(TripFoumi Enfo) – Dans les apparences, les relations diplomatiques entre Haïti et la République Dominicaine se sont normalisées après les turbulences qu’elles ont connues en 2021, notamment avec les spectaculaires coups de gueule de Claude Joseph et Luis Abinader. D’ailleurs, Haïti y vient de nommer un nouvel Ambassadeur, ce 16 mai. Cependant, les Haïtiens vivant en terre voisine ont de plus en plus la vie dure, non seulement à cause des descentes incessantes des agents de l’immigration, mais aussi à cause de la contestation de leur présence par certains citoyens dominicains.
En effet, à Ciudad Juan Bosch, ce dimanche 22 mai, environ une vingtaine de Dominicains avaient manifesté contre la présence des Haïtiens dans leur pays. Et, dans des vidéos circulant sur les réseaux sociaux, on peut constater des Haïtiens littéralement pris en chasse par l’immigration dans cette même cité de la capitale.
D’ailleurs, selon des chiffres confirmés par le quotidien dominicain Listin Diario, 385 ressortissants Haïtiens ont été arrêtés lors d’une descente. Et, 325 parmi eux ont été rapatriés.
Suivant des informations parvenues à la rédaction de TripFoumi Enfo, la reprise de ces descentes massives ont démarré à Ciudad Juan Bosch, suite à un affrontement entre des agents de l’immigration et des travailleurs haïtiens. Ces derniers avaient chassé à l’aide de jets de pierre un groupe d’agents. Depuis, la chasse aux Haïtiens s’est également amplifiée dans tous les quartiers susceptibles d’avoir une concentration d’Haïtiens, nous a confié Bertho, expatrié haïtien, vivant en République Dominicaine.
Néanmoins, ces mesures de l’administration de Luis Abinader envers les migrants haïtiens ne sont ni anodines ni inédites. Au contraire, à bien analyser, elles s’inscrivent dans la continuité et font partie d’une politique migratoire globale.
Plus nationaliste que ses prédécesseurs, le président dominicain a déjà lancé la construction d’un mur à la frontière en vue de se prémunir contre l’immigration illégale haïtienne. Rien que pour le mois d’avril, selon le Groupe d’Appui aux Réfugiés et Rapatriés, 3158 Haïtiens ont été rapatriés.
Il faut rappeler que dans sa politique de lutte contre la migration illicite, même les femmes ne sont généralement pas épargnées. Sur fond de relations diplomatiques tendues entre les deux pays en 2021, 800 femmes avaient été rapatriées. Parmi lesquelles 165 étaient enceintes. Des actions qui avaient été dénoncées par le Groupe d’Appui aux Réfugiés et Rapatriés (GARR) qui y avait vu “une violation grave aux lois sur la migration selon lesquelles la détention ne doit jamais être utilisée dans les cas des mineurs, des femmes enceintes ou allaitantes, des personnes âgées et des demandeurs d’asile.”
À l’époque, malgré le fait que d’autres voix comme le Bureau des Nations-Unies en République Dominicaine, et la Commission interaméricaine des droits de l’homme avaient appelé à la fin de ces déportations, le gouvernement de Luis Abinader était resté droit dans ses bottes. Des pratiques que le Ministère Haïtien à la Condition Féminine avait qualifié “d’inhumaines”. Dans la foulée, quelques échanges houleux entre le président dominicain et le ministre haïtien des Affaires étrangères de l’époque, le Docteur Claude Joseph, ont poussé les autorités dominicaines à durcir leurs positions jusqu’à couper le programme de visa pour les étudiants haïtiens et fermer pendant un certain temps la frontière et le marché binational.
Toutefois, environ une semaine depuis le début des événements ayant amené à la recrudescence de mouvements haïtianophobes et les descentes massives à la recherche de migrants “illégaux” haïtiens, le gouvernement d’Ariel Henry n’a toujours pas réagi. Alors que des images de chasse à la recherche d’Haïtiens circulent sur les réseaux sociaux, l’inquiétude grandit même chez certains expatriés haïtiens en situations régulières. Car, parmi les personnes arrêtées par l’immigration un bon nombre était en règle.
