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28 juillet 1915, début d’une occupation continuelle des Américains

Pour bien saisir les raisons qui ont conduit à l’occupation américaine en Haïti, il faut creuser au-delà de l’instabilité politique apparente. En réalité, cette instabilité a été grandement influencée par des acteurs externes, notamment les États-Unis. Il est crucial d’explorer les causes externes pour une compréhension approfondie de la situation. Effectivement, l’occupation américaine d’Haïti s’étendait du 28 juillet 1915 au 15 août 1934. Les États-Unis ont utilisé la justification de restaurer l’ordre et la stabilité en Haïti pour ces 19 années d’occupation. Ils ont mis en avant l’assassinat du président Vilbrun Guillaume Sam le 27 juillet 1915 comme l’élément déclencheur. Cependant, sous la présidence de Thomas Woodrow Wilson, les Américains ont débarqué en Haïti à l’USS Montana le 27 janvier 1914, sous prétexte d’une crise sociopolitique aiguë. Cette situation a facilité leur volonté de contrôler le pays, notamment en raison des défis politiques, économiques et financiers auxquels ils étaient confrontés.

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Les potentielles causes internes liées à l’occupation américaine d’Haïti

Au lendemain de la lutte pour l’indépendance d’Haïti, Jean-Jacques Dessalines avait une vision claire pour le pays. Il visait à mettre en place une politique agraire pour stimuler l’économie. Ses actions ont eu un impact significatif sur l’agriculture et l’économie d’Haïti, représentant une tentative de reconstruction et de développement après l’indépendance. Cependant, les partisans de Pétion et de Christophe étaient en désaccord avec ses politiques. Par conséquent, l’assassinat de l’empereur Jean-Jacques Dessalines a entraîné la division du pays en plusieurs entités, notamment le royaume du Nord avec Henry Christophe, la République de l’Ouest avec Alexandre Sabès Pétion et la Grand’Anse avec Jean-Baptiste Goman. Les luttes intestines pour le pouvoir, comme celles entre les Cacos du Nord et les Piquets du Sud, ont évolué au fil des ans, impliquant la communauté internationale, en particulier les États-Unis et la France.

La descente aux enfers 1911-1915

Cette période est l’une des étapes significatives à l’arrivée des soldats américains à Port-au-Prince. En effet, durant quatre ans, Haïti avait connu environ huit présidents, et six présidents en deux ans. Ces six présidents éphémères sont Cincinnatus Leconte (15 août 1911-8 août 1912), Tancrède Auguste(8 août 1912- 2 mai 1913), Michel Oreste (4 mai 1913-27 janvier 1914), Edmond Sylvestre Polynice, président intérimaire (27 janvier 1914-8 février 1914), Oreste Zamor (8 février 1914-29 octobre 1914), Sylvestre Polynice, président par intérim (29 octobre 1914-6 novembre 1914), Louis Davilmar Théodore (7 novembre 1914–21 février 1915) et Vilbrun Guillaume Sam (9 mars 1915–27 juillet 1915). Sous l’ordonnance de ce dernier, le général Oscar Étienne avait exécuté 19 opposants politiques parmi une trentaine qui ont été interpellés. Cette action avait fouetté l’indignation de la population haïtienne qui a investi les rues conduisant à ce que les Américains appellent la cause occasionnelle : «l’assassinat d’Oscar Étienne suivi du lynchage du président Vilbrun Guillaume Sam». Aujourd’hui nous l’aurions appelé «Bwa Kale».

Les vraies causes du débarquement des troupes américaines

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D’un point de vue politique, les Américains ont mis en avant la doctrine de Monroe, «l’Amérique aux Américains», pour justifier leur expansionnisme et leur domination dans la région, au détriment de la souveraineté et de l’autodétermination des nations. Cette politique a souvent été utilisée pour légitimer des actions unilatérales en Haïti et ailleurs, menaçant la stabilité politique et la liberté des peuples concernés. Parallèlement, pendant la première Guerre mondiale, les Américains ont cherché à consolider leur hégémonie politique et leur suprématie dans les Caraïbes. D’un point de vue économique et financier, les conflits régionaux ont affaibli les Américains en perturbant leurs échanges commerciaux et financiers, limitant ainsi leurs opportunités de croissance. Cette fragilité économique a accentué les défis auxquels ils étaient confrontés pour rester compétitifs sur la scène mondiale. Pour surmonter ces obstacles, il était crucial de trouver des solutions pour redresser la situation. Haïti est apparue comme une voie stratégique pour renforcer leur position économique.

