Corruption

L’ULCC, entre sa mission de combattre la corruption et la finalité de ses interventions

(TripFoumi Enfo) – L’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC) retient, depuis quelques jours, l’attention de plus d’un, après avoir procédé à la perquisition du bureau du Directeur Général de l’Administration Générale des Douanes, M. Romel Bell, soupçonné de trafic illicite d’armes à feu et de munitions. L’ULCC a été créée par décret le 8 septembre 2004 sous L’Administration d’Alexandre/Latortue. Elle est placée sous tutelle du Ministère de l’Économie et des Finances et a pour mission de combattre la corruption, sous toutes ses formes, au sein de l’administration publique. L’institution avait pris naissance dans un contexte où le fonds public faisait l’objet de gaspillage, de vol et de détournement. Près de deux décennies après, cet organisme n’arrive toujours pas à réduire l’ampleur de la corruption dans le pays. D’après le dernier rapport de Transparency International, Haïti est le pays le plus corrompu de la Caraïbe et est classée parmi les 16 pays les plus corrompus du monde.

Étant considéré comme un grand problème politico-social, les législateurs haïtiens font de la “corruption” une infraction pénale. En se référant à la loi du 12 mars 2014, la corruption est l’action d’un individu ou d’une personne morale qui utilise sa fonction soit pour commettre des abus, soit pour garantir son propre profit ou celui d’autrui au détriment de la collectivité. La Constitution de 1987, jusqu’à date en vigueur, malgré son manque d’application, en ses articles 238 à 243, établit le mode d’organisation de l’administration publique, ainsi que les différentes obligations des agents et fonctionnaires de l’État afin de ne pas être tentés par la corruption.

Ces dispositions légales sont renforcées par la ratification d’Haïti des conventions contre la corruption. C’est le cas de la Convention interaméricaine contre la corruption en 2004 et celle des Nations-Unies en 2007. De plus, le code pénal haïtien réprime la corruption au niveau de L’Administration publique en ses articles 137 à 144.

En effet, à côté d’autres institutions de l’État qui ont pour mission de réprimander ou d’empêcher la corruption dans les institutions étatiques, comme la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CSC/CA), l’Unité Centrale de Renseignements Financiers (UCREF), la Commission Nationale de Marchés Publics (CNMP), l’Inspection Générale des Finances (IGF), l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC) a pour utilme mission, en fonction du décret portant sa création, de combattre la corruption. Cette attribution est légale et officielle et peut se faire dans n’importe quelle institution. En aucun cas, ses agissements ne peuvent être considérés comme des actes d’espionnage.

Cependant, les articles 18 et 19 du décret exigent la confidentialité dans les enquêtes et l’identité d’une personne en cause ne doit pas être révélée. En ce sens, l’enquête est secrète et ne doit pas faire l’objet de scandale public. Par rapport à cette exigence, l’action menée par le Directeur Général de l’ULCC, Hans Jacques Ludwig Joseph, le 20 mai dernier au bureau du Directeur général de l’AGD, n’a pas suivi la formalité édictée par le décret portant la création de l’ULCC. Il s’agit d’une violation de confidentialité ou de secret, condamnée par le décret du 8 septembre 2004.

De ce fait, les attributions et les actions de l’ULCC ne sont pas toujours liées. Certaines d’entre elles ont parfois plus de motivations politiques que d’enquêter sur des soupçons de corruption. Même si elle est une institution dotée de personnalité juridique, d’autonomie administrative et financière, l’ULCC a quand même un pouvoir limité à enquêter sur des dossiers suspectés de corruption pour ensuite soumettre son rapport à la Justice pour les suites nécessaires.

Le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH) a produit un rapport en juin 2020 pour recadrer l’ULCC dans sa mission qui consiste à combattre la corruption sous ses multiples formes et moraliser L’Administration publique. Dans ce rapport, le RNDDH critique les responsables et les agents assermentés de l’ULCC qui se comportent le plus souvent, dans l’exercice de leurs fonctions, comme des Commissaires du gouvernement, des juges d’instruction et des agents de la police judiciaire. Ce que le RNDDH qualifie de débordements et d’excès de pouvoir. En ce qui concerne l’arrestation, l’émission d’avis de recherche contre des citoyennes et citoyens, la Constitution haïtienne en son article 24.2 ne confie cette tâche qu’au juge d’instruction.

In fine, les interventions de l’ULCC doivent être en parfaite harmonie avec ses attributions en évitant de poser des actes d’intimidation et d’enquêter véritablement sur des faits soupçonnés de corruption. De plus, En tant qu’une institution qui a cette lourde mission de lutter contre la corruption, il se révèle important de doter l’ULCC de nouveaux moyens lui conférant d’une part de pouvoir effectif, et qui lui permettent d’autre part d’aboutir à un résultat satisfaisant, pour désormais instaurer un climat de transparence au sein de L’ Administration publique.

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