Opinion

« Le traitement journalistique du terrorisme et de l’extrémisme violent » : Le journaliste face à son devoir d’informer et sa responsabilité

Le Forum Pamela Howard de l’International Center for Journalist (ICFJ) sur le Reportage des Crises Mondiales a organisé le premier webinaire du mois de septembre, intitulé « Le traitement journalistique du terrorisme et de l’extrémisme violent », animé par Kossi Balao, le directeur du Forum, et le journaliste, professeur et chroniqueur, Jean Paul Marthoz, comme le grand invité de ce 101ème webinaire.

Tant qu’elle est aussi utile que dangereuse, l’information, du moins la diffusion de cette dernière, ne peut se laisser entre les mains de tous sinon requiert un ensemble de code. Pour cette raison, le Forum Pamela Howard de l’International Center For Journalist (ICFJ) sur le Reportage des Crises Mondiales, se donne le devoir de bien orienter le travail des journalistes. Auquel cas, ce webinaire qui dure 1h : 00 : 21 ayant pour thème « le traitement journalistique du terrorisme et de l’extrémisme violent », s’inscrit dans cette perspective.

Au regard de ce qui se passe dans la société haïtienne : guerre des gangs, tuerie, enlèvement, violence et crimes de toutes sortes, ce 101ème webinaire prend tout son sens puisqu’il y a une large couverture médiatique de ces actes. Toutefois, l’on peut toujours se questionner sur le vrai sens du mot terrorisme, eu égard aux actes commis dans la société haïtienne. Cependant, dans une entrevue accordée à Ayibopost, le sociologue Djems Olivier – qui a entrepris des recherches sur les pratiques des gangs en Haïti – a constaté « une nouvelle forme de terrorisme >> en Haïti << même si nous avons peur de l’appeler par son nom » (Ayibopost, 2022). Le journalisme, en Haïti, n’a pas bonne presse corollaire à la manière dont les informations sont traitées pour la plupart. Et à peine, évoque-t-on dans un article de Ijnet (2022) – une nouvelle génération de journalistes scientifiques dans le pays. En raison du manque de spécialistes du terme en question et de rigueur de certaines publications, vous trouverez à travers ce webinaire des conseils nécessaires relatifs aux comportements que doivent adopter les journalistes, d’un côté pour couvrir les actes de violence, terroriste ou crime, et de l’autre, fournir des outils en vue d’optimiser les travaux qui y sont liés.

D’emblée, le professeur de journalisme à l’Université Catholique de Louvain, Jean Paul Marthoz, a esquivé – dans une approche comparative – l’ambiguïté qui se pose à la définition d’un acte terroriste. En effet, un acte terroriste, pour lui, se définit comme une attaque indiscrminée contre les populations civiles couramment un crime contre l’humanité. Parlant du crime, l’on a tendance à croire que l’acte terroriste est plus grave que celui du criminel. Pourtant, inscrire un acte criminel dans le contexte du terroriste, selon l’invité, consiste à lui donner une dimension politique. S’il y a controverse en terme de définition de ce concept, pour l’invité ce qui est fondamental, ce sont les faits. Quels sont les faits qui ont été commis par le groupe dont on accuse de terrorisme ? Ensuite, qualifier ces faits, toujours est-il, selon les principes juridiques, du moins se réfèrant à des données internationales des experts pouvant les aider [journalistes] à traiter le sujet avec du sérieux et de manière rigoureuse.

La responsabilité du journaliste en période de guerre

Basé sur la philosophie du journaliste d’intérêt public, ce dernier doit avoir l’information vérifiée complète pour agir en connaissance de cause au sein de la société. Pour la question d’intérêt, l’important, c’est le cadre de l’éthique et de valeur dont on s’inscrit les décisions quotidiennes. C’est une responsabilité de couvrir l’information sur un sujet qui n’est pas dramatique. De fournir de l’information la plus vérifiée que possible et de ne jamais céder aux demandes de manipulation des informations. Ce qui est fondamentale « c’est la vérité des faits de terrain et la vérité derrière les faits de terrain, c’est-à-dire le contexte dans lequel un conflit se déroule ».

