Sept ans plus tard, un rescapé du cyclone Matthew témoigne

La saison cyclonique est toujours en cours en Haïti. Même si pour cette année les dégâts sont insignifiants, la population se doit de rester en alerte, car à tout moment la situation peut changer. Haïti et les cyclones, ça s’apparente à une longue histoire, le plus souvent marquée par la tristesse. Gonaïves s’en souvient. Le grand Sud s’en souvient aussi.
Il y a sept ans, le cyclone Matthew a dévasté le Sud d’Haïti, laissant derrière lui un tableau de destruction et de désolation. Parmi les zones les plus touchées, le département des Nippes a été frappé de plein fouet par la furie de ce cataclysme. Aujourd’hui, nous vous livrons le témoignage poignant d’un rescapé de Plaisance-du-Sud, habitant un petit village niché au sommet de la montagne Mingot.
Pour rejoindre ce rescapé qui a souhaité préserver son anonymat, il a fallu parcourir un chemin ardu de deux heures, escaladant les pentes escarpées de cette montagne. L’histoire qu’il a partagée est à la fois déchirante et inspirante, un récit de résilience face à la nature déchaînée.
Plaisance-du-Sud, comme de nombreuses localités de la région, a été durement frappée par Matthew. Près de 300 habitants de la montagne Mingot se sont retrouvés abandonnés à eux-mêmes, cherchant refuge dans des endroits improbables tels que des caveaux vides ou des grottes pour échapper à la violence des vents dévastateurs.
Pensif, le cinquantenaire assis sur une chaise en paille installée dans la large galerie de sa maison, la seule ayant résisté aux vents selon ses dires, raconte avec amertume cette tragédie comme si tout s’est passé hier. « Ici, il fait souvent froid à cause des nordés qui arrivent de la mer des Barradères et celle des Cayes. Les vents arrivent de tous côtés, impossible pour nous de nous protéger. », affirme-t-il.
Après le passage du cyclone, la situation est devenue encore plus précaire pour ces habitants isolés en raison de leur localisation difficile d’accès. Ils n’ont pas pu bénéficier des aides destinées aux sinistrés, laissant derrière eux leurs cultures et leur bétail ravagés. « Nous avons tout perdu. Nos bêtes. Nos cultures. Il était difficile pour nous de trouver quelque chose à mettre sous la dent. Nous nous nourrissions de patate douce et de giraumon qui poussait comme par magie sur toutes nos parcelles. À un moment donné, à force de trop consommer la patate douce, nous avons eu mal à l’estomac comme si quelque chose roulait là-dessus. » déplore-t-il.
La résilience des habitants de Plaisance-du-Sud est un exemple remarquable. Après la catastrophe, ils ont survécu en se nourrissant de patate douce et de giraumon, une courge dont l’apparition et la croissance semblaient presque miraculeuses, poussant à profusion là où auparavant seuls quelques paysans en cultivaient. Ces aliments leur ont permis de subsister dans des conditions difficiles.
Malgré ces sept années passées depuis le cyclone Matthew, les conséquences de ce désastre se font encore lourdement sentir. Certains paysans ont réussi à se relever et à reconstruire leurs vies, mais d’autres ont perdu espoir et n’ont jamais pu se remettre des ravages de la tempête.
« Nous avons maintenant peur de la pluie, surtout si elle persiste. Le moindre coup de vent nous alerte et ravive nos blessures. Pas un seul jour l’État ne nous est venu en aide. Les autorités de la ville ont détourné la plupart des aides, octroyant une partie aux résidents de la plaine. », avance-t-il en pensant qu’un jour les habitants de la montagne seront traités au même titre que ceux de la plaine.
Ce témoignage rappelle l’importance de la résilience et de la solidarité dans des moments de grande détresse. Il est également un rappel de la nécessité de préparer et d’apporter un soutien continu aux communautés vulnérables face aux menaces climatiques de plus en plus fréquentes et intenses. Les habitants de Plaisance-du-Sud nous montrent que, même dans les pires moments, l’humanité peut trouver la force de persévérer.