Haïti

L’extradition des présumés assassins de Jovenel Moïse de nationalité haïtienne vers les États-Unis, une violation flagrante de la législation haïtienne

Depuis la signature de l’accord entre Haïti et les États-Unis concernant la coopération pour la lutte contre le trafic illicite de drogue, le 17 octobre 1997, lequel rapport ratifié le 19 décembre 2000 par le parlement et publié dans Le Moniteur no 59 le jeudi 25 juillet 2002, les débats sur la question d’extradition des ressortissants haïtiens vers les États-Unis ne cessent de se multiplier.

Langaj

Une telle pratique ne correspond pas aux normes juridiques constitutionnelles et à la loi du 27 août 1972. Ce protocole d’accord a apparemment été conclu dans des conditions volontairement inintelligibles. Un accord qui ne contient aucune clause d’extradition. Mais, on enregistre de multiples arrestations d’Haïtiens en Haïti et de leur extradition vers les États-Unis d’Amérique en violation de la législation haïtienne.

De plus, la Constitution haïtienne, en son article 41, dispose : « Aucun individu de nationalité haïtienne ne peut être déporté ou forcé de laisser le territoire national pour quelque motif que ce soit. Nul ne peut être privé, pour des motifs politiques, de sa capacité juridique et de sa nationalité. »

Si l’on se réfère au principe que tout autre texte législatif doit se plier aux vœux de la Constitution, on peut affirmer qu’aucune loi ne saurait outrepasser les limites posées par la Constitution. Aux termes de l’article 1er de la loi du 27 août 1912 publié dans le journal Le Moniteur du 4 décembre 1912, l’extradition est « l’acte par lequel un État livre à un autre État, sur sa demande, un individu prévenu, accusé d’avoir commis telle infraction déterminée par la loi ou par les traités ou condamné pour l’avoir commise sur le territoire de l’État qui le réclame, afin de le faire juger par l’autorité compétente ou de lui faire subir sa peine ».

À traves cette disposition (loi du 27 aout 1912), le législateur voulait protéger le droit des ressortissants que l’extradition d’un citoyen haïtien ne peut pas être demandée et accordée pour n’importe quelle infraction par un pays étranger. Et l’article 4 de la loi sur l’extradition maintient qu’Haïti ne livrera pas les Haïtiens à un pays étranger sous prétexte d’extradition.

Selon l’article 2 de cette loi, pour accorder l’extradition d’un individu, l’infraction (la faute) commise par ce dernier doit être qualifiée de crime et punie d’une peine afflictive ou infamante par la législation de l’État sur le territoire duquel l’infraction a été commise.

Langaj

Pour l’histoire, sur la demande des États-Unis nous reproduisons les mêmes erreurs en violation de la loi en extradant quatre individus inculpés dans l’assassinat de Jovenel Moïse dont Christian Emmanuel Sanon, Joseph Vincent qui sont de nationalité haïtienne, pour un crime qu’ils ont commis, à caractère politique, sur le territoire national. D’où l’article 8, alinéa 1er de la loi du 27 août 1912 sur l’extradition qui se lit ainsi : « Lorsque l’individu dont l’extradition est demandée sera prévenu ou accusé d’un crime ou d’une tentative de crime politique ou aura été condamné pour un crime ou pour une tentative de crime politique, ou pour un fait connexe à un crime politique, l’extradition ne sera pas accordée. »

L’extradition de ces Haïtiens inculpés dans l’assassinat de Jovenel Moïse vers les États-Unis sont contraires à la Constitution de 1987 et les lois du 27 août 1912, du 19 juin 2001 et du 21 février 2001 – lesquelles lois traitant de l’extradition et précisant les procédures à suivre pour extrader un individu -, c’est-à-dire, sans aucune procédure de demande et d’instruction judiciaire par la justice haïtienne pour statuer sur l’opportunité ou non d’agréer la demande d’extradition.

Face à un tel comportement des États-Unis d’Amérique, ce sera toujours aux autorités compétentes et conscientes en Haïti de ne pas violer leur Constitution et de décider de l’opportunité et de la possibilité de répondre positivement ou non à une demande d’extradition d’un citoyen haïtien. Car notre Justice ne peut que perdre de son indépendance et par conséquent de sa crédibilité aux yeux de l’étranger, ce qui menace notre souveraineté.

                                                                                     Max Wood Cangé, Avocat 

[email protected]

Adblock Detected

Please consider supporting us by disabling your ad blocker