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Ronald Gabriel, un parcours remarquable

Au cours de la cérémonie de collation de grades tenue le vendredi 25 août 2023, l’Institut des sciences, des technologies et des études avancées d’Haïti (ISTEAH) a décerné un doctorat honoris causa à l’économiste Ronald Gabriel, considéré comme une personnalité ayant un parcours remarquable qui puisse servir de modèle à la société haïtienne et à la communauté universitaire en particulier.

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Il revenait au président de l’ISTEAH, le Dr Samuel Pierre, de présenter la biographie et les contributions de Ronald Gabriel qui font de lui une personnalité inspirante ayant fait preuve de « vision, de constance, de persévérance, d’opiniâtreté et surtout de compétence dans ses différentes fonctions » tout au long de sa carrière.

Ronald Gabriel est actuellement directeur général de la Banque de la République d’Haïti (BRH). Il est un amoureux des chiffres et était destiné à travailler dans la sphère économique. En effet, après des études en comptabilité et un diplôme d’études supérieures au Centre de Techniques, de Planification et d’Économie appliquée (CTPEA) de l’Université d’État d’Haïti, il s’est dirigé vers l’Université de Montréal où il a obtenu sa maîtrise en sciences économiques. Depuis, il n’a jamais trahi ses premières amours et n’a travaillé que dans le secteur économique. Mieux, il s’est concentré sur un secteur spécifique: le secteur bancaire dont il a aujourd’hui une fine connaissance. « Depuis 33 ans, il contribue, avec passion, au développement de la Banque de la République d’Haïti où il offre ses services », a indiqué le Dr Samuel Pierre.

Au cours de cette longue période, il a été, durant douze ans, économiste en chef de la BRH, ce qui lui a permis d’enrichir ses connaissances et sa pratique en matière d’analyse macro-économique, de politique monétaire, de finances publiques et de politiques publiques. À titre de responsable du département de la recherche, il a coordonné et participé aux principales publications de la banque centrale.

Des contributions multiples

Parmi ses principales contributions, le Dr Samuel Pierre cite, entre autres, le Cahier de recherche de la BRH, le Capital humain comme levier de développement, une ligne de force dans l’action de la BRH, le Rapport annuel de la BRH, la Note de politique monétaire, l’Agenda monétaire pour la croissance et l’emploi qui sert, depuis sept ans, de cadre de référence pour les politiques, interventions et actions de la banque des banques. On peut aussi ajouter sa participation à la création du site Internet de la BRH en 1999 avec ses collègues Jerry Jacquet et Ralph Noël, sans oublier son initiative de monter un cours d’économie pour les journalistes. Il est aussi à l’origine de BRH Mobile, une application mobile d’éducation économique et financière disponible sur IOS et Android pour le grand public.

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Ronald Gabriel avait aussi le mandat de coordonner les travaux de l’équipe technique qui conduit les discussions sur les programmes économiques et financiers avec le Fonds monétaire international (FMI) et le suivi de leur mise en œuvre au nom de la BRH. Il a été nommé, en 2014, coordonnateur du Comité de politique monétaire où il a joué un rôle de premier plan dans la modernisation de la gouvernance de ce comité en restructurant l’organisation et le processus décisionnel.

Un an plus tard, en 2015, il a été appelé à assumer de plus lourdes responsabilités en accédant au conseil d’administration de la BRH avec un mandat supplémentaire, celui de coordonner l’Institut de formation de la banque centrale (IFBC) qui s’occupe de la formation continue des cadres et du programme des lauréats. Ce programme vise à assurer la qualité et l’excellence académique de la relève au sein de la BRH. Il devait alors gérer les partenariats de l’IFBC avec diverses institutions nationales et internationales.

Ronald Gabriel est décrit par le président de l’ISTEAH comme un « homme de vision, de réflexion et d’action, conscient de l’importance de la science et de la recherche dans la résolution des problèmes du pays ». Justement, avec l’approbation du conseil d’administration de la BRH, il a créé, en 2019, le Fonds BRH pour la recherche et le développement, un outil d’accompagnement essentiel pour les universités et les chercheurs du pays. Le succès des deux journées scientifiques tenues au cours du mois de mai 2023 est encourageant et laisse espérer un avenir prometteur pour ce fonds et surtout pour la recherche scientifique en Haïti, croit M. Gabriel.

Toujours en 2019, M. Gabriel a été promu au poste de directeur général de la BRH. Malgré ses nombreux mandats et leur complexité, il n’hésite pas à jouer d’autres rôles au FMI à titre de conseiller du directeur exécutif pour le Brésil, responsable de la circonscription dont fait partie Haïti. Parallèlement, il confirme avoir trouvé du temps pour donner des consultations à des organismes internationaux, enseigner à l’Université d’État d’Haïti, prononcer des conférences et animer des séminaires dans différentes universités, écoles supérieures et centres techniques du pays.

En examinant son parcours comme directeur général de la BRH, l’ISTEAH reconnait que son dynamisme et sa sensibilité aux problèmes du pays datent de sa jeunesse, tout en soulignant brièvement deux faits marquants. Tout jeune, il a été secouriste à la Croix-Rouge haïtienne en vue d’aider ses prochains. En 2003, il a cofondé l’Organisation pour le développement durable d’Haïti (ODDH) qui prônait la protection de l’environnement et l’assistance sociale. Outre son parcours académique, il a donc toujours fait preuve d’une implication sociale significative.

