Haïti

Caricature de la mentalité haïtienne

(TripFoumi Enfo) – « Koulangt manman w », l’interprétation de cette expression, dans la scolarité des jeunes haïtiens, sa place dans l’histoire coloniale et dans la construction impériale, a évolué tant dans le temps que dans son contenu. Dans la pensée de l’Haïtien d’aujourd’hui, le « Koulangt manman w » n’a plus le même sens qu’au temps de la colonie française. Parmi plusieurs théories sur l’origine de cette expression, soulignons celle-ci : « le colon guette ta mère » pour parler d’une quelconque relation (sexuelle) entre une négresse et un colon. Ce n’est qu’une déformation historique qui fait que l’Haïtien pense, pour injurier quelqu’un, qu’il doit la mettre bien profond : « Koulangt manman w ». Le chapitre de l’histoire coloniale a joué un grand rôle dans la construction de la mentalité haïtienne et nous dessine toute une caricature de la pensée de ce peuple tant dans le fond que dans la forme.

Tout le monde serait d’accord pour dire que notre passé d’esclaves fut carrément escamoté par ceux qui ont écrit notre histoire. Néanmoins, ce passé est tatoué dans nos pensées peu importe le nombre d’ouvrages qu’ils vont écrire sur notre histoire. Nous sommes des fils et filles  d’esclaves et cela a laissé des séquelles qui se présentent sous forme de : haine, mépris, individualisme, rancœur, avarice, peur, résignation, méfiance, traitrise, hypocrisie, méfiance, empathie, égoïsme, « depi nan ginen nèg pa vle wè nèg », etc.

On n’est pas sans savoir que la mentalité est une continuité d’une forme d’éducation. Et en Haïti, nous avons laissé entre les mains de ceux qui nous ont colonisé (F.I.C, Frères de l’Instruction Chrétienne) nos écoles, nos ouvrages, notre éducation, nos enseignements, d’où l’origine de notre école importée. C’est la raison pour laquelle, nombreux sont les Haitiens qui, réfléchissant à partir du schéma colonial, pensent qu’Haïti ne peut faire un seul pas sans le regard ou même l’empreinte de la communauté internationale. Et cette façon de penser a été intégré dans notre réalité et devient une norme.

Tout compte fait, les origines de cette mentalité ne sont pas seulement liées à l’éducation mais aussi et surtout à la religion (l’église coloniale) appelée aujourd’hui « Le Christianisme ». Les esclaves subissaient toutes sortes de contraintes et avaient beaucoup d’obstacles à surmonter. Et l’église coloniale, comme nous l’avions étudié dans nos écoles, était le plus grand obstacle dressé devant l’esclave. Elle avait pour mission de contrôler la pensée de l’esclave, de lui faire agir selon la dictée du colon. L’esclave devait se résoudre à vénérer le maître, car ce dernier est l’agent de Dieu sur terre. L’église était aussi responsable de formater la mentalité nègre aux fins de se soustraire à toute tentative de révolte à l’encontre du maître et c’est ce qu’on appelle une contrainte morale.

Bien sûr, comme a dit Kant : « les pensées qui conduisent à l’action sont inhérentes à la personnalité totale ». Ainsi, si le mental qui produit des pensées a été tissé d’un état de tutelle, l’action reflètera les conditions de la mentalité. L’autre, en ce sens, ne saurait être la cause qui s’impose à l’homme à se confiner dans son état de minorité ou d’incapacité à se servir de son propre entendement. Pour être impartial, il faut admettre qu’en dépit du fait que la colonistion ait fait de nous des marionnettes entre les mains du colon. Faut-il aussi accepter que nous sommes responsables de ce que nous faisons avec le temps ? Nous avons créé notre monde et comme Albert Einstein l’a dit : « Le monde que nous avons créé est le reflet de nos pensées ». Une autre façon de dire, tel on pense tel on est.

La mentalité haïtienne ne devrait pas être une fatalité si l’on s’y mettait à exploiter le potentiel qui est en nous en qualité de peuple libre et indépendant, au lieu d’attendre les bonnes grâces des néocolonialistes. Nous avons besoin de changer notre façon de penser pour ressembler aux vaillants que furent nos ancêtres. Nous avons besoin d’épouser la mentalité de Dessalines, de Boukman, de Toussaint Louverture et de tous ceux qui ont su regarder le colon dans les yeux, la tête altière et haut les fronts.

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