« 1964 : Simityè Kamoken » fait son chemin dans le Festival Quatre Chemins. Ce film qui met à l’écran les traces du massacre des forces gouvernementales de François Duvalier contre les populations paysannes du Sud-Est en 1964, a été projeté, lundi 27 novembre 2023, au Centre Culturel Caraïbes, dans le cadre de la 20e édition du Festival Quatre Chemins devant un public composé majoritairement de jeunes.
En effet, ce documentaire retrace l’histoire du massacre qui a eu lieu en 1964 contre les paysans du Sud-Est et sur tout le tracé suivi par les rebelles, à Belle-Anse et Forêt-des-Pins. À partir des enquêtes menées sur le terrain, témoignages à l’appui, la réalisatrice met à l’écran le massacre de l’été 1964 dans le Sud-Est. Avec ce film, Rachèle Magloire dit tenter de lever le voile sur ce crime odieux qui n’a jamais été rapporté.
L’année 1964 a vu François Duvalier se proclamer président à vie de la République d’Haïti. « Il a éliminé l’opposition politique, les mouvements sociaux, syndicaux et paysans. Toutes les formes d’expression ou d’association sont interdites… Fred Baptiste, commandant des Forces Armées Révolutionnaires, dirige un commando d’une trentaine d’hommes pour débarquer en Haïti, lancer l’avant-garde d’une guérilla dans les montagnes et renverser la dictature… Ils sont poursuivis par les forces gouvernementales, monitorées par les services secrets américains, parfois acclamés par l’opposition. Mais ce qui n’a jamais été rapporté, ce sont les massacres qu’ont perpétrés les forces gouvernementales contre les populations paysannes sur tout le tracé suivi par les rebelles. Des centaines de personnes ont été tuées et jetées dans des fosses éparpillées entre la ville côtière où a eu lieu le débarquement et la forêt des pins où s’était établi ce petit groupe de guérilleros », se lit dans le synopsis du film.
Dans ce film, la réalisatrice revient sur ce massacre qui a eu lieu en juin 1964. Elle (la réalisatrice) donne à voir du lieu où se trouvent les fosses des gens tués. Les raisons de ce massacre ont été diverses. Si certains ont été tués pour avoir collaboré avec les rebelles, la majorite n’avait rien à voir avec cela, raconte la réalisatrice. Le téléspectateur visionne, la mort dans l’âme, cette route en terre battue menant au cimétière des Kamoken, un nom donné aux opposants du régime de Duvalier. Les fosses sont éparpillées çà et là sans aucune écritoire comme pour effacer la mémoire de ce massacre.
Dans ce long métrage (1h 40mns), les témoignages fusent. Racontant ce mois d’horreur, certains laissent voir encore la peur sur leurs visages. D’autres racontent avoir vécu pire. La salle est silencieuse. Une survivante du nom de Zeyla Madombe raconte qu’on a exécuté 47 membres de sa famille : enfants, sœurs, cousins, vieillards. Elle se souvient des noms de ses proches disparus. Un descendant des Madombe a dit grandir avec le sentiment qu’il est d’une famille maudite qui a subi une telle horreur avec 47 membres broyés par la machine répressive de Duvalier.
Caméra à l’épaule, la réalisatrice donne à voir ce lieu de mémoire. Elle montre le paysage de cette contrée. Elle interroge et cherche à installer une dynamique de réflexion individuelle et collective. Ce documentaire plonge le spectateur au cœur de ce crime ; des survivants évoquent des expériences douloureuses vécues sous la dictature. Les plus jeunes parlent de ce qu’ils ont appris de leurs parents. Ce massacre a marqué son territoire. Il laisse encore ses traces dans le Sud-Est.
« 1964 : Simityè Kamoken », un film qui tente de réveiller la mémoire collective sur cette tranche d’histoire méconnue du grand public. Dans ce documentaire, Rachèle tente de lever le voile sur cette période en utilisant le film comme prétexte. Il est aussi un film militant et engagé. C’est aussi un film hommage à la mémoire de ces hommes et femmes qui ont donné leur vie face à la montée en puissance du tyran Papa Doc. C’est aussi un film sur la mémoire. La cinéaste souhaite restituer ce pan de mémoire et redonner à ce fait une valeur mémorielle.