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Un saut dans la République des “Ti Sousou” !

(TripFoumi Enfo) – C’est triste d’assister à la descente aux enfers d’un pays comme Haïti. La proclamation de son indépendance le premier janvier 1804 avait ouvert une nouvelle page dans l’histoire mondiale : première république noire du monde moderne, voilà une vérité gravée dans la pierre. Haïti symbolise cette terre sur laquelle la notion de liberté pleine et entière avait pris forme. Mais, les aspirations divergentes des larges masses populaires et des élites ont fait oublier les idéaux de la plus grande révolution d’esclaves qu’ait connue le monde. Fracture. Celle-ci s’était manifestée avec la disparition brutale, en 1806, de Jean Jacques Dessalines, père-fondateur de la jeune nation. Ainsi naquit la République des “Ti Soussou !

Les oligarchies haïtiennes, après l’assassinat crapuleux du premier chef d’État du pays, ne sont pas arrivées à s’entendre sur la forme et le contenu de l’exercice du pouvoir de l’État, comme l’a signalé l’historien haïtien Michel Hector dans son article intitulé “Autre voie de construction de l’État-Nation : L’expérience christophienne”. Par ailleurs, ceux et celles avec des origines africaines et fraîchement libres restent attachés à leurs aspirations : accès à la terre, synonyme de liberté pour eux. Le tâtonnement relatif à la construction et la mise en place d’un cadre du fonctionnement de l’État a basculé Haïti dans des rivalités durables. C’est dans ce contexte que des “Ti Sousou”, dans presque tous les secteurs, ont jalonné l’histoire de cette terre d’hommes et de femmes “mèt tèt” ‘yo’.

Par “Ti Sousou” nous entendons une situation qui laisse voir des gens, pouvant contribuer à l’émergence de leur pays, préfèrent courber l’échine pour des miettes, donc des intérêts mesquins et ce, au grand dam de la grande majorité de la population. La défaite de l’armée napoléonienne n’avait pas laissé un goût de “revenez-y” sur les lèvres des Français-colons. Ainsi, pour se venger d’Haïti, en 1825, ils allaient imposer, si vous voulez, proposer au pays de payer une rançon de 150 millions de franc or pour que son indépendance soit acceptée, quelle bêtise ! Le Président d’alors Jean Pierre Boyer, conseillé par les oligarques, ne voulant pas un retour des colons dans le pays, avait accepté de payer cet argent, selon Benoît Joachim. Ce faisant, les anciens libres voulaient s’accaparer des biens vacants des colons.

Depuis, les “Ti Sousou” se trouvent au timon des affaires. Ils dictent quoi faire et mènent un combat contre la paysannerie. Ils se font appeler directeurs de média et journalistes seniors, intellectuels et chefs d’entreprise. Leur mission ? Construire d’autres “Ti Sousou” pour renouveler la politique criminelle, celle pratiquée contre la nation, celle pratiquée pour le blanc haineux, consistant à pervertir le rêve de changement du petit peuple, abandonné depuis plus de deux siècles. Ces hommes et femmes, qui s’aplavantrissent pour des miettes, ont fait main mise sur le système éducatif pour la reproduction à l’identique des inégalités socio-économiques. Avec la multiplication des réseaux sociaux, aujourd’hui, ils se nomment également influenceurs. Beurk !

218 ans après, Haïti bouge au ton de la corruption qui se manifeste sur presque toutes ses formes. 218 ans après, elle est considérée comme le seul pays pauvre du continent américain. 218 ans après, le chaos est encore stable, car ça arrange les “Ti Sousou” qui ne jurent que par l’argent facile et le pouvoir. Haïti est plongée dans un climat de violence qui accélère la migration de ses fils et filles vers d’autres pays et ce, même au péril de leur vie. À quand de meilleures conditions de vie pour chaque Haïtien ? À quand une école offrant une égalité de chance ? À quand une justice impartiale ? Bref, à quand la fin du règne des “Ti Sousou” sur ce joyau des Caraïbes, Haïti ?

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