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La corruption, le point commun des gouvernements haïtiens

Les gouvernements d’Haïti ont tous un point commun : la corruption. Subséquemment, chacun essaie d’utiliser les moyens les plus perfides pour battre le record de corruption des administrations précédentes réunies. Même Léon Dumarsais Estimé n’a pas pu se démarquer des chefs d’État frappés par ce fléau.

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Après l’indépendance, les troubles politiques ont persisté à cause de ces dirigeants égocentriques qui cherchaient à s’enrichir aux dépens du peuple haïtien. C’est ainsi que les Christophiens et les Pétionistes ont assassiné le père de la patrie, contribuant à notre situation actuelle. Edmond Paul, dans son livre «Les causes de nos malheurs : appel au peuple», paru en 1882, souligne que la pauvreté en Haïti est principalement due à nos mauvaises pratiques de gouvernance et à l’incompétence de nos dirigeants.

Après l’assassinat de l’empereur Jean-Jacques Dessalines le 17 octobre 1806 et la bataille de Sibert en janvier 1807, l’instabilité politique avait commencé par marquer la société haïtienne. Suite à la mort d’Alexandre Sabès Pétion le 29 mars 1818, Jean-Pierre Boyer a pris les armes pour conquérir le Royaume du Nord dirigé par Henri Christophe et la Grand’Anse de Jean-Baptiste Goman. C’est une méthode qui, un peu plus tard, sera normalisée, dès lors, nous retrouverons une participation active de la communauté internationale dans le ravitaillement des groupes armés pour la conquête du pouvoir.

Sous le règne de Boyer, le plus grand scandale de corruption a éclaté lorsqu’il a décidé d’indemniser la France pour la reconnaissance de l’indépendance d’Haïti. Il entretenait une armée imposante et des fonctionnaires corrompus qui opprimaient la population rurale. Pendant sa présidence, les tensions entre les paysans noirs des campagnes et les mulâtres des villes se sont intensifiées. La corruption et la crise économique ont conduit à une rébellion en 1843, forçant Boyer à fuir en Jamaïque, puis en France.

Après le départ de Boyer, une forte rivalité a émergé entre les Cacos du Nord et les Piquets du Sud. Sous l’administration de Nissage Saget en 1874, les luttes intestines pour le pouvoir ont considérablement augmenté. De 1888 à 1915, ces conflits ont pris une nouvelle dimension. Tant la France que les États-Unis ont joué un rôle important dans la déstabilisation du pays. En 1888, une guerre civile a éclaté entre François D. Légitime, soutenu par Paris, et Télémaque Céide, appuyé par Washington. Les historiens les qualifient de «mariage de cœur et de raison». À la mort de Télémaque Céide en septembre 1888, ses partisans sont désarmés et renvoyés dans le Nord. Mais, Washington n’avait pas dit son dernier mot !

Des navires américains sont rapidement arrivés auprès de Florvil Hyppolite sur la route de l’Arcahaie prolongeant la côte, lui fournissant des armes, des munitions et de l’argent en abondance pour l’aider à reprendre le pouvoir en échange du Môle Saint-Nicolas. Après avoir déclenché les hostilités contre Légitime, qui a dû s’exiler face à la défection de ses troupes, Hyppolite est devenu président le 17 octobre 1889. Malgré son régime tyrannique, il n’a pas pu remplir sa part de l’accord avec Washington, car Antenor Firmin, secrétaire d’État aux Relations extérieures à l’époque, avait refusé de le céder aux Américains en invoquant la Constitution d’Haïti «interdisant l’aliénation de toute portion du territoire».

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Les affrontements ont repris entre 1911 et 1915, marquant une période sombre. Comme l’a dit Montesquieu, «Les mêmes faits produisent les mêmes effets dans les mêmes circonstances», ce qui a conduit à l’occupation américaine. Pendant près de 19 ans d’occupation, les administrations politiques de Sudre Dartiguenave, Louis Borno, Eugène Roy et Sténio Vincent ont vu une montée de la corruption administrative sous l’influence américaine. C’est ainsi qu’ils ont incité Élie Lescot à leur octroyer plus de 130.000 hectares de terres pour la culture du caoutchouc pendant la 2de Guerre mondiale en 1945.

