De Cité Soleil à Chili, Gesny Pierre-Louis, patineur international haïtien, fait beaucoup parler de lui dans le monde du patinage. Ses résultats positifs lui ont permis de se hisser vers le sommet de ce sport dans le pays de Gabriel Boric. Mais, malgré tout cela, du côté du ministère de la Jeunesse, des Sports et de l’Action civique (MJSAC), c’est le silence total, alors que Gesny n’a jamais manqué de faire flotter le bicolore, haut et fort, dans toutes les compétitions auxquelles il a participé.
Gesny Pierre-Louis doit laisser le Chili la première semaine du mois de septembre 2024 pour se rendre à Rome, Italie, en vue de participer à une compétition organisée par «World Skate», une fédération qui gère au niveau mondial les sports pratiqués sur patin à roulettes. En quête de moyens financiers, Gesny lance un SOS. «J’ai besoin du soutien économique et moral de la communauté haïtienne pour disputer ce championnat», a déclaré l’originaire de Cité Soleil.
Pour continuer, le onzième parmi des milliers de patineurs dans le monde, selon World Skate, a fait savoir à la rédaction de TripFoumi Enfo qu’il ne va pas se représenter, mais tout un pays, une nation, dans la plus grande compétition mondiale de cette discipline sportive. Pour lui, cette œuvre positive devrait concerner tous les Haïtiens vivant dans le monde.
Pour arriver à ce niveau, Gesny a connu des moments vraiment difficiles. «En quête d’un mieux-être, j’ai quitté Haïti pour le Chili en 2017. Pour ne pas laisser mon rêve derrière, j’ai voyagé avec un vieux patin que j’utilisais en Haïti», a expliqué le patineur numéro un au Chili. Il a continué pour dire que parfois il utilise l’argent de son emploi pour financer les compétitions nationales.
Pour prendre part à ce challenge, Gesny est obligé de travailler 8 heures par jour, tout en comptant sur la collaboration de quelques personnes de bonne volonté au Chili et sur les réseaux, pour pouvoir financer cette compétition. Cependant, «il m’est très difficile de traverser toutes ces épreuves sans le soutien du MJSAC, sans le soutien d’une fédération de patinage, alors qu’il en existe une en Haïti, mais il n’y a pas de fonds prévus pour m’aider à financer mes compétitions», a martelé Gesny.
TFE : Pourquoi Gesny Pierre-Louis n’a jamais pris la décision de représenter le Chili plutôt qu’Haiti ?
Gesny : Compte tenu de l’endroit où je suis né et où j’ai grandi, je ne peux me résoudre à faire autrement. J’aime mon pays. Je connais la réalité du pays, je connais la réalité des gens qui vivent dans la masse. Prendre la décision d’abandonner un pays de cette façon n’est pas une chose facile alors que je connais tout ce qui se passe dans le pays. Le sport que je pratique est comme un flambeau que j’ai en main pour faire savoir aux autres nations et leur rappeler qu’il existe encore un pays qui s’appelle Haïti.
TFE : Comment vois-tu le secteur sportif en Haïti ?
Gesny : Le système sportif est gravement malade en Haïti. Il y a beaucoup d’appréciations pour le sport, mais pas de fonds pour financer les fédérations. En ce sens, on peut appeler cela une fédération fantôme. Logiquement elle existe, mais c’est comme si elle n’existait pas. Au passage, j’adresse ce message directement au MJSAC en Haïti : le sport est un moyen de connexion avec tous les pays du monde, c’est un système, pris au sérieux, qui peut donner une image plus que positive du pays, car chaque Haïtien est un «cerveau». Nous avons beaucoup de talents que d’autres nations n’ont pas et c’est ce qui leur pousse à nous craindre, surtout pour nos capacités physiques.
TFE : Être qualifié pour cette compétition signifie quoi pour toi ?
Gesny : C’est une grande fierté en tant qu’Haïtien qui est né et a grandi dans deux des zones contrôlées depuis un certain temps par des individus armés, à savoir Cité Soleil et Wharf Jérémie. Faire flotter le drapeau haïtien et inscrire le nom d’Haïti pour la première fois dans une compétition mondiale sans le soutien d’une fédération, sans entraîneur, il n’y a pas plus grande fierté pour moi que cela.
Dans la foulée, Gesny a laissé quelques conseils pour les dirigeants du pays au niveau du sport :
- Placer des personnes réellement qualifiées et expérimentées pour diriger les fédérations sportives ;
- Débloquer des fonds pour permettre aux athlètes de se préparer et d’avoir la possibilité de représenter Haïti à l’international sans problème ;
- Apprendre à honorer et soutenir chaque athlète professionnel haïtien imprégné par la passion de servir et représenter légalement le pays.
Pour terminer, le patineur international invite l’État haïtien à valoriser chaque jeune haïtien qui a un talent et qui peut représenter valablement le pays au niveau national et international. Le sport peut changer le statut d’un pays au niveau mondial, travaillons dans le bon sens pour ne pas passer à côté d’une telle aubaine.
