Haïti

Le suicide dans le vécu haïtien, études, constats et faits

Pour une tentative de définition, le suicide est, selon le sociologue Français Émile Durkheim, tout cas de mort qui résulte directement ou indirectement d’un acte positif ou négatif, accompli par la victime elle-même, et qu’elle savait devoir produire ce résultat. La tentative, c’est l’acte ainsi défini, mais arrêté avant que la mort en soit résultée. Le suicide peut être considéré aussi comme une énigme pour les proches de celui qui passe à l’acte comme pour la société. Celui qui met fin à ses jours interroge tout son entourage, que soient présentes ou non des causes identifiées, qu’il ait manifesté ou non préalablement des signes de souffrance, de dégoût de la vie ou de folie.

L’OMS a publié un rapport en 2014, dans lequel il explique que chaque année environ 800 000 personnes se suicident dans le monde. Pour ainsi dire, le suicide est la dixième cause de décès dans le monde. Toutefois, il faut comprendre que le suicide interroge la société, puisque, discret ou ostentatoire, il attente à ce qui fait le lien social, comme l’attestent les rites qui suivent la découverte d’un suicidé dans différentes sociétés. Durkheim distingue quatre types de suicide : le suicide égoïste, le suicide altruiste, le suicide anomique et le suicide fataliste, que malheureusement nous n’allons pas pouvoir développer.

Pour comprendre mieux l’idée qui se cache derrière le suicide, il faut considérer l’apport de Durkheim. Chaque société a, à chaque moment de son histoire, une aptitude définie pour le suicide. Chaque société est prédisposée à fournir un contingent déterminé de morts volontaires. Cette prédisposition peut donc être l’objet d’une étude spéciale et qui ressort de la sociologie. Notre intention n’est pas de faire un inventaire aussi complet que possible de toutes les conditions qui peuvent entrer dans la genèse des suicides particuliers, mais seulement de rechercher quelles sont celles dont dépend ce fait défini que nous avons appelé le taux social des suicides.

Selon l’avis de beaucoup d’observateurs, il existe une corrélation entre taux de suicide dans différents pays à certaines périodes et indicateurs sociaux et économiques se rapportant au niveau de richesse, aux classes sociales, aux cultures, aux pratiques religieuses, aux structures familiales, etc. Les individus qui composent une société changent d’une année à l’autre ; et cependant, le nombre de suicidés est le même, tant que la société elle-même ne change pas.

Par conséquent, puisque des actes moraux comme le suicide se reproduisent avec uniformité, nous devons admettre qu’ils dépendent de forces extérieures aux individus. Seulement, comme ces forces ne peuvent être que morales et que, en dehors de l’homme individuel, il n’y a pas dans le monde d’autre être moral que la société, il faut bien qu’elles soient sociales.

Diverses enquêtes ont montré que les causes de la conduite et du suicide sont variées. Comme tout autre comportement humain, il n’y a pas de cause unique dans le cas du suicide. Ainsi, divers facteurs peuvent pousser une personne à se suicider. Des facteurs tels que psychologiques, sociaux, biologiques, culturels, etc. Plusieurs fois, plusieurs de ces facteurs sont mélangés, ce qui place la personne dans un état vulnérable pour se suicider. Donc, s’il n’y a pas de cause ou de facteur spécifique qui mène au suicide, les personnes qui se suicident présentent souvent des caractéristiques similaires.

Ainsi donc, il est nécessaire d’observer chez une personne de notre entourage les élans de suicide comme quand
la personne parle de son envie de mourir ou de se suicider, il sent qu’il a un vide, il est sans espoir, il n’y a aucune raison de continuer à vivre, il a une douleur physique ou émotionnelle qu’il ne peut supporter, il pense que sa vie est un obstacle pour les autres, il nourrit l’idée de se venger de quelqu’un, une perte d’intérêt pour tout ce qu’il appréciait auparavant. Il Persiste dans les idées négatives, il prend ses distances sociales, il se tourne vers lui-même, il a des préoccupations excessives des soucis de la vie. Si on remarque ces choses chez quelqu’un, il est important de lui apporter son aide.

