18 mai, est-ce devenu simplement une date dans l’histoire du pays ?

Comme tous les 18 mai, Haïtiens et Haïtiennes célèbrent la création du drapeau. Créé en 1803, il a été adopté dès 1820 et officialisé en 1843. Le bicolore, rouge et bleu, organisé en deux bandes horizontales, avait été remplacé par un drapeau rouge et noir sous la dictature des Duvalier de 1964 à 1986. Près de 10 jours après le renversement de Jean Claude Duvalier en février 1986, les couleurs rouge et bleu ont été réhabilitées officiellement et confirmées par la constitution de 1987, avec les armoiries de la République qui sont : le palmiste surmonté du bonnet de la liberté et, ombrageant de ses palmes, un trophée d’armes avec comme légende : L’Union fait la Force
Pour un pays qui perd quasiment tous ses repères, que représente la pièce d’étoffe qui flotte tous les jours au mât des édifices publics ? Que signifie encore ce drapeau haïtien dont le 18 mai rappelle la création dans cette nation ? Quel est encore le symbolisme de cette date qui charie toute une bataille pour la liberté de l’homme noir, le nègre devenu Haïtien ? Sommes-nous en train de piétiner 220 ans d’histoire ? Sommes-nous conscients que nous périssons et notre histoire avec nous ? Le père Tyrolien eut à dire : « Ces êtres ne savent pas sur quelle terre ils vivent ». Connaissons-nous vraiment la valeur de ce coin de terre ?
Sommes-nous capables de saisir la profondeur de l’histoire du drapeau et prendre en compte l’impact que cela peut avoir sur la vie de chaque jour ? Comme le dit Winston Churchill : « Un peuple qui oublie son passé se condamne à le revivre ». Par delà du temps et l’espace, l’histoire du drapeau est symbolique et imprime l’empreinte même de notre identité. Toutefois, le drapeau est plus qu’un symbole. C’est l’indication d’une réalité collective beaucoup plus forte que l’idée de l’individualisme, car le bicolore peut représenter la conscience d’une identité nationale et d’une ère d’évolution.
Au fil des années, 18 mai semble n’avoir aucune valeur. Le pays est à genoux, la vie est pénible ; plus de parades dans les rues, on n’entend plus les hymnes à la liberté, plus de journée de réflexion sur le drapeau, c’est le chaos. Le bicolore, jadis considéré comme l’acte tangible de l’union sacrée des noirs et des mulâtres. Cet acte est aujourd’hui sans considération puisqu’à l’opposé, c’est la division des noirs et des mulâtres qui détruit le peu qu’il nous reste dans ce pays.
Alors que des gouvernements ne cessent de voir le jour, le pays, lui, demeure dans le noir. Ce n’est pas un secret de polichinelle, des hommes d’État font sans cesse des génuflexions, des courbettes, liquidant le patrimoine matériel et immatériel du pays aux oligarques et aux néocolons pour préserver leur pouvoir. À quelle fin et pourquoi faire ? Sinon que pour s’enrichir sur le compte du peuple par tous les moyens. Semant la terreur, distribuant des armes dans tous les quartiers populaires à des jeunes dépourvus de bon sens, les incitant à mener diverses actions cruelles jusqu’à l’éventualité d’une guerre civile pour assouvir leur soif de pouvoir.
Aujourd’hui, 18 mai 2023, par sa désinvolture, sa nonchalance, le gouvernement d’Ariel Henry et ses ouailles ont agrégé tous les ingrédients pour une guerre civile sur la terre de Dessalines, de Capois, de Christophe et de tous les autres, ceux-là même qui ont donné leur vie pour nous léguer cette terre. L’entêtement du gouvernement à se rendre dans la ville du Cap-Haïtien, pour aller fouetter l’orgueil christophien, celui-là même qui avait déclaré : « Je ne vous livrerai la ville du Cap que lorsqu’elle sera réduite en cendres et, même sur ses cendres, je vous combattrai encore ». Après avoir distribué de grandes sommes d’argent aux bandits de tout acabit, bandits à sandales et à cravate, Ariel, selon plus d’un, ne devait pas aller là-bas pour encore souiller le symbolisme du 18 mai.
Alors que les vraies valeurs s’effritent, le bicolore, lui, doit rester le symbolisme le plus significatif. Le plus significatif pour montrer que nous sommes encore un peuple libre qui prône l’unité nationale. Une révolution de la pensée pour faire le dépassement de soi et prouver que « l’union fait la force » peut aboutir encore à une autre victoire sur tout ennemi intérieur et extérieur. Que les ennemis de la nation s’en souviennent et se le remémorent, les ténèbres de l’insulte reculent toujours devant le soleil du renouveau ! Le drapeau peut tomber, des hommes peuvent fléchir, des enfants peuvent périr, mais Haïti renaitra de ses cendres et il y aura toujours d’autres bras, toujours plus forts, plus musclés pour saisir le flambeau, redresser le mât, et planter l’espoir et la victoire au cœur des espaces de rédemption