Éducation

L’usage du français dans l’apprentissage scolaire, « un obstacle majeur » à l’éducation en Haïti?

(TripFoumi Enfo) – Depuis bien des lustres, l’éducation en Haïti se fait en français. À la maternelle, en primaire et en secondaire, la langue de Voltaire prévaut au détriment de la langue créole, pourtant comprise de toute la population. Ils sont nombreux, ces travailleurs en éducation, à se perdre dans cet imbroglio et juger que c’est un obstacle majeur à l’éducation en Haïti.

Il n’est un secret pour personne, l’éducation se fait exclusivement en Français en Haïti. Tandis que la langue créole, langue maternelle, parlée, écrite et comprise par tous, est reléguée au second plan. « La langue créole dispose de tout ce dont elle a besoin pour être employée comme langue d’enseignement », croit le professeur Renauld Govain, Doyen de la Faculté de Linguistique Appliquée. « Il y a un manque de matériels didactiques élaborés en créole pour faciliter l’éducation », reconnaît M. Govain qui appelle les autorités éducatives à prendre conscience de cette nécessité.

Malgré la réforme éducative de Joseph C Bernard en 1979 préconisant l’utilisation de la langue maternelle, le créole comme langue d’enseignement, jusqu’à date la situation reste figée.

« Dès la rentrée à l’école, on commence l’éducation en français », critique Renauld Govain, qui associe le choix de la langue française comme langue d’apprentissage scolaire en Haïti comme l’un des facteurs pouvant expliquer les échecs scolaires.

Le point de vue n’est pas différent chez les enseignants. Mibsam Jeannis est professeur de Sciences Sociales dans plusieurs écoles de la région métropolitaine de Port-au-Prince. Chez lui, la stupéfaction est à son comble. « Si nous regardons la sociologie du pays, au niveau des familles haïtiennes, on parle une seule langue, le créole. Pourtant, le français est parlé par une minorité et est devenu langue d’enseignement », déplore l’historien.

Des enseignants dans l’embarras

Si le hic se trouve chez les élèves qui reçoivent le pain de l’instruction, le français fait aussi du mal aux enseignants. Angelica Prédélus, une étudiante en Sciences Juridiques, croit mordicus que le problème de la langue est bien plus grand. « Certains professeurs ne peuvent même pas s’exprimer correctement dans la langue et cela impacte sur la compréhension des élèves », alerte-t-elle, soulignant que cet état de fait peut avoir des conséquences graves sur l’éducation de l’apprenant.

Jonathan Clerveaux, étudiant finissant en Sciences de l’Éducation, a attiré l’attention des autorités étatiques sur la réalité des élèves ayant de graves difficultés à apprendre dans une langue étrangère. « Les élèves sont appelés à penser en créole pour écrire en français. C’est un obstacle majeur à leur apprentissage », estime Jonathan Clervaux.

Le Ministère de l’Éducation Nationale et de la Formation Professionnelle (MENFP) ainsi que d’autres institutions étatiques n’ont jamais manifesté la volonté de valoriser le créole notamment dans l’éducation, d’ailleurs la grande majorité des épreuves aux examens officiels sont en français. L’Université d’État d’Haïti (UEH), l’Académie du Créole Haïtien (AKA) n’ont rien fait de concret pour pallier le problème. Quant aux défenseurs de la cause, ils continuent de plaider en faveur de l’introduction ipso facto de la langue créole dans le système éducatif, avec notamment un apprentissage strictement créolophone avec des manuels en créole, et ceci à tous les niveaux de l’éducation en Haïti.

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