La scène politique haïtienne était contrôlée par la classe minoritaire du pays : les Mulâtres. Représentant une faible quantité dans la société haïtienne, ils sont ceux qui bénéficiaient beaucoup plus de privilèges depuis l’assassinat de Jacques 1er. Mais, le mouvement noiriste a changé la donne. Certes, jusqu’à nos jours ils sont privilégiés, cependant, le mouvement des 46 ars a permis aux Noirs du pays de briser les barrières socio-politiques et de gagner en représentation.
Le mouvement des 46 ars en Haïti s’est manifesté à la fin du gouvernement de Lescot 1946. Ce mouvement noiriste a joué un rôle crucial dans l’histoire du pays. Les 46 ars étaient des acteurs clés de la scène politique haïtienne à cette époque, et leur influence a été significative. Ils visaient à transformer les idées politiques et sociales, contribuant ainsi à l’arrivée d’Estimé à la présidence le 16 août 1946.
La supériorité fantaisiste des Mulâtres
Au lendemain de l’assassinat de Jacques 1er, les Mulâtres détenaient fermement les postes clés de l’État et bénéficiaient de tous les privilèges. Leur supériorité fantaisiste les plaçait à l’apogée de la hiérarchie sociale, laissant les Noirs relégués en arrière-plan, privés d’opportunités et de pouvoirs. La majeure partie d’entre eux n’avait pas accès aux études secondaires. Ce qui rendait leur vie encore plus difficile.
Cette domination des Mulâtres dans les sphères politiques et économiques renforçait leur position privilégiée, accentuant les inégalités et la marginalisation des Noirs au sein de la société haïtienne. Cette réalité témoignait d’une profonde division sociale basée sur des critères raciaux, avec les Mulâtres en position de pouvoir et les Noirs en situation de subordination. Cette domination s’étendait sur une très longue période. Depuis la scission du pays (1807), passant par le gouvernement de Boyer (1818-1843), jusqu’à la période post-occupation (1934-1946).
La politique contre-productive de l’occupant qui favorisait l’élite mulâtre traditionnelle et son attitude raciste ont créé une situation explosive sur le plan sociopolitique à Port-au-Prince. Cette approche a ravivé les tensions idéologiques et politiques entre les élites noire et mulâtre. Les événements tels que le jeudi noir (1929-1933), la fin de l’occupation en 1934 et l’entrée en guerre des États-Unis en janvier 1942 ont contribué à un contexte propice aux agitations sociopolitiques.
La pratique de la «mulâtrocratie» sous le régime du président Antoine Louis Léocardie Élie Lescot a alimenté les mouvements de contestation dans un climat de changement. Lescot avait instauré un régime dictatorial en Haïti afin que le pouvoir reste entre les mains des Mulâtres. Mais, la 2de Guerre mondiale qui s’est soldée entre autres par le triomphe de la démocratie, a alimenté davantage l’opposition médiatique. Ainsi, après la fermeture du journal La Ruche suivie de l’arrestation de René Dépestre, il a été contraint de démissionner vu l’essor du mouvement noiriste.
Les objectifs poursuivis par le mouvement des 46 ars :
Le mouvement noiriste avait plusieurs objectifs : entre autres, briser les barrières sociales, créer une nouvelle classe de riches. En outre, créer une place sur la scène politique pour l’élite intellectuelle noire, favoriser à la masse l’accès aux études secondaires et favoriser le fonctionnement des partis politiques.
Briser les barrières sociales
Le mouvement visait à réduire ou éliminer les divisions entre les différents groupes dans la société, que ce soit à cause de la classe sociale, de l’ethnicité, du genre ou d’autres raisons. Pour ce faire, il fallait un Noir à la présidence, ce qu’on allait trouver en la personne de Dumarsais Estimé. C’est un processus qui s’avérait essentiel pour construire une société plus juste et harmonieuse.
Créer une place sur la scène politique pour l’élite intellectuelle noire
Cela nécessitait de reconnaître et de mettre en valeur les apports des Noirs dans la gestion et le développement du pays. Avec Estimé, cet objectif voyait le jour, de par son engagement actif dans les processus décisionnels, ainsi que ses initiatives qui visent à encourager l’éducation et la sensibilisation des jeunes leaders.
Favoriser à la masse l’accès aux études secondaires et le fonctionnement des partis politiques
Il était crucial de faciliter l’accès aux études secondaires pour la population et de soutenir le bon fonctionnement des partis politiques. Ces objectifs du mouvement des 46 ars ont permis de renforcer la démocratie et d’encourager une participation active des citoyens haïtiens dans la politique. Cela avait contribué non seulement à élever le niveau d’éducation général, mais aussi à assurer que les partis politiques soient à la fois représentatifs et efficaces dans leurs actions. Pour les 46 ars, investir dans l’éducation et consolider le système politique étaient d’une importance capitale pour un avenir plus prometteur pour la société haïtienne.
Créer une nouvelle classe de riches
La volonté du mouvement des 46 ars de créer une nouvelle classe de riches n’a fait qu’engendrer le déclin de la société haïtienne. En effet, beaucoup de Noirs ont aspiré à devenir riches, surtout ceux qui accédaient à des postes décisionnels. Cela a conduit à l’émancipation de la corruption, où les intérêts personnels prenaient le dessus sur le bien-être collectif, aggravant ainsi les inégalités et les problèmes sociaux dans le pays. D’où, l’essor des groupes armés.