Il a aussi démontré son ouverture d’esprit en s’adonnant au bénévolat à sa sphère d’activité professionnelle. Aussi a-t-il été membre du Conseil des amis de l’Orchestre philharmonique de Sainte-Trinité. D’ailleurs, à ses heures libres, il égrène quelques gammes musicales sur son violon. Depuis 2017, il est le représentant pour Haïti de l’Unesco « Center for Global Friendship » basé aux États-Unis d’Amérique qui fait la promotion de la culture à travers la lecture et aide à installer des bibliothèques dans des zones défavorisées de certains pays de l’Amérique latine et de la Caraïbe.

M. Gabriel maîtrise les différents aspects du système bancaire financier grâce à la diversité et à la complexité des multiples mandats qu’il a remplis à la banque centrale. Il s’attelle à contribuer autant à la modernisation du système bancaire haïtien qu’à la conception et à la promotion de programmes nationaux de soutien au développement économique tout en faisant la promotion de l’émergence d’une nouvelle classe d’entrepreneurs en Haïti.

Fidèle à la BRH

Ronald Gabriel a su rester fidèle à l’unique domaine de l’économie qui est le sien et dans une seule institution : la BRH. Il y a alors développé un niveau d’expertise enviable. Il fait aujourd’hui partie du cercle des meilleurs experts du système bancaire haïtien, reconnait l’ISTEAH. « Il est donc comme les grands vins du monde, longuement vieillis en fûts, qui sont recommandés par les sommeliers et qui sont grandement appréciés des plus grands connaisseurs », poétise Samuel Pierre. Le parcours exceptionnel de ce pionnier qu’est Ronald Gabriel, poursuit le président de l’ISTEAH, est le reflet fidèle de ses qualités. Parmi ces qualités, il cite « la compétence, la constance, la persévérance, l’opiniâtreté, le tact, la réflexion et la vision qui ont contribué à faire de lui un beau modèle à offrir aux professionnels, à la jeunesse haïtienne, particulièrement aux jeunes universitaires du pays. »

C’est pour toutes ces réalisations et qualités remarquables que l’ISTEAH a décerné, en date du 25 août 2023, ce doctorat honoris causa à Ronald Gabriel, a conclu Samuel Pierre.

Dans sa prise de parole, Ronald Gabriel a avoué avoir ressenti rarement autant de plaisir à délivrer un discours de circonstance puisqu’il s’agit d’une occasion unique dans sa vie professionnelle marquée par l’intérêt pour les questions académiques et l’obligation de résultats du praticien. « L’émotion que je ressens cet après-midi me ramène à 28 ans en arrière au moment où j’ai dû me résoudre à respecter l’obligation de réintégrer les rangs de la banque centrale par rapport à l’envie manifeste que j’avais de poursuivre des études de troisième cycle au terme de mes études de second cycle en économie et finance à l’Université de Montréal. La seule consolation que j’avais fut de retourner travailler à la Direction de la Monnaie et l’Analyse économique qui foisonnait d’une intense ambiance de réflexions où la rigueur des arguments ne cédait en rien à la faisabilité des politiques publiques qui s’y attachaient », a déclaré le directeur général de la BRH, visiblement ému.

Il a eu une pensée spéciale pour les collègues avec qui il a vécu « ces moments heureux quoique ardus, de prise de décisions où il fallait souvent ramener à la raison des faits la rigueur des curiosités théoriques selon une double démarche académique et praticienne. Ce qui porte à penser que l’optimalité en matière de politiques publiques tient à la fois du savoir et du savoir-faire. C’est ce à quoi je convie, obstinément, les générations plus jeunes de décideurs pour les conduire à situer le compromis toujours utile entre le corset des paradigmes et la flexibilité de l’éclectisme. Le premier amplement acquis à une logique de cohérence interne bâtie autour de modèles dépouillés de scories. Le second nécessairement acquis aux impératifs de cohérence externe par rapport à une réalité mouvante et multiforme. »

La raison de cette obstination, avoue Ronald Gabriel, est simple: « adapter les modalités de décisions à des conditions, généralement, de second ordre. Cette raison participe pourtant de cette complexité qui trouve son pendant dans le sujet même de sa démarche et qui n’est autre que l’humain en société. » Il a mis l’accent sur les besoins urgents et massifs, en quantité et en qualité, de formation académique, scientifique, technique, éthique et technologique, dans une société en proie à une forte décroissance économique par tête d’habitant.

Le directeur général de la BRH croit qu’il faut faire vite et bien dans le domaine du capital humain en Haïti qui ne s’accommode point de génération spontanée. Mais, poursuit-il, ce ne sera pas la quadrature du cercle si l’on y met le niveau nécessaire de volontarisme individuel, collectif et institutionnel. Agir vite et bien en vue d’enrayer la misère et empêcher que les phénomènes de pauvreté ne détruisent totalement la proximité avec la nature et nous fassent perdre cette forme de dotation naturelle.

Pour ce faire, il invite à travailler à l’éclosion d’un lendemain meilleur en Haïti en continuant à former, à comprendre, à encadrer et accompagner les étudiants, à créer et favoriser l’émergence de modèles inspirants, à promouvoir la production et la recherche scientifiques pour la compréhension des phénomènes de société et la construction de meilleurs outils d’aide à la décision pour des solutions optimales aux nombreux maux haïtiens.

Thomas Lalime

[email protected]

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