
L’obésité et le surpoids sont de plus en plus présents dans notre société. Les conséquences sont importantes surtout pour les femmes. Celles qui sont touchées souffrent du regard des autres et de la dictature de la minceur. Elles vivent souvent un enfer dans leur corps, mais aussi dans leur tête.
Il est 5h du matin. On est à Pernier, une région de la commune de Pétion-Ville, sur l’une des innombrables collines qui rôdent autour d’elle. Marta s’apprête à parcourir une centaine de mètres pour accéder à la station. Le ciel rutile encore d’étoiles. Le scintillement des astres est toujours visible. Les pas saccadés de Marta avec son poids ajoutés aux chants sporadiques des coqs de la zone déchirent le silence de l’atmosphère.
20 minutes de marche, Marta arrive à la station avec son indice de masse corporelle de 31 kg/m2. Elle semble avoir à peu près 25 ans. Ses cheveux sont attachés en un chignon lâché sur sa nuque. Son poids est mis en valeur dans ce fameux corsage blanc et ce jean bleu déchiré. De son propre aveu, elle ne porte jamais de talons, de jupe ou de robe.
Comme l’exige le code de communication piéton-chauffeur, Marta lance sa main pour demander à un conducteur de s’arrêter. Les camionnettes se succèdent. Hélas !!! Aucun véhicule ne s’est arrêté. Marta est plutôt huée par les chauffeurs. « Ils trouvent que je suis trop grosse », nous confie-t-elle avec la gorge nouée.
Impatiente, Marta se rend vers une station de moto de peur d’être en retard dans son travail qui se trouve à Delmas 65. Gentiment, elle s’adresse à un motocycliste pour lui demander de le déposer. « Le prix du trajet est de 400 gourdes. Vous devez me payer le double. La pression de votre poids sur le moteur fera dépenser plus d’essence à la motocyclette », lui répond le conducteur qui pose ses conditions. Bien qu’elle soit pressée, Marta ne peut se plier à cette exigence. Sa bourse ne contient que 200 gourdes.
Elle s’est retournée, espérant qu’un chauffeur de camionnette fera montre d’un peu de compassion. Finalement, son heure est arrivée mais pas à n’importe quel prix. Marta doit payer le double du trajet et s’asseoir près du chauffeur.
En Haiti, le calvaire des femmes obèses ne date pas d’hier. Comme Marta, elles sont humiliées et insultées dans la rue à cause de leur surpoids. Même enfants, celles dont les courbes sont un peu trop prononcées par rapport aux standards de beauté de notre époque n’echappent pas aux moqueries des gens. Elles subissent les affres de la stigmatisation dès l’école primaire.
Pamela a 10 ans. Elle fréquente un collège à Port-au-Prince. Elle est souvent exclue des jeux dans la cour de récréation, des équipes en classe, des fêtes d’amis. « C’est un peu dur pour moi parfois. Ils sont très peu à vouloir être mes amis. Il y a souvent ces regards avec dédain qui me font peur. Pour me mettre loin des regards, j’aime rester souvent au fond de la classe. J’explique souvent tout à mes parents. Généralement, ils me demandent de tout surmonter », confie Pamela, élève de 5e année fondamentale.
Certaines femmes ont choisi de partager avec nous leur calvaire sans enregistrer leur voix et sous le couvert de l’anonymat. Elles se plaignent d’être la cible de fétichistes qui rêvent juste d’« essayer une grosse », comme si elles étaient un « manège », ou de recevoir des demandes sexuelles dégradantes.
Les maladies jamais trop loin
L’obésité dégrade considérablement la qualité de vie d’un individu adulte et peut avoir de graves conséquences sur sa santé : une augmentation des risques de maladies cardiovasculaires ; une réduction de l’espérance de vie ; un risque accru de souffrir de diabète, d’hypertension artérielle, du cancer du côlon ou encore du sein.
Selon le médecin Julien Joseph, la perte de poids grâce à une alimentation saine est le principal moyen de lutte contre le surpoids et l’obésité. « La perte de poids doit s’effectuer de manière raisonnée ; une alimentation équilibrée et une pratique sportive régulière permettent de maigrir de façon progressive sans mettre en danger physique et psychique de la personne concernée », explique-t-il.
Selon le médecin, d’autres solutions peuvent entrer en ligne de compte comme le traitement de l’obésité par la chirurgie ou grâce aux médicaments.
Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), être obèse, c’est quand l’indice de masse corporelle (IMC), calculé en divisant le poids en kilos par la taille en mètre au carré, est de 30 ou plus. Et cette catégorie considérable de la population est quotidiennement victime de toutes sortes de discriminations sous le silence complice de la société.