Les journalistes, dans tous les conflits, ont respecté un certain nombre de conditions, notamment les opérations militaires, a reconnu M. Marthoz avant d’avancer que, par le souci d’informer, le journaliste peut ne pas choisir de s’accommoder, en période de guerre, à des lois d’un gouvernement interdisant celui-là d’intervenir dans une zone sauf si c’est pour des raisons sécuritaires. Sur cette base, M. Marthoz conseille de concilier la responsabilité et le devoir d’informer dans le cadre d’une éventuelle censure d’un gouvernement en période de guerre ou lors d’une enquête. Donc, c’est accepté et acceptable en journalisme pour M. Marthoz. Si le journaliste se réserve ainsi le droit de ne publier aucune information avant que l’enquête soit révélée, il est toutefois libre de faire son travail en même temps que les policiers enquêteurs.

Le rôle du journaliste à l’ère de la massification de l’information

Aujourd’hui, plus qu’hier, avec l’Internet et un smartphone, tout le monde se croit journaliste. Tout ce qui est publié, selon le sens commun en matière d’information, se voit attribuer à ce dernier. Cependant, pour collecter et diffuser de l’information, il est impérieux de recourir à des techniques et des normes journalistiques.
Dans cet ordre d’idée, pour le chroniqueur au quotidien le Soir, le journaliste professionnel effectue un tri après avoir collecté les informations. Basé sur ce principe, cela empêche le professionnel, contrairement aux blogueurs (ses), entre autres – qui marchande l’information – de tomber dans le sensationnalisme. « Le sensationnalisme est un risque à éviter pour le métier. Il n’a aucune place dans le journalisme », soutient l’invité. Avec les réseaux sociaux, pour paraphraser l’auteur de « En première ligne : le journalisme au coeur des conflits », les gens publient leurs propres contenus sans passer par les médias traditionnels. Donc, on assiste à une individualisation des réseaux d’information dont parle le rapport de Recherche présenté au Centre d’études sur les médias (2015). D’où le rôle du journaliste à verifier les informations mais surtout aider le public à faire le tri entre les informations validées, car « la désinformation et la fake news font partie du fatras du grand cahos de l’information », pour répéter, verbatim, son propos.

Donc, le travail du journaliste ne consiste pas seulement à publier les informations, mais chercher à expliquer les faits mais non les justifier. « Permettre aux citoyens de comprendre pour les faire agir ». Il ne se limite pas seulement à la simple diffusion d’une information fondée sur des faits pour paraphraser Deborah Potter, car les informations sont aussi utiles que dangereuses (2006). D’où son rôle de « gatekeeper ». Autrement dit, le journaliste a pour devoir de surveiller tous les pouvoirs et contre-pouvoirs.

Il est un fait, l’explosion des réseaux socionumériques fait fragmenter les médias. Le traitement journalistique de certains termes exige des principes déontologique, ce, pour des termes comme terrorisme présentant une certaine nuance en raison des impressions morales… M. Jean Paul Marthos suggère, à cet égard, la création au sein de la rédaction une sorte de « culture de la discussion déontologique » de sorte que le journaliste soit guidé, prudent dans le choix des termes. In fine, le journaliste doit être engagé en faveur des valeurs d’humanité. Engagé en faveur de la vérité. On peut être de grand journaliste en respectant tous les codes du métier.

Notes de références :

  • Le webinaire faisant l’objet de l’article est disponible sur ce lien
  • Deborah Potter, Guide du Journaliste indépendant : qu’est-ce que l’information, [pdf] télécharger depuis ce lien
  • Virginie Hébert, Gabrielle Sirois, Émilie Tremblay-Potvin, Les effets des médias à l’ère du 2.0 : Recension des écrits sur l’influence de la médiatisation dans la formation des opinions politiques à l’heure des médias sociaux , (dir.) Thierry Giasson, [pdf], 2017, p-15
  • Websder Corneille, Mydna St Cima, « Une nouvelle génération de journalistes scientifiques en Haïti », In Ijnet [en ligne], consulté le 27 Septembre 2022

Jameson Francisque, « Les bandits brûlent le cadavre de leurs victimes en Haïti », In Ayibopost, [en ligne], consulté le 28 Septembre 2022

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