée, une société mulâtre, qui s’assimile au blanc et n’en est encore que plus raciste et plus haïtianophobe.

Arthur Pena Batlle, Ministre Dominicain de l’Intérieur de l’époque, fervent défenseur de la cause trujilliste expliquait que Trujillo avait l’unique ambition de préserver la nation dominicaine de la « contamination haïtienne ».

La présence haïtienne était perçue comme une maladie incurable, une peste nocive qu’il fallait circonscrire par tous les moyens, y compris le génocide. Il fallait arrêter cette marée noire qui menaçait de submerger la population pure et blanche de la République Dominicaine.

Toutefois, dans le souvenir de 1937, nous ne saurons oublier les paysans dominicains qui ont caché, à leurs risques et périls, des frères et sœurs haïtiens. Nous ne saurons encore oublier ces soldats qui refusèrent de souiller leur conscience et qui furent exécutés pour avoir refusé d’obéir à l’ordre de tuer.

Néanmoins, d’autres massacres seront perpétrés au cours des années suivantes. Les travailleurs haïtiens mourront également de faim, de froid et du paludisme. Plus récemment, pas moins que la semaine écoulée, des ressortissants haïtiens pour la plupart des étudiants ont été battus et humiliés, d’autres sont déportés et pourtant nombre d’Haïtiens continuent à y voir une voie idéale.

84 ans après cet événement funeste, ce massacre troublant et odieux, qu’avons-nous tiré de leçon?

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