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Éditorial | Les dieux et les loas, sont-ils impuissants face aux gangs armés en Haïti ?

(TripFoumi Enfo) – La réalité funeste qui étale ses tentacules sur tout le territoire haïtien ne souffre d’aucun préjugé. Aucun secteur n’est épargné, même pas les religieux. L’insécurité est donc comme un fourre-tout. Fort de ce constat, nous sommes en droit de nous questionner sur le véritable rôle de la religion au sein de la société haïtienne.

Nous avons en mémoire toute une kyrielle de personnalités, couvertes par la puissance des esprits, supposons-le, qui ont été touchées par l’insécurité. Évitons d’opiner sur les faits, du moins pour le moment. Laissons donc libre cours à leurs expressions :

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Le roi du vaudou haïtien, Augustin Saint-Cloud, a failli laisser sa peau, le 14 août 2019 à Savien. Il a été sauvé de justesse de ces bras assassins. Son véhicule et son téléphone portable sont restés entre les mains des malfrats.

Dix-sept missionnaires, seize Américains et un Canadien, ont été enlevés, le samedi 15 octobre 2021, dans la commune de Ganthier par la bande armée “400 mawozo” dirigée par Wilson Joseph alias “Lanmò 100 jou”.

Yves Benoît Jean Marie, Vénérable Maître de l’Ordre de la Franc Maçonnerie, a été kidnappé dans la nuit du samedi 10 au dimanche 11 avril 2021 à Delmas 75. Le Grand Orient d’Haïti, à travers un communiqué datant du dimanche 11 avril 2021, avait confirmé son enlèvement.

Le pasteur Audalus Estimé et trois de ses fidèles ont été kidnappés en plein culte d’adoration, en avril 2021, à l’Église Gospel Kreyol Ministry de Diquini.

Poursuivons…

Le Père Jean Rilus Excellus, membre de la congrégation des Pères Spiritains, a été enlevé dans la matinée du mardi 25 janvier 2022, à Morne Lazarre, Pétion-Ville. Encore un sacrilège, compte tenu de la sacralité du personnage.

À Martissant, un quartier où plane l’ombre de la mort, au début du mois de novembre de l’année dernière, trois (3) péristyles ont été incendiés par des bandits armés. Précisons que dans la culture haïtienne, le péristyle est un endroit sacré, un temple vaudou où les adeptes se réunissent pour vénérer l’Être Suprême et honorer les loas.

Le vendredi 21 janvier 2022, à Delmas 41, sous les balles assassines des bandits armés, le pasteur Mathieu Chériné a rejoint la poussière, expression biblique sur la fin inévitable de l’humain. D’après des témoins, la victime tentait d’échapper à un kidnapping quand il a été criblé de balles.

Dimanche 6 février 2022, le pasteur Rémy Lochard a été kidnappé par des individus armés au niveau de la commune de Tabarre. Aujourd’hui encore, il est loin de sa famille, espérant peut-être un miracle ou une intervention humaine.

Laxisme ou impuissance?

Nous avons en quelque sorte parcouru les trois sectes religieuses prédominantes en Haïti, additionnées à la Franc Maçonnerie. Aucune n’a été exemptée et, semble-t-il, ne sera jamais épargnée, en dépit de toute l’indignation qui entoure ces précédents cas.

La religion considérée comme l’instance détentrice de la morale, le phare qui invite l’humain à se détacher de ses vices, n’est-elle pas altérée? N’est-elle pas souillée par ses différentes interventions maladroites dans la réalité socioéconomique et politique du pays?

Quand nos religieux ne détonnent pas dans le paysage du quotidien haïtien, ils font silence comme s’ils étaient déjà dans leur lieu d’espérance. Prêtres catholiques et Pasteurs évangéliques tergiversent quand nous attendons d’eux une décision tranchée et nette pour le bien collectif. Prêtres vaudou, pour la plupart, nous devons être prudents, blindent (bay pwen) les voyous armés. Ne sont-ce pas là les résultats de leur laxisme, de leur mépris latent vis-à-vis de la société, qui se retournent contre eux ? D’ailleurs, “Lanmò 100 jou” lui-même, numéro un du Gang “400 Mawozo”, est un Hougan “asogwe”.

La religion ne garantit pas que notre corps sera exempté du malheur. A priori, elle soigne l’âme de l’humain. Toutefois, les écritures nous convient à la fraternité, au bon voisinage, même à une citoyenneté exemplaire. Cette partie semble être minimisée par les adeptes, car, pensent-ils, leur royaume se trouve au-delà de ce monde déjà condamné.

Devons-nous revoir notre manière de concevoir la divinité ? Le problème se trouve t-il aux côtés des adeptes de la religion ou réside-t-il dans la religion elle-même ? Devons-nous sanctionner le monde ecclésiastique et restructurer le Vaudou qui définit notre culture ? La réalité nous a déjà mis la puce à l’oreille, à nous maintenant d’activer les bons leviers.

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