La presse haïtienne a joué un rôle important dans l’implantation de la démocratie en Haïti. Malgré la pression constante du pouvoir dictatorial à l’aube des années 1980, ce secteur s’était rangé aux côtés d’autres pour lutter en faveur de la liberté d’expression, de penser, d’association et autres. Mais à la suite de cette lutte périlleuse pour la liberté, le secteur va connaître des hauts, évidemment des bas. Des journalistes de renom seront assassinés. On peut se souvenir de Jean Léopold Dominique, célèbre journaliste, assassiné le 3 avril 2000, en raion de son engagement.
D’une presse engagée, la situation de ce secteur va se détériorer au fil des ans. Au lieu de se comporter en véritable modèle, ledit secteur va de préférence se laisser influencer par une société où toutes les valeurs se sont quasiment effritées. Des professionnels de la presse, dont l’éthique professionnelle devait être l’unique boussole au regard de la constitution haïtienne, se sont révélés être de simples mercenaires à micro. Triste. Ils ne prêchent pas d’exemple.
Conscient de cette dégradation accélérée du niveau de confiance de la population dans la presse haïtienne, TripFoumi Enfo a interagi avec ses internautes cette semaine autour de la question : «Quel est votre niveau de confiance dans la presse haïtienne ?». Et les internautes n’ont pas manqué d’exprimer leur méfiance à l’endroit de ce secteur.
Pour Sergo*, «la presse haïtienne est peu crédible de nos jours. Rares sont les stations qui diffusent des informations fiables. La presse ne se dresse pas en rempart face aux corrompus en mettant à jour leur côté malhonnête. Si c’était fait, beaucoup d’entre eux ne seraient pas de retour sur la scène aujourd’hui».
Si la presse haïtienne est aussi décriée, Dahomey* de son côté croit que c’est parce que le système judiciaire est inefficace. «Dans un pays où la justice est inexistante, les autres institutions ou secteurs le seront également», a-t-il commenté.
Guardian* pour sa part estime que la presse est un cancer pour le pays. Pour expliquer son point de vue, il détaille le fait que «quand certaines personnalités sont indexées publiquement dans des activités louches, au lieu de se rendre au tribunal pour répondre de leurs actes, leur premier réflexe, c’est de se laver à travers les médias». Il croit que cette pratique doit être suspendue.
Pourquoi la presse est-elle autant décriée ?
Comme mentionné plus haut, dans l’exercice de leur métier, les professionnels de la presse ont le devoir de se courber aux exigences de l’éthique professionnelle. La Constitution haïtienne fait cette obligation en son article 28-2. Mais ces derniers, au lieu de se comporter en véritables professionnels, se livrent à toutes sortes d’activités en vue de s’enrichir.
Sans remonter trop loin dans le temps, très récemment, plusieurs cas ont été mis au grand jour. Des journalistes ont été accusés de connivence avec les chefs de gang les plus importants de la République. Yvener Phanor Sylla, Evenson Jourinvil, Matiado Vilmé, Stanley Jaccis, entre autres, ont été directement pointés du doigt par un rapport de la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ).
Le journaliste Banatte Daniel, dénonciateur par excellence des activités criminelles, quant à lui, a été arrêté quelques jours plus tôt en possession d’au moins un fusil d’assaut et d’autres matériels compromettants. Il est actuellement sous le contrôle de la DCPJ pour association de malfaiteurs, détention illégale d’armes, entre autres. Paradoxe !
Avec des faits aussi malheureux pour l’image du secteur presse, il est compréhensible que la confiance de la population soit en constante diminution. Le nombre incalculable de journalistes dépourvus de scrupules est tout simplement regrettable. Louissaint* qui se dit méfiant par rapport aux journalistes, déplore le fait que ces derniers soient «prèts à faire n’importe quoi, rien que pour s’enrichir, même si ça contribuerait à détruire le pays».
Pour aller plus loin, Marcel, quant à lui, estime que «la destruction du pays est majoritairement l’œuvre de la presse haïtienne». «Ce secteur est tout simplement un échec», a commenté Anthony, de son côté.
Mais ce secteur tant décrié, n’a t-il pas une responsabilité au sein de la société ?
Comme tous les autre secteurs, la presse a sa mission dans la société. Sa responsabilité principale consiste à informer la population. En outre, à travers des émissions à intérêt général, elle participe également à la formation de cette dernière. Mais outre ces responsabilités, la presse a le rôle de créer l’opinion publique – au travers des sondages – et de la partager. Celle-ci designe l’opinion de la majorité sur un sujet donné.
Mais au lieu de répondre à ces responsabilités nobles, une partie de ce secteur s’est de préférence mise au service de la bourgeoisie ou des politiciens véreux, aux dépens de la masse populaire. Ainsi, la presse se révèle être une véritable arme idéologique dont se sert le système, pour pouvoir se renouveler à chaque moment. Mathias* partage également ce point de vue.
Toutefois, bien que la presse soit hyper décriée, certains croient qu’elle remplit son rôle même à un degré moindre. Si certains messages de la masse parviennent à atteindre les autorités dans certains cas, c’est grâce aux médias. C’est en tout cas le point de vue Stéphie*.
La presse, comme d’autres secteurs du pays, est vivement critiquée. C’est une évidence. Chaque commentaire exprimé sur ses activités renferme un degré de méfiance incommensurable. Les professionnels du domaine doivent se rendre compte qu’il est important de chercher à regagner la confiance de la population. Mais pour y parvenir, l’éthique professionnelle doit être respectée scrupuleusement par les membres du secteur, comme l’exige la Constitution haïtienne. La recherche du profit illicite doit être banni au rang des professionnels. Les informations rapportées par les médias doivent-être fiables. En un mot, les journalistes doivent appliquer les procédés journalistiques à la lettre dans leurs travaux afin de renverser cette tendance peu laudative. Bien-sûr, comme dans tous les autres secteurs, il y aura toujours un déviant, mais la presse inspirera certainement un peu plus de confiance.
*Tous les noms utilisés dans le texte sont des noms d’emprunt, question de protéger la vie privée des personnes ayant réagi.