Politiquesociété

J’accuse l’État pour tous ces morts !

(TripFoumi Enfo)- Douleur. Dans un coin du monde, il y a un instrument au nom duquel et avec lequel on tue pour rien. Son nom ? L’État. Il joue la carte de la minorité. Donc de la bourgeoisie accapareuse. Oppresseuse. Au nom d’une fausse légitimité. Quelque part dans un coin du monde, il y a une mère misérable, un père paysan, rude travailleur, une sœur et un frère honnêtes qui pleurent le départ de leur rêve, parti sous une balle assassine dans la tête.

Et si Jean Jacques Dessalines, Jacques Stephen Alexis, Jacques Roumain, Jacques Roche, Jean Léopold Dominique, Félix Lamyr étaient encore vivants ? Ils auraient été tués plus cruellement qu’hier, qui sait ? Tués, oui, parce qu’ils auraient combattu jusqu’à leur dernier soupir et en toute énergie les attrocités des pouvoirs qui se sont succédé à la tête de ce beau et grand pays, construit au prix du sang et de « belles » résistances. Mais, l’État les aurait tués parce qu’il est dirigé, aujourd’hui encore, par des hommes au cœur sclérosé et des insouciants.

Du Nord au Sud, d’Est en Ouest, la mort se pavane en petite tenue sur la terre que nous ont laissée des hommes arrachés de leur terre d’Afrique. Après deux cents ans, la grande majorité de la Population se cherche. Demain est un jour en moins. Se réveiller et passer une journée sans avoir reçu une petite balle en pleine tête reste un gros défi a relever, et cette balle est l’œuvre d’un infortuné, d’un va-nu-pied, d’un misérable. Mais, cette mitraillette, avec laquelle il a tué, est la proriété de l’État.

Dans un endroit où environ 12 millions d’âmes rêveuses d’un lendemain meilleur sont encore à la recherche ne serait d’un pain noir. Le sang est un pauvre liquide servant à alimenter la richesse des hommes du haut lieu. L’État tue quelque part. Oui, il tue. Tous ces cadavres allongés dans la Plaine du Cul-de-Sac, tous ces corps desséchés et dévorés par des cochons à Martissant, tous ces fils et filles d’Haïti éventrés à La Saline, à Carrefour-Feuilles et tous ces êtres partis vers d’autres rives… Dans un coin du monde, il y a un outil avec lequel on tue : l’État.

Ça pue le sang à chaque pas, en Haïti. Bon gré mal gré, on cherche la vie avec un sachet d’eau. On cherche la vie avec une “bak sirèt”. On cherche la vie avec une “bak fritay”. À force de chercher la vie, à force de courir après elle, elle a fini par nous devancer, parce qu’elle accélère, fuyant la peur qu’on inspire. Les heures passent, l’incertitude monte, grossit à vue d’œil, devenant de plus en plus insoutenable, dans un coin où il y a un instriment avec lequel on tue pour tuer. Un instrument avec lequel on exproprie les honnêtes gens de leurs valeurs, de leurs droits les plus élémentaires.

Presque toutes les rues respirent quelques gouttes de sang. C’est un contrat renouvelé à chaque seconde, à chaque minute et chaque heure. Tous les jours. Quel est le prix de la vie ? Une balle, au moins. Outre cette mitraillette de l’État qui tue, il y a la déception, la dépression et la misère. Bref, presque toutes les rues d’Haïti détiennent un contrat avec le sang avec un cadavre arrangé dans un drap blanc. Un spéctacle au goût de chiottes. Pour tous ces morts, j’accuse l’État.

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