Haïti, un pays métamorphosé

Insécurité : kidnapping, viol, assassinat, banditisme. Misère. Manifestation. Dirigeants illégitimes. Absence de l’État. Tweet. Ce sont des choses normales en Haïti, la terre de la liberté.
Oh ! Quoi encore ? Jeannot est mort. Mort, comment ? Il est retrouvé mort par balle. Ahahah! Cela n’effraie plus personne. Ici, jeune homme, c’est avec la nouvelle d’un cadavre giclé de sang qu’on salue les gens. Chaque jour une personne tombe sous les balles assassines des galapiats, vauriens et fainéants armés par des hommes au plus haut niveau de l’État, du secteur privé et des politiciens sans scrupules dénués de toute valeur morale. D’une petitesse d’esprit incommensurable. Autrefois, des militants tués. Avant-hier, un professeur assassiné. Hier encore, un homme d’affaires est tombé. Aujourd’hui la nouvelle se répand. Quoi ? Qui ? Un journaliste. Demain sera le tour de qui ? Un Médecin ? Un avocat ? Un juge ? Un Agronome ? Un étudiant ? Un cordonnier ? Un cireur ? Qui sera donc la prochaine victime ? Honnêtement, nous ne le savons pas. Mais ce qui est certain, la machine à sang de l’État va pomper le sang d’un citoyen haïtien parce que, ici, c’est avec le bruit des balles qu’on fait ses dernières prières le soir, et, c’est aussi ce même bruit qui remplace le cri du coq le matin. Personne n’est épargné par cette insécurité qui bat son plein, à part les soi-disant bourgeois qui vivent dans un autre monde dans la même Haïti et ceux qui ont quelque part, eux-aussi, leurs groupes armés. Assassiner devient normal.
En effet, depuis quelques années, la machine infernale de l’insécurité ne cesse de parcourir tout le pays. Aux quatre coins du pays : du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest, dans chaque petit coin, des bandits s’installent et ce sont eux qui y font la loi. Ils sont les seuls souverains : ils tuent, ils s’entretuent, ils violent, ils assassinent et ils kidnappent. Des bébés. Des adolescents. Des écoliers. Des étudiants. Des professeurs. Des ouvriers. Des marchands. Quelle que soit la catégorie sociale, les gangsters opèrent sans pitié. Si autrefois on attendait le retour d’un proche et qu’on le retrouvait soit entre les mains des ravisseurs ou sur des immondices servant de nourriture aux porcs et aux chiens, aujourd’hui, ils infestent chez nous, et, sous nos yeux, ces canailles tuent nos parents, nos frères et cousins, ils violent nos sœurs et cousines. Pire, ils nous font coucher avec elles. C’est normal dans la première république noire, car, l’État ne fait rien. La police, de son côté, est carrément inexistante. C’est normal : tout est globalement sous contrôle.
l’État ! La police ! Que dis-je ? Ni celle-ci, ni celui-là. Absence totale. Ils sont remplacés par ces bandits qui, pour la plupart, sont générés par l’inégalité sociale. Ces produits de l’État haïtien contrôlent tout dans le pays. C’est eux qui, en fait, gèrent la circulation. Aujourd’hui, Martissant ne fait plus peur. Cette situation devient normale, parce qu’il y a des agents de l’État assurant le transport tout en faisant des recettes pour le trésor public en vue de s’approvisionner en armes et en munitions et continuer à tuer des citoyens paisibles. C’est normal.
Par ailleurs, face à l’insécurité qui déshumanise les Haïtiens tous les jours, des militants, des organisations, des syndicalistes entre autres, se manifestent en réclamant de bonnes conditions de vie, le respect des droits humains et la démission des soi-disant autorités illégitimes et incapables. Rien n’a jamais été fait, malheureusement. Qui plus est, depuis la montée vertigineuse du prix du carburant par le Premier ministre, Ariel Henry, élu par un tweet de l’international, pourtant contesté par tous les Haïtiens, qui, vraisemblablement, est leur représentant, les conditions de vie de ce peuple se sont empirées. Certains prix des produits de première nécessité sont doublés, d’autres sont triplés et presque quadruplés. La gourde est dépréciée. Pendant que l’inflation marche à pas exponentiel, nous, nous sommes encore à l’ère liturgique. Dieu est grand ! La vie chère. La population croupit dans la misère. Cependant, depuis près de deux mois, celle-ci sort massivement pour demander l’annulation du prix du carburant et exiger le départ du PM Ariel Henry et de son gouvernement de facto. Hélas ! Aucun tweet n’est encore fait, malgré l’indexation du Neurochirurgien haïtien dans l’assassinat du Président Jovenel Moïse, selon des relevés téléphoniques de la Digicel certifiant, effectivement, qu’il était en contact avec Joseph Félix Badio, l’homme épinglé jusqu’au cou dans cet assassinat. Manifester tous les jours devient normal. Eh bien, manifestez !
Tout ce qui était jadis interdit dans le pays et qui est défendu ailleurs est normal en Haïti. Les habitants ont fini, d’une part, par s’habituer à vivre dans l’insécurité. Les balles sont comme des feux d’artifices. D’ailleurs, en pleine confrontation, chacun s’occupe de ses ognons. Alors comme alors. Ici, c’est chacun pour soi, Dieu pour soi ! Cela devient normal. D’autre part, les citoyens ont fini par accepter de vivre dans la misère. Manger devient un luxe, car un sac de riz devient aussi précieux que l’or. C’est normal. Toutes les institutions étatiques sont dysfonctionnelles. C’est normal. L’école est fermée. C’est normal. Des hommes politiques et dirigeants dépourvus de leur visa américain parce qu’ils sont de connivence avec des bandits, alors qu’ils sont encore libres, et, pire encore, continuent d’être en poste. Aucune sanction jusqu’à présent chez nous. C’est normal. Donc, tout devient normal en Haïti : tuer, assassiner, kidnapper, violer, dirigeants illégitimes, manifester et j’en passe. C’est difficile à dire, mais c’est la vérité. Sinon, nous n’attendons qu’un tweet de la communauté internationale pour reperforer, plus profonde, la gouffre. Haïti, notre patrie, est métamorphosée. C’est la réalité.
Par Robenson LAZARRE
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