N’ignorez pas les sentiments de la personne, car souvent, la personne qui va se suicider connaît le plan avec quelques personnes. Mais parfois, nous ne les prenons pas au sérieux. Prenez toujours au sérieux les pensées suicidaires et les menaces de mort, surtout si vous savez que cette personne est déprimée ou fait face à des problèmes.

Autre chose, il faut l’écouter attentivement, car il y a des gens qui traversent une période difficile de leur vie. Ce dont il a besoin, c’est quelqu’un qui l’écoutera attentivement, qui ne jugera pas ses sentiments, ses émotions et sa vie. Il faut toujours considérer les idées suicidaires comme une demande de soutien, lorsqu’une personne choisit de mettre fin à ses jours, ce n’est pas ce dont elle avait vraiment besoin. Ainsi, lorsqu’une personne exprime son désir de se suicider, c’est un indicateur qu’elle se retrouve dans une impasse émotionnelle, elle ne sait pas quoi faire. Et c’est parce qu’il ne sait pas quoi faire qu’il commence à considérer le suicide comme la meilleure option.

Apprenez à encourager ces gens à rechercher un soutien professionnel s’il y a parfois des cas qui apparaissent de manière inattendue, comme celui du jeune Karl-Ludson Azor, âgé de trente (30) ans, qui s’est donné la mort en s’immolant par le feu en face du monument de Vertières, dimanche 21 mai 2023. Mais dans d’autres circonstances, beaucoup de suicides sont prémédités. En ce sens, après avoir apporté un premier soutien à cette personne, incitez-la à consulter un professionnel de la santé mentale, surtout s’il s’agit d’une personne déprimée ou si elle est aux prises avec d’autres soucis psychologiques.

Hélas, pour l’année 2023, au moins 4 cas de suicide ont été enregistrés en Haïti. Malheureusement, les victimes sont tous des jeunes. Rappelons que le 5 juin dernier, l’étudiante en science juridique Danaïka Duplan s’est donnée la mort en sa résidence privée. Le dimanche 21 mai 2023, un jeune garçon, âgé de 30 ans répondant au nom de Karl-Ludson Azor, s’est donné la mort en s’immolant par le feu en face du monument de Vertières, Le 31 mai 2023, Gji, ainsi connu, s’est donné la mort par pendaison dans la localité de “Ba Simityè”, Trou-du-Nord. Ralph Beaubrun âgé de 21 ans, a été découvert pendu à un arbre à Saut-d’Eau, le jeudi 25 Août 2022. Alors que le 14 mars dernier, le nommé Tolo a été retrouvé mort pendu, ainsi que ses deux filles, âgées de 10 et 8 ans, dans la soirée du samedi 13 au dimanche 14 mars, à Common, localité de Blaise, cinquième section communale de Petit-Goâve.

Mais que c’est-il passé en Haïti, pour qu’il y ait autant de suicide ? De toute l’histoire du pays, on en parlait peu, car le suicide ne faisait pas partie de la culture haïtienne dans la mesure que les Haïtiens sont des battants, ils sont habitués à vivre dans de pires circonstances, sous haute pression. Pour eux, la souffrance, la misère, la maladie, la mort, la pauvreté sont des collègues qu’ils rencontrent chaque jour au bord de cette route combien difficile qu’est la vie. Donc se donner la mort n’était pas nécessaire puisqu’ils savent que mourir est plus facile que vivre. Aujourd’hui, le suicide semble devenir une réalité qui résulte dans le vécu du quotidien haïtien. La grande question est comment freiner cette machine qui vient tout juste de démarrer?

Adblock Detected

Please consider supporting us by disabling your ad blocker