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Le stress généré par les gangs armés pire que l’insécurité?

(TripFoumi Enfo) – Haïti fait sans nul doute face à la période la plus sombre de son histoire. Depuis plus d’une année, le chaos règne partout. Les hors-la loi font la loi, le droit cède la place à la violence, qui pis est, ceux qui ont pour mission de combattre l’insécurité sont les mêmes qui l’alimentent. Face à ce paradigme, il y a la population, livrée à elle-même, laissée pour compte, qui est probablement confrontée à un phénomène pire que l’insécurité : le stress.

Le stress est inévitable pour tout le monde mais en Haïti le risque est exponentiellement plus élevé. Cet état réactionnel de l’organisme soumis à une agression brusque, on y fait face en permanence, en tout temps et en tout lieu. Chez soi, à l’école, à l’église, au travail, à la résidence privée du président de la République, dès qu’on vit en Haïti, l’espérance de vie se renouvelle au quotidien, d’où l’accroissement continu du stress.

Le psychiatre Wilbert Jacques, joint au téléphone par notre rédaction, a dressé un tableau sombre de la santé mentale de la population haïtienne. Il soutient que le stress est une véritable réaction naturelle du corps, pouvant nuire à l’équilibre psychologique et physique de l’organisme. “Face à des événements imprévus ou des changements importants, le stress nous aide à prendre conscience d’un danger qui nous menace”, a-t-il souligné. Même si cette peur est irrationnelle ou imaginaire, le stress déclenché provoque certaines réactions corporelles qui durent de quelques minutes à plusieurs jours, semaines ou des mois.

Ce gravissime phénomène qui peut se révéler tardivement peut être à la base de plusieurs problèmes de santé ;
les troubles du sommeil et de l’appétit, la fatigue, l’irritabilité, la nervosité, les
contractions musculaires (surtout au niveau du cou ou du dos), la baisse considérable de la libido, l’altération de la mémoire, les troubles de la concentration, entre autres.

On en dénombre quatre types courants qui sont diagnostiqués par les professionnels de la santé :

Stress physique : Il s’agit souvent de la forme de stress la plus évidente. Il peut se présenter sous forme de maux de tête ou d’autres douleurs, ou vous pourriez remarquer une augmentation de votre rythme cardiaque. Le fait d’être malade plus souvent que d’habitude, ou de remarquer une tension dans tout le corps comptent parmi les autres signes courants.

Stress mental : Cette forme de stress est assez fréquente et plutôt facile à reconnaître. Le stress mental se présente souvent sous la forme de problèmes de mémoire, de difficultés de concentration ou d’anxiété.

Stress comportemental : Ce type de stress peut être plus difficile à diagnostiquer soi-même. Le stress comportemental se manifeste par un changement dans vos habitudes courantes, comme la consommation alimentaire (manger plus ou moins qu’à l’habitude), les habitudes de sommeil, le retrait social et l’évitement des responsabilités habituelles.

Stress émotionnel : Il s’agit d’une autre forme difficile à diagnostiquer. Lorsque le corps éprouve un stress émotionnel, il a tendance à se préparer à combattre ou à fuir, ce qui peut se manifester de façon sournoise. Les signes de stress émotionnel peuvent s’accompagner d’une augmentation de l’agitation ou de la morosité.

L’organisme face au stress

Pour faire face au stress, le corps, en cherchant à s’adapter, produit l’adrénaline (substance produite par la glande surrénale au-dessus des reins) jouant un grand rôle dans le stress aigu. Elle permet de : réduire le taux de sucre dans le sang pour utiliser toute l’énergie nécessaire et envoie le sang dans les muscles pour être prêt à courir ou se battre ou réagir rapidement.

Lorsque la situation de stress persiste ou revient fréquemment, l’activation de l’adrénaline est remplacée progressivement par celle du cortisol. Cette hormone, produite elle aussi par la glande surrénale, dégrade les protéines contenues dans les muscles pour produire de l’énergie nécessaire à l’organisme. Cette dégradation se traduit par : une augmentation du taux de sucre dans le sang, mais aussi des triglycérides et du cholestérol, une diminution de l’efficacité du système immunitaire.

Plus le stress s’installe, plus la production de cortisol aggrave l’état d’anxiété, de dépression et peut même altérer les capacités de mémoire et d’apprentissage. Cette étape est décrite comme la “phase d’épuisement” lorsque l’organisme est dépassé et que les réactions ne sont plus adaptées nous a expliqué le psychiatre.

Le stress, le cancer de l’esprit

En Haïti, toutes les conditions sont réunies pour être stressé en permanence. Crise économique, instabilité politique, dégradation sociale, le chômage, le banditisme, l’injustice, la crise alimentaire, des maladies, l’incapacité de répondre à ces besoins les plus fondamentaux, l’inflation, etc

Et pourtant le spécialiste prévoit des phases avancées du stress. Autant de pression insurmontable peut provoquer un état de stress post-traumatique aigu ensuite chronique, voire arriver à la phase psychotique où l’on perd contact avec la réalité.

Lorsque le stress perdure et qu’aucune mesure n’a été prise pour le diminuer au quotidien, il peut entraîner de véritables problèmes de santé. Certaines maladies digestives comme la colopathie, les gastrites ou les ulcères gastroduodénaux,
certains troubles cardio-vasculaires comme les palpitations, l’hypertension artérielle, l’angine de poitrine ou même l’infarctus du myocarde, le stroke,
certaines maladies dermatologiques comme l’eczéma, le psoriasis, la chute des cheveux, ou les démangeaisons, certaines infections à répétition comme l’herpès, certains troubles gynécologiques comme le retard ou l’absence de règles, le diabète, l’obésité, une migraine chronique entre autres maladies.

L’expert a plaidé en faveur de la mise en place d’une Unité de Santé mentale pour accompagner la population en attendant les réponses drastiques et efficaces contre l’insécurité.

Mais en attendant, on est tous stressé. Comment ne pas l’être, en Haïti? Certains sont déjà en phase de stress extrême, quand le corps se met aux commandes et fait ce qu’il a à faire pendant que le cerveau se tient sur la touche, incapable d’autres choses que de regarder le ciel comme un idiot. Y être exposé tout le temps peut conduire tout droit à la dépression, dont l’aggravation risque d’aboutir au suicide.

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