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Wilder Sylvain, un journaliste à la Zola !

(TripFoumi Enfo) – Il y a de ces endroits dans lesquels on entre et on veut y rester pour longtemps, juste parce que la passion le veut, pas nous, juste parce qu’on doit faire un don de soi à une cause noble, juste parce que l’affaire Watergate nous inspire. Choisir de pratiquer le journalisme dans un pays comme Haïti où règne l’impunité, non, ce n’est pas trois fois rien. Des risques, il y en a. Wilder Sylvain, conscient de cela, opte pour un journalisme beaucoup plus utile, capable de participer à la refondation de la nation haïtienne conformément aux idéaux de la révolution de 1804 et capable de servir de lieu pour mener la bataille des idées.

Né à Petit-Goâve, commune qu’il aime comme pas permis, Wilder Sylvain a fait ses études primaires à l’école Nationale du Sacré Cœur communément appelée “kay frè” et celles du secondaire au Lycée Faustin Soulouque et au Collège Pradel Pompilus, trois écoles de sa ville natale. Après avoir réussi son baccalauréat, en 2016, il a mis le cap sur Port-au-Prince, la capitale, pour effectuer des études supérieures, suivant ainsi la trace de ses grands frères.

“Après avoir participé aux concours de l’Université d’État d’Haïti (UEH), auxquels, j’ai malheureusement échoué, je me suis tourné vers le Centre d’Études en Administration et Communication (ISNAC) en vue d’apprendre le journalisme”, explique le jeune homme, fier de son parcours. Et de continuer : “J’avais fait ce choix, parce que j’ai pensé que cela me permettrait de mieux préparer les prochains concours d’admission à l’UEH”.

Il s’agit d’une première raison. Il y en a d’autres. À en croire ses propos, sa famille développe un rapport très étroit avec l’information dans les médias. “À la maison, on écoutait, regardait les nouvelles et d’autres émissions, sur presque toutes les stations de radio et chaînes de télévision auxquels on avait accès, que ce soit en Haïti ou à l’étranger”, se souvient le vingtenaire, qui fait de sa plume une arme pour combattre le mal qui s’accapare de son pays.

Wilder Sylvain, un journaliste à la Zola !

Avant d’avoir commencé à suivre ses cours à l’ISNAC, il a pu suivre une formation en écriture journalistique avec le journaliste Fanel Delva, qui travaillait comme reporter à la Radio Télévision Caraïbes. “Depuis, je suis tombé amoureux de cette forme d’écriture. J’ai pu confirmer cet amour lors du cours “Rédaction Presse Écrite” dispensé par le professeur Valéry Daudier”, confie-t-il.

Ses premiers pas dans le métier

En 2019, alors qu’il est était sur le point d’achever son cursus en journalisme, avec d’autres camarades, il a mis sur pied un média, en ligne, avec sa spécificité. “Jessica Nazaire (décédée), Ricardo Desir, Kensry Vilson, et moi avons décidé de lancer “Kalbas Info”. Cette plate-forme d’information en ligne s’était assignée la mission d’œuvrer exclusivement dans le monde culturel”, détaille Wilder.

Pour des raisons économiques, regrette-t-il, le projet n’a pas fait long feu. Il ne s’est pas arrêté pour autant. Il a dû rejoindre l’équipe du journal Le Témoin, en 2020, où il a travaillé pendant environ un an aux côtés des journalistes comme Fédia Stanislas, Stanley Léandre, Joseph Léandre, Saphira Orcel et Jessica Nazaire. “À la fin de l’année, cette aventure a pris fin”, dit-il.

Mais février 2021, il a déposé ses valises à TripFoumi Enfo. “Au cours de cette même année, j’ai été choisi pour être Secrétaire de rédaction du journal en ligne, Vedette Mag, lancé le 21 juin par mon ami Richard Alexandre dit Caonabo, à l’occasion de la fête de la musique, et c’est l’une de mes plus belles expériences”.

Ses modèles dans le domaine

Il n’y a pas d’écrivain primitif, disait Franckcétienne, au sens pour charbonner quelques mots, il faut passer par la lecture, porte d’entrée. Donc, que l’on accepte ou pas, on subit l’influence des autres d’une façon ou d’une autre. “Il y a des journalistes dont les écrits me hantent. Je peux citer Fanel Delva et Frantz Duval, pour leur simplicité, et Roberson Alphonse qui ne badine pas avec sa plume dans ses reportages à lire et à relire debout”.

Pour ce qui est de sa génération, il dit aimer la manière d’écrire de Laura Louis, ancienne rédactrice à Ayibopost et lauréate du prix Philippe Chanfanjon. “Mais, je lis presque tout le monde. En vrai, je ne m’accroche à aucun modèle de la place. Je lis les journalistes haïtiens autant que ceux de l’étranger”, précise l’actuel étudiant en Sociologie à la Faculté des Siences Humaines (FASCH), entité de l’UEH.

Sa compréhension du journalisme

Le métier de journaliste, depuis un certain temps, connaît des hauts et des bas. Si l’avènement de l’internet constitue une véritable avancée dans la démocratisation de l’information, il affecte tout aussi bien la qualité de l’information avec les intox et les infox et, parallèlement, permet de voir de nouvelles pratiques journalistiques. “La précarité dans le métier pousse certains journalistes à commettre des écarts dans l’exercice de leur profession, ce qui tend à ternir l’image de ce métier, pratiqué dans le passé par des hommes de grandes cultures. Toutefois, le journalisme reste un métier noble”, croit-il tout en exigeant plus de professionnalisme.

Pour lui, à l’instar d’Émile Zola, la presse devrait être un lieu privilégié où on forme une masse critique pour que la société puisse se projeter dans le futur, étant assise sur des valeurs haïtiennes, et on est libre de mener la bataille des idées. Qui ne se souvient pas du rôle qu’a joué la presse dans la diffusion de l’Affaire Dreyfus, en France ?

Ainsi, Wilder préconise-t-il un meilleur traitement pour tous les professionnels de l’information. “Je dois ajouter aussi que ces derniers, par manque de formation, ont fait ce qu’ils n’auraient pas dû, portant ainsi un coup fatal au journalisme. Donc, le renforcement des écoles dans la qualité de formation d’où ils arrivent constitue un outil essentiel pour combattre les dérives”, estime le Petit-Goâvien.

Passe-temps

Il est rare de trouver quelqu’un sans divertissement. Wilder Sylvain, quant à lui, passe son temps entre écriture, lecture et musique, non comme musicien, mais comme mélomane. “J’aime passer du temps à écrire, à déchirer quelques pages et à écouter de la musique. Parfois, je regarde quelques matchs de football”, déclare celui qui croit qu’une autre Haïti est possible pourvu que chaque Haïtien donne une part de lui pour la refondation du pays, rongé par la corruption, l’insécurité et la misère.

Ses conseils aux jeunes journalistes comme lui

L’insécurité n’épargne presque personne en Haïti. Des journalistes en sont victimes. Pour l’année 2022, sept (7) ont déjà laissé leur peau. Dans ce contexte, Wilder invite les journalistes, surtout ceux qui travaillent pour des médias en ligne, à être prudents. “Utilisez votre plume ou micro pour former les citoyens, car la société aura besoin d’eux”, conseille celui qui a collaboré avec Adduction Media.

“À tout jeune écrivain qui me consultera, je dirai : “Jetez-vous dans la presse à corps perdu, comme on se jette à l’eau pour apprendre à nager”, disait Zola. Quant à Wilder, il dit ceci : “À tous ceux qui veulent pratiquer le journalisme, faites-le, mais en connaissance de cause”.

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