«PAWÒL POU OU» : le lectorat de TFE commente la présence des policiers kényans sur le sol haïtien
Venus pour rétablir la sécurité en Haïti, les policiers kényans, déjà un peu plus de deux mois depuis qu’ils sont présents à Port-au-Prince, peinent à donner espoir. Rien n’a évolué dans le sens que le peuple aurait espéré. Consciente des enjeux de cette présence militaire étrangère, la rédaction de TripFoumi Enfo a décidé de lancer une rubrique nommée «PAWÒL POU OU». Cette initiative vise à recueillir les commentaires de son lectorat sur des sujets divers et variés qui impactent considérablement la société haïtienne. Ainsi, pour son premier numéro, TFE a sollicité l’avis des lecteurs sur l’impact de la MMSS sur la réalité quotidienne en Haïti depuis son arrivée.
Certains lecteurs estiment que les policiers kényans sont tout simplement des vacanciers, critiquant ainsi l’inefficacité, perçue, de leurs «interventions». D’autres, plus indulgents, pensent qu’il faudra du temps pour voir les effets concrets de leur mission sur la sécurité et le bien-être du pays. Le débat est vif, et notre page a été inondée de réactions, dont certaines étaient particulièrement virulentes et peintes de frustration vue l’ampleur des actes de violence.
En effet, l’insécurité en Haïti s’est aggravée au fil des années, plongeant le pays dans un climat de peur constante. Les actes de violence, les enlèvements et les affrontements entre gangs armés et policiers sont devenus monnaie courante, paralysant ainsi les activités quotidiennes et économiques. Pour palier la situation, l’ancien Premier ministre Ariel Henry avait sollicité l’aide de la communauté internationale qui, en octobre dernier, avait approuvé le déploiement d’une Mission multinationale en soutien à la sécurité (MMSS) en Haïti. Malgré ce déploiement, la situation reste critique, laissant la population dans une incertitude profonde quant à l’avenir du pays.
«Mettre de l’huile sur le feu !»
Les lecteurs affirment que la situation en Haïti s’est empirée depuis l’arrivée des troupes kényanes, décrivant, par conséquent, la présence de ces forces comme «mettre de l’huile sur le feu». «Malgré les promesses de rétablir la sécurité, les policiers haïtiens continuent de perdre la vie et les actes de violence ne diminuent pas. Au contraire, la situation se détériore davantage, avec une intensification des tueries et des violences. Cette ironie tragique illustre comment l’intervention étrangère, loin de résoudre les problèmes, les a augmentés, aggravant ainsi le chaos et la souffrance qui règnent déjà dans notre pays, où les policiers kényans sont venus prendre du plaisir», analyse Charles*.
Les Kényans, en vacances, protégés par la PNH
Sandra* a commenté : «Les policiers kényans, qui sont venus en Haïti prétendument pour restaurer la sécurité, en réalité, mènent une vie de vacanciers, se gavant des plaisirs locaux pendant que la Police nationale d’Haïti (PNH) est laissée dans une situation de manque. Ce sont les policiers haïtiens qui assurent la protection de ces étrangers, alors que, ces ceux-ci sont censés soulager les défis sécuritaires locaux».
«Leur présence !? C’est comme un affront qui accentue l’absurdité de la situation où ces étrangers se comportent comme s’ils étaient en congé, tandis que les autorités haïtiennes, dans un état précaire, continuent de gérer les responsabilités qui leur incombent. Il ne faut rien attendre de ces hommes. D’ailleurs, ils ne sont pas là pour résoudre nos problèmes. Ils sont là pour obéir à ceux qui les ont envoyés. La véritable responsabilité de sauver le pays revient à nous, car cette présence étrangère est loin d’apporter les solutions nécessaires», a écrit Peterson*.
Une collaboration entre la PNH et les FAd’H pour la sécurité en Haïti
Certains observateurs estiment que la solution pour rétablir la sécurité en Haïti pourrait émaner d’une collaboration renforcée entre la Police nationale et les Forces armées d’Haïti. «Bien que la MMSS soit financée par des partenaires étrangers, une association PNH et FAd’H pourrait mieux assurer la stabilité du pays. Les millions investis pour gérer les troupes kényanes pourraient être mieux utilisés pour soutenir une coopération nationale, notamment en dotant les forces locales de matériels nécessaires pour accomplir cette mission, puisque ces forces de l’ordre connaissent mieux le terrain», a confié Nadine*.
Malgré les défis au sein de la PNH et la fragilité des FAd’H, tels que la corruption, ces voix plaident pour une synergie entre ces deux institutions. Toutefois, il y a un «Mais». «Une telle collaboration (PNH-FAd’H) pourrait être la clé pour instaurer la paix en Haïti, mais, à condition que les ressources soient gérées de manière efficace et transparente. Plutôt que de confier la gestion du pays à une nation étrangère, il serait mille fois mieux de renforcer les capacités internes de nos forces, un meilleur salaire, des primes de risque plus élevés, entre autres», a soutenu Stanley*. Toutefois, cela paraît compliqué, lorsque d’autres ont pointé du doigt les gouvernements locaux.
L’État haïtien, le seul responsable du chaos du pays
James* ne cache pas son amertume face à la situation chaotique en Haïti. Il rejette la faute sur les autorités locales : «L’instabilité qui ronge notre pays est avant tout le résultat de l’irresponsabilité de nos dirigeants qui sont incapables de gérer les crises successives qui secouent la nation. Les autorités sont tellement soumises à la communauté internationale qu’elles sont devenues des marionnettes. Elles ont toutes adopté un esprit esclavagiste en s’appuyant systématiquement sur des interventions extérieures plutôt que de prendre en main le destin du pays».
Jean*, Élie* et Janette* ont laissé comprendre que les autorités ont préféré accepter de laisser le Kenya mener la mission au lieu du Salvador, qui, avec Nayib Bukele, a su affronter victorieusement les groupes illégalement armés dans son pays. Ces lecteurs rappellent que, selon Max Weber, l’État est censé détenir le monopole légitime de la violence. Sans oublier que «l’État, dans une situation extrême, peut recourir à la cruauté et la ruse», d’après Nicolas Machiavel dans «Le Prince». C’est exactement ce que Nayib Bukele a fait.
Le mouvement «Bwa kale» donne de meilleurs résultats que la MMSS
Selon Édouard*, le phénomène «Bwa kale», qui consiste à rendre justice soi-même en recourant au lynchage, est une solution extrême face à l’inefficacité apparente des institutions étatiques et de la MMSS dans la lutte contre les gangs. Pour Édouard, fervent défenseur de cette approche, le gouvernement, trop corrompu, est trop lent pour offrir une protection adéquate ou punir les criminels de manière efficace.
Sans trop condamner la collaboration PNH-FAd’H, Peter*, Carl*, Stéphanie* et Édouard* considèrent que «la seule alternative pour restaurer l’ordre et la sécurité est de prendre les choses en main, même si cela implique des mesures brutales. Cette vision traduit une profonde désillusion face à un système incapable de répondre aux besoins de sécurité immédiats des citoyens, et reflète un désespoir croissant envers les mécanismes officiels».
*Tous les noms utilisés dans le texte sont des noms d’emprunt, question de proptéger la vie privée des personnes ayant réagi.