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Ni les lois, ni les normes haïtiennes de construction ne nous protègent contre le feu


(TripFoumi Enfo) – J’ai eu la chance de tomber sur une vidéo de l’honorable Toussaint Lova sur la page Facebook de Jhimy Jean, laquelle vidéo parlant des prophéties déjà annoncées et celles pour l’année 2022. En écoutant ses prophéties, il y en a eu une qui m’a retenu l’attention de façon particulière : celle de l’incendie du 14 décembre 2021 au Cap-Haïtien. Prophétie qui, selon l’honorable signifiait que l’élément feu est en pleine activité et il qu’y aurait encore beaucoup d’autres feux partout dans le pays dont personne ne saura leurs origines. Dans cette même lignée, le 14 Août 1791 le jour mythique où l’on a mis le feu dans les plantations des colons devrait être le jour national (le 14 Août) du vodou. Donc, le feu du 14 décembre n’est pas le fruit du hasard.

Langaj


J’aimerais conseiller à ce monsieur pour qui j’ai beaucoup de respect et d’admiration d’aller lire le livre de Georges Corvington et Gaël Painson titré « Le livre du feu ». Cet ouvrage traite avec minutie l’histoire des incendies ayant frappé Cap-Haïtien, Port-de-Paix, Gonaïves, Cayes, Jacmel, Petit-Goâve et Port-au-Prince. Des photographies en noir et blanc illustrent les articles traitant de l’’incendie dans chaque ville du pays. Port-au-Prince est la ville la plus touchée par des incendies et porte même l’appellation de « ville de feu » (2007-09-12 | lenouvelliste). Je lui aurais prescrit également « L’introduction de l’architecture moderne du XXe siècle en Haïti » de Christian Ubertini qui explique que le pays passe de la construction en structure de bois à cause des feux violents et répétitifs à la construction en structures métalliques préfabriquées avec des murs en maçonnerie de brique vers les années 1860 et ensuite en structures en béton armé vers les années l900, année qui voit débuter la construction de la cathédrale Notre-Dame, le Palais National etc. La structure en béton armé était vue à cette époque comme la structure la plus capable de mieux résister aux incendies, aux cyclones et aux tremblements de terre.


Malgré, cette longue « histoire d’amour » entre le feu et le pays, l’Etat Haïtien à travers le MTPTC n’a jamais mis un mécanisme efficace de protection contre le feu pour pouvoir protéger la vie et les biens des citoyens. Ce qui rend le pays aussi vulnérable aux feux qu’aux autres catastrophes naturelles ou anthropiques. Techniquement et scientifiquement le feu est capable de détruire Haïti aussi bien que le tremblement de terre. Ceci n’est pas une prophétie monsieur l’honorable mais une constatation avec un œil objectif.

L’article 12 de la loi du 29 mai 1923 stipule que Toute construction nouvelle doit réunir les conditions techniques propres à garantir la santé et la sécurité tant de ses habitants que des voisins et des usagers de la voie publique. Mais comment l’Etat avait défini-t-il la santé et la sécurité dans sa loi ? Est-ce que c’est la santé et la sécurité par rapport à l’intégrité structurelle du bâtiment, par rapport à la protection contre l’incendie ou bien par rapport la protection de la vie et de biens des citoyens ? Après le tremblement de terre du 12 janvier 2010, l’Etat a publié une liste de code et de guide pour la construction et la reconstruction des bâtiments et autres infrastructures dont le Code National du Bâtiment Haïti (CNBH 2012), les Règles de Calcul Intérimaires pour les Bâtiments en Haïti, Guide de Renforcement Parasismique et paracyclonique, Guide de Construction de Petits Bâtiments en Maçonnerie Chaînée, Guide pratique de Réparation de Petits Bâtiments en Haïti, les Lois et Règlements d’Urbanisme, Guide pour la Construction d’Hôpitaux Résistants aux Aléas Naturels. Seul le CNBH 2012 avec trois articles cités ci-dessous parle de la mécanique de la protection contre l’incendie.