Le gouvernement de Léon Dumarsais Estimé n’a pas réussi à se distinguer des dirigeants corrompus malgré son caractère progressiste. Ses réalisations étaient si remarquables que même la fusion de toutes les administrations haïtiennes ne peuvent rivaliser les quatre ans de son administration. Cependant, il manquait de courage pour lutter contre la corruption et a tenté de prendre un 2d mandat, suivant ainsi le chemin de ses prédécesseurs. Paul Eugène Magloire lui a succédé en 1950 dans des circonstances électorales douteuses et instauré un régime dictatorial. Après le détournement de fonds destinés à la population après le cyclone Hazel en 1954, les Haïtiens se sont révoltés, menant à la démission de Magloire suite à trois jours de grève lancés par la chambre du commerce les 10, 11 et 12 décembre 1956.

Après cela, le régime duvaliériste a émergé, avec les redoutables Volontaires de la sécurité nationale, (les Tonton Macoutes), créés par François Duvalier, surnommé Papa Doc. Il a dissous le parlement le 8 avril 1961 et détourné d’importantes ressources de l’économie nationale, entraînant une chute spectaculaire du Produit intérieur brut (PIB) de 40 % entre 1963 et 1970. Ces pratiques se sont malheureusement répétées à travers les différents gouvernements haïtiens, dont le plus récent cas remonte à Michel J. Martelly, qui a dilapidé les fonds du programme PetroCaribe, incompétent et accusé de blanchiment d’argent par la communauté internationale.

Ces dirigeants ont contribué à l’émergence de l’instabilité politique et des inégalités économiques en Haïti, favorisant, en ce sens, la corruption et l’impunité dans les administrations publiques depuis des décennies. La communauté internationale, quant à elle, avait mis un embargo d’armes sur Haïti. Avant cette décision, entre 1902 à 1911, les Américains avaient bloqué une cargaison d’armes que Firmin voulait importer. À cette époque, il est clair qu’ils n’avaient pas toutes ces technologies à leur disposition. Cependant, aujourd’hui, ce sont leurs armes qui ont réduit le pays à néant. Ils ont continûment prétendu vouloir prendre des initiatives pour stopper ce fléau. En conséquence, les gouvernements d’Haïti ont utilisé les gens de la masse pour étendre et accroître leur sale hégémonie politique et leur fortune. Ainsi, la corruption bat son plein !

Plus de justice, puisque les menaces pleuvent. Les Forces armées d’Haïti ne peuvent pas intervenir, même dans les situations les plus extrêmes, car, ce sont les plus hauts placés qui financent les gangs. C’est en effet pour cela que l’espoir fuit ce pays, parce que la société haïtienne vit dans une espèce de «sauve qui peut». Parallèlement, il y a des pays qui, quelques années de cela, ont été confrontés à ces genres de crises sociopolitiques. Mais, aujourd’hui, ils ont fait la différence avec un chef d’État digne de son nom. Nayib Bukele a montré l’exemple avec le Salvador en instaurant un système judiciaire efficace pour mettre les corrompus derrière les barreaux.

«Si la justice n’arrive pas à éteindre la corruption, la corruption l’éteindra», disait l’autre. Il s’agit là d’une lutte constante entre la justice et la corruption. Elle montre que la justice doit parvenir à éradiquer la corruption. Dans le cas contraire, cette dernière finira par corrompre et affaiblir le système de justice lui-même. C’est la définition la plus parfaite de ce qu’Haïti est devenue. Il faut à tout prix rappeler l’importance de combattre la corruption pour préserver l’intégrité des institutions.

Documentation

Les causes de nos malheurs : appel au peuple, 1882, Edmond Paul.
Histoire et période nationale, 2018, Emmanuel Wesner.
L’histoire des idées politiques haïtiennes du XIXe siècle, Edy Jean.

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