Quand le mensonge prend le dessus

Le 28 juillet 1915, les troupes américaines sont arrivées à Port-au-Prince à titre de «coopération». Cependant, dans la pratique, ce fut tout le contraire. C’est une réalité troublante où les actions des Américains en Haïti soulignent l’utilisation de la tromperie pour justifier une forme de coopération. En prétendant coopérer avec Haïti, les Américains ont en réalité imposé leur volonté par la force, contournant ainsi les principes de la coopération basée sur le respect mutuel et la collaboration équitable. Cette dissimulation délibérée souligne un abus de pouvoir et une manipulation des faits pour servir des intérêts particuliers, au détriment de la souveraineté et de l’autonomie d’Haïti. Lorsque le mensonge est utilisé pour masquer des intentions impérialistes sous le prétexte de la coopération, cela soulève des questions sur la légitimité des actions entreprises et la sincérité des relations internationales. En dissimulant la véritable nature de leur intervention derrière le masque de la coopération, les Américains ont non seulement trahi la confiance d’Haïti, mais ont également ignoré les fondements de la coopération internationale fondée sur la transparence, la confiance et le respect mutuel.

C’est dans ce contexte que le chef de la diplomatie haïtienne avait déclaré en 1919 : «Si cet état de soumission continuelle qu’on impose au gouvernement d’Haïti c’est ce que la législation américaine appelle une [coopération], c’est que le mot a un sens qui échappe aux Haïtiens». L’occupation américaine sera marquée par des abus, des violations des droits de l’homme et une ingérence significative dans les affaires internes d’Haïti. Les États-Unis auront également exercé un contrôle économique important pendant cette période, ce qui a suscité des tensions et des résistances parmi la population haïtienne, notamment la résistance armée.

L’occupation américaine d’Haïti et la MMSS

Le débarquement de la Mission multinationale en soutien à la sécurité à Haïti présente des similitudes avec celui des Américains. Même si l’État haïtien a demandé cette intervention, les causes sont comparables. Il est intéressant de noter que certains ne cessent de pointer du doigt les États-Unis pour leur implication dans l’augmentation du banditisme en Haïti. C’était pareil lorsqu’ils avaient ravitaillé certains hommes politiques, comme Florvil Hyppolite, pour prendre le pouvoir. C’est pourquoi les observateurs se basent sur le fait que les armes utilisées par les groupes terroristes proviennent là-bas, malgré leur prétendue lutte contre le trafic d’armes dans la région. D’autres similitudes, ceux, impliqués dans l’assassinat du président Jovenel Moïse, ont espéré prendre le contrôle du pays, mais ont en réalité favorisé la montée en puissance des groupes criminels qui dominent désormais une grande partie de la capitale. C’était prévisible, puisque le complot des Christophiens et des Pétionistes contre l’empereur avait le même objectif, toutefois, avait engendré des luttes acharnées pour le pouvoir et la division du pays. Il est crucial de considérer le contexte international, notamment la rivalité géopolitique entre des pays comme la Chine et la Russie, qui a des répercussions sur l’économie américaine, notamment avec la dédollarisation de certains pays pétroliers comme l’Arabie Saoudite. Les Américains voient Haïti comme une source de ressources naturelles et un intérêt économique pour leur pays. Les zones contrôlées par les terroristes sont souvent riches en ressources naturelles. Par exemple, Carradeux détient une mine pétrolière que le président Dumarsais Estimé voulait exploiter avec une compagnie canadienne, mais avait dû abandonner ce projet sous les pressions américaines…

Documentations
L’Espace Haïtien, Georges Anglade.
Étude sur l’histoire d’Haïti, Beaubrun Ardouin.
Histoire d’Haïti, Thomas Madiou.

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