Les Haïtiens sont-ils oubliés de Dieu ?
Victimes de leurs propres croyances et traditions politiques, les Haïtiens ont toujours vécu dans des conditions miséreuses et humiliantes. Alors que les masses défavorisées sont délaissées, abandonnées à leur sort, une minorité de privilégiés d’hommes et de femmes politiques et du secteur des affaires accaparent toutes les ressources du pays et règnent comme des dieux.
Voltaire disait : “Si Dieu n’existait pas il faudrait l’inventer”. Un Dieu sur qui à l’époque Voltaire pouvait compter, un Dieu qui sans doute écoutait les cris de son peuple et intervenait quand celui-ci avait besoin de lui. Un Dieu matériel qui inspirait son pays, le guidait vers le développement et l’évolution. C’est à peine croyable que nous, les Haïtiens, croyons en ce Dieu, car les conditions de vie en Haïti sont absolument insupportables.
“Vox populi vox Dei”, une expression latine pour dire “la voix du peuple est la voix de Dieu”. Jusque-là, le peuple haïtien (les éternels exclus), malgré les hurlements à gorge déployée, n’est pas entendu. Il semble que Dieu ait perdu sa propre voix en écoutant les cris incessants et désespérés des Haïtiens. Un peuple qui souffre d’une douleur sans pareil, humilié, maltraité, rejeté, a-t-il un Dieu qui se soucie de lui ?
Ce peuple arrive à un carrefour où chaque individu se demande si ce n’est pas une malédiction d’être né en Haïti. Ou s’il existe un Dieu pour les blancs et un Dieu pour les Haïtiens. Massillon Coicou l’avait déjà ressenti dans son texte “Complaintes D’esclaves” :
Pourquoi donc suis-je Nègre ?
Oh ! Pourquoi suis-je noir ?
Lorsque Dieu m’eut jeté dans le sein de ma mère,
Pourquoi la mort jalouse et si prompte au devoir n’accouru-t-elle pas l’enlever de la terre ?
Un cri de regret avait déjà été lancé par les anciens comme si être né en Haïti était l’équivalent de la mort. À la question si nous sommes oubliés de Dieu, le poète Massillon Coicou se positionnait déjà : « Où donc es-tu, toi-même ? On m’a dit que, d’en bas,
Lorsqu’une âme qui prie est souffrante et sincère,
vers toi qu’on nomme, ô Dieu ! Peut monter sa prière :
Et tu n’entends pas!..
La prière du nègre (Haïtien) a-t-elle moins de charmes ?
Ou n’est-ce pas à toi que s’adresse ses larmes? »
Si nous sommes responsables de la violence que nous nous infligeons les uns aux autres. Néanmoins, nous avons été manipulés et poussés à nous détester, et à vivre comme des brebis au milieu des lions. Nous sommes un peuple indépendant depuis plus de deux cents ans et pourtant, nous sommes incapables de nous occuper de nous-mêmes.
Nous avons longtemps tout abandonné, cessé de nous battre pour nous-mêmes ; en revanche, nous nous battons contre nous-mêmes. Nous nous sommes laissés manipuler, diriger par ceux-là même que nous avions chassés de notre territoire, devenus aujourd’hui maîtres de notre destin. Pourquoi sommes-nous abandonnés de Dieu alors que le pays sombre dans le chaos, la misère bat son plein, les bandits reprennent du terrain après l’intermède “Bwa kale” ?