La Presse

Les dangers d’être journaliste en Haïti face aux violences policières et des gangs armés

(TripFoumi Enfo) – Personne n’est à l’abri dans ce climat d’insécurité qui règne en Haïti depuis quelque temps. Des professionnels de tout acabit sont contraints de travailler dans une atmosphère de peur émaillée de toute sorte de violence. Le journalisme, une profession qui devrait être exercée en toute liberté, malheureusement, n’est pas exempt de cette situation chaotique, en dépit de l’importance de la Presse dans une société. Les journalistes font l’objet de menaces et aveuglement considérés comme des cibles à abattre dans le pays. Entre la violence des gangs armés et la violence des policiers, le travail des professionnels de l’information devient de plus en plus difficile. Les travailleurs de la presse sont victimes dans l’exercice de leur fonction dans des circonstances épouvantables. Ces dérives ne font que menacer la liberté d’expression, l’une des valeurs inhérentes à la démocratie.

Après la chute du régime duvaliériste, Haïti avait renoncé à la dictature pour prendre le chemin de la démocratie. La Constitution haïtienne de 1987, toujours en vigueur, constitue la base légale d’une volonté populaire aspirant à jouir pleinement sa liberté et ses droits civils et politiques.

La liberté d’expression est un droit inaliénable garanti par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. En ce sens, à côté des trois pouvoirs du régime démocratique, à savoir les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, la Presse est considérée comme un quatrième pouvoir avec la noble mission d’informer, former et distraire.

Depuis quelque temps en Haïti, la Presse haïtienne est dans le viseur de certains détracteurs politiques, de la Police Nationale et des bandits armés qui en font leur ennemie numéro un. Cette situation s’est aggravée depuis le début des vagues de mouvements de protestation contre le gouvernement de facto d’Ariel Henry. Ainsi, la population se voit livrée dans une jungle, où les droits humains sont bannis et la violence s’érige en loi suprême.

Dans l’espace d’une semaine, plusieurs victimes ont été enregistrées dans le secteur de la presse en Haïti. Dans la soirée du lundi 24 octobre 2022, le corps sans vie de Garry Tess, co-présentateur de l’émission “Gran Lakou” à la radio LeBon FM dans la ville des Cayes, a été retrouvé après au moins huit jours de disparition. Le lendemain, soit le 25 octobre, dans la matinée, le journaliste de la radio Magik 9 et du journal Le Nouvelliste, Roberson Alphonse, a été sauvé de justesse d’une attaque armée à Delmas 40B, où il était touché par balle. Le dimanche 30 octobre, le journaliste Romelson Vilcin, a été tuée par la Police dans l’enceinte même du Commissariat de Delmas 33, alors qu’il était venue apporter son soutien au journaliste de Radio Télé Zénith, Robest Dimanche, arrêté illégalement à Delmas 47, dans l’exercice de ses fonctions.

Au cours des mois précédents, plusieurs autres journalistes ont été tués par des bandits dans la région métropolitaine de Port-au-Prince. Le 12 septembre dernier, Frantzsen Charles et Tayson Lartigue, deux jeunes journalistes, ont été assassinés à Cité Soleil, alors qu’ils venait à peine de réaliser un reportage. Auparavant, John Wesley Amady et Wilguens Louissaint, deux autres jeunes journalistes, avaient péri dans de pareilles circonstances à Laboule 12.

En effet, être journaliste aujourd’hui, en Haïti, est un péché mortel condamné par des bandits armés et certains policiers voyous. Une carte de presse est pratiquement devenue un passeport vers la mort. Les attaques ciblées contre les travailleurs de la presse constituent une grande menace pour la démocratie et la liberté d’opinion.

Considérant qu’Haïti est un État démocratique d’après la Constitution de 1987, le gouvernement haïtien doit garantir le droit à l’information en créant un climat de sécurité pour faciliter les travaux des journalistes. À cet effet, les associations des médias et des journalistes, tout comme les organisations des droits humains ne doivent pas rester bras croisés devant cette situation intolérable.

Cette insécurité généralisée, l’œuvre de l’irresponsabilité des dirigeants de l’État face à la prolifération des gangs armés, doit être incessamment éradiquée pour un retour à l’ordre dans le pays. Cette tendance à la normalisation de la violence doit finir. Que les journalistes effectuent leurs travaux dans la liberté et dans le respect de la déontologie du métier.

Rolph Louis-Jeune

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