ProtestationHaïti

Port-au-Prince, la misère en do majeur

(TripFoumi Enfo) – Il est midi à Port-au-Prince et nous sommes le mercredi 12 octobre, le jour de l’anniversaire d’un ami. Il s’appelle Calixte. Alors qu’il vit un jour spécial dans sa vie, Calixte s’est rendu au marché de Pétion-Ville, avec seulement cinq milles gourdes. Poussé par le désir de donner à manger à ses enfants, par la même occasion manger du poisson pour célébrer son nouveau printemps. Il s’est vite rendu compte que Machiavel avait raison de dire : « La  fin justifie les moyens »…

Troublé par la montée vertigineuse des prix des produits de première nécessité. La misère semble élire domicile en Haïti. Calixte n’en peut plus. Après avoir passé un (1) an à économiser pour fêter dignement cette année, Calixte s’est fondu en larmes de voir que sa fête risque d’être reporté, comme c’est le cas chaque année.

À la maison, madame sa femme, nourrice, l’attend avec leurs deux enfants. Mais que va-t-il dire encore à sa femme cette année ? Car entre : diapers, wipes, lait, riz , Michel a déja tout dépensé. Maintenant, il réfléchit sur comment faire pour donner à manger à sa famille, car il lui manque d’autres ingrédients comme : pois, huile, épices, sel, et le poisson qu’il rêvait de manger pour son anniversaire et bien d’autres choses encore…

Après ce triste constat, Michel ressent soudain une forte douleur abdominale. N’ayant rien mangé pendant quasiment deux jours, il se voit déjà assister à ses propres funérailles. Dans sa tête, toutes les notes se mélangent. C’est comme laisser une chorale d’enfants, chacun avec sa baguette joue sur une même batterie. Imaginez la scène…

La misère de Calixte n’est pas pire que celle de bien d’autres familles haïtiennes. Le rappeur français Youssoupha, dans son texte “Noir désir”, explique : « des familles entiéres mangent des galettes de terre en Haïti ». Comment expliquer que, dans un pays où la misère joue en do majeur, nous avons des gouvernements de plus de 18 membres ayant des salaires surélevés. Résidence 1, 2, 3, frais de carburant, des voitures de luxe, des locations, per diem, cartes de crédit, des suites d’hôtel, pour ne citer que cela.

Tandis que la majorité de la population croupit dans la misére en essayant de joindre les deux bouts, une poignée de gens vivent en maîtres et seigneurs, ne se souciant que de leurs propres intérêts au détriment des plus faibles. Port-au-Prince est devenu invivable, tant par la misère qui chante dans le quotidien de ses citadins que par la peur du lendemain et la méfiance qui se lient sur les visages. L’espoir n’habite plus les gens. On se demande ceci : « Si la faim justifie les moyens, qu’est-ce qui justifie la fin ? Que reste-t-il à ce peuple qui est tout près de manger sa propre chair et vivre en cannibales.

À Calixte, nous souhaitons un joyeux anniversaire, puisse-t-il un jour manger à sa faim et nourrir sa famille !

Jules Nicolas Michel

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