Fête des morts : un premier novembre au cimetière de Port-au-Prince

La fête des morts est une coutume honorant les morts, commune à plusieurs cultures. En Haïti, cette fête typiquement vaudou est célébrée tous les 1er et 2 novembre sous forme de « Gede ». Dans des cimetières à travers le pays, plusieurs centaines de personnes viennent habituellement saluer leurs proches défunts, nettoyer leurs caves et faire une demande aux « Bawon ». Au grand boulevard des allongés de Port-au-Prince ont eu lieu, ce mercredi 1er novembre 2023, des spectacles assurés par des vaudouisants comme à l’accoutumée. Et malgré tous les problèmes que connaît la population haïtienne et les tirs nourris qui résonnaient autour, les pèlerins ont tenu à honorer ce très symbolique rendez-vous annuel.

Au cimetière de Port-au-Prince, comme d’habitude, les gens venaient visiter les morts. À l’entrée principale, au dessus de la barrière, ce petit rappel les accueillait : « Souviens toi que tu es poussière ». Contrairement à l’année précédente, il n’y avait pas de stands ni de bandes musicales sur les lieux à notre arrivée, mais cela n’empêchait pas que les tubes vaudou tournaient en boucle dans les récepteurs radio portables des visiteurs. Beaucoup de gens se massaient à l’entrée de la deuxième barrière, bougie en main, faisant leurs vœux. Vaudouisants, fêtards et simples curieux sillonnaient les lieux, buvaient du tafia et fumaient. C’était le jour des défunts. Des marchands exposaient leurs différents produits, bougies, clairin, allumettes, poudre, fritures, boissons gazeuses, entre autres, pour répondre aux besoins des gens sur place.

C’était tout un rituel, en ce jour spécial pour les religieux du Vaudou. Dans le carrefour à l’intérieur du cimetière, on pouvait voir plus d’une dizaine de personnes massées devant un personnage amputé d’une jambe, bougie en main, ils jetaient du clairin et du café par terre en payant dans un récipient, un « kwi » (en créole), le maître du Carrefour (Mèt Kafou a). Ils se parlaient et parlaient aux invisibles. « Moun yo ap liminen ». Ils chantaient et tombaient en transe. D’autres déposaient des gerbes sur des caveaux ou réparaient une tombe. La plupart venaient remercier les esprits, d’autres venaient pour formuler des requêtes aux morts. Les Barons aspergés de poudre et de clairin. Banane, pois, riz, igname, tchaka, cassave, pain, café logeaient l’espace. D’autres allumaient des bougies, fumaient une cigarette et lui adressaient des prières : « Bawon kriminèl men mwen wi, di yon mo pou mwen non, m pa kapab ankò non », adressait un jeune homme à la croix qui symbolise « Bawon Kriminèl ».

Malgré les rafales d’armes automatiques dans les parages, à l’intérieur du cimetière, des gens vêtus de blanc, noir et autres couleurs, allaient et venaient, ils investissaient la demeure de leurs proches défunts. Certaines femmes portant fièrement leur robe blanche, des hommes, eux, tout en noir, chapeau noir, foulard violet au cou, à l’instar de « Bawon Lakwa ». En dépit de la montée en puissance de l’insécurité dans la ville de Port-au-Prince, des détonations à Carrefour-Feuilles, non loin du cimetière, ils ont fait le déplacement pour venir saluer la mémoire de leurs proches disparus. Pour eux, célébrer la fête des morts est un rendez-vous à ne pas rater.