Article 1.5.4.1 Distance entre bâtiments
La distance séparant deux bâtiments résidentiels dont les murs offrent une résistance au feu d’une durée minimale d’une heure lorsqu’exposés de l’intérieur ou de l’extérieur peut être inférieure à 1,5 m. C’est entre autres le cas des bâtiments avec murs de béton ou de maçonnerie. Les ouvertures ne doivent pas être permises dans un mur lorsque la distance de protection incendie est inférieure à 1 m. L’écart minimal doit être de l’ordre de H/100, où H est la hauteur des bâtiments, pour éviter que ces derniers s’entrechoquent et s’autodétruisent lors d’un séisme.

Article 1.5.4.2 Cas particuliers
Si le degré de résistance au feu des murs est inférieur à une heure, la distance entre les murs doit être supérieure à 1,5 m. L’écart entre les bâtiments de propriété différente doit respecter une distance minimale de 1,50 m.
Article 1.5.4.3 Unités de logement multiples
Les unités de logement multiples doivent être séparées par des murs et/ou planchers dont le degré minimal de résistance au feu est d’une heure.
L’applicabilité de ces articles laissent à désirer surtout dans les bidonvilles où la majorité des maisons ont non seulement des murs mitoyens dans deux faces au moins mais aussi aucun de ces murs ni de ces dalles de plancher ne sont coupe-feux.

Sachant la façon dont “desten peyi sa makonen ak dife” comment seulement trois articles peuvent-ils protéger la vie et les biens des citoyens haïtiens contre l’incendie ? A noter qu’aucune de ces publications citées ci-dessus n’a encore la bénédiction du parlement haïtien ce qui ne signifie aucune d’entre elles n’a de force contraignante. Cependant, pour pallier ce problème le CNBH 2012 donne la possibilité aux ingénieurs et architectes haïtiens d’utiliser les codes de construction étrangère pour leurs travaux de conception de constructions neuves et de réhabilitations. Prenant acte de la possibilité du CNBH, la mécanique de la protection contre l’incendie est une branche du génie totalement méconnue dans les écoles de génie et d’architecture en Haïti. N’en parlons même pas pour les écoles techniques où la possibilité de trouver un technicien capable de lire et installer un système de gicleur est presque nulle.

Langaj


Sachant que la façon dont “desten peyi sa makonen ak dife” seulement trois bouches d’incendie sont fonctionnelles dans tout le pays dont deux dans le centre-ville de Port-au-Prince et une à Carrefour (Incendies urbains, le cas d’Haïti, Catherine Charlemagne, 14 mars 2018). La majorité des bâtiments résidentiels privés, publics ou de protection civile ou d’autres équipements sociaux tels que le marché public etc. ne sont dotés d’aucuns éléments pour circonscrire le feu (murs, fenêtres, portes coupe-feu), d’aucunes voies d’évacuation (sorties, corridors, escaliers, ascenseurs de secours), d’aucuns systèmes de détection à l’avance (détecteurs de fumée et de feu) et enfin d’aucuns dispositifs de suppression des incendies (système de gicleur à air ou à eau automatiques).


Donc, monsieur l’honorable, on n’a pas besoin d’être initié ou égrégore pour comprendre qu’un pays aussi fragile socialement, économiquement et politiquement que le nôtre est très vulnérable aux incendies dont on ne saura l’origine puisque non seulement les constructions n’ont aucune norme standard mais aussi il y a l’ignorance, la négligence auxquelles s’ajoute la méchanceté qui sont toutes capables de créer des incendies. En lieu et en place des prophéties, il serait utile et urgent de faire pression sur l’Etat et de la société scientifique organisée (CNIAH) pour doter le pays de lois et de techniques capables de protéger la vie des citoyens et de leurs biens. Sinon, les initiés, les chrétiens, les scientifiques, les citoyens lambda périront tous ensemble.

Calvens Joseph, B. Ing

CPI, Ordre des Ingénieurs du Québec

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