Le Premier ministre Garry Conille a, lors d’une séance d’audience publique tenue le 19 septembre 2024 à l’Hôtel Karibe, présenté le bilan de son gouvernement après 100 jours à la tête du pays. Suite à cette présentation, TripFoumi Enfo, via sa rubrique «Pawòl Pou Ou», a invité ses lecteurs à réagir. Les retours révèlent une majorité de critiques acerbes envers la gouvernance actuelle, mettant en lumière une insatisfaction accrue face aux résultats obtenus jusqu’à présent.
Peut-on parler de bilan ?
Arrivé à la Primature en juin 2024, Dr. Conille a bouclé ses 100 premiers jours à la tête du gouvernement. Lors de cette audience publique, le chef du gouvernement a refusé de parler «d’un bilan classique», préférant évoquer «une vraie réflexion sur la situation actuelle pour sortir le pays de l’impasse».
Garry Conille a déclaré avoir consacré ces trois premiers mois à la mise en place d’une «gouvernance inclusive», mettant en avant la formation d’un gouvernement en un temps record, avec 35 % de femmes et 10 ministres choisis par les secteurs représentés au sein du Conseil présidentiel de transition (CPT), ainsi que quatre personnalités «non-partisanes» proposées par le Premier ministre pour diriger les ministères régaliens.
Entre insatisfaction et promesses non tenues
Parmi les grands chantiers de la transition, figurent le rétablissement de la sécurité, le redressement économique, la résolution de la crise humanitaire, les réformes constitutionnelles et l’organisation des élections. De nombreux lecteurs estiment que la priorité absolue doit être le rétablissement de la sécurité, arguant qu’en l’absence de celle-ci, le gouvernement ne pourra pas avancer sur les autres chantiers. «Pas de satisfaction jusqu’ici. La mission de ce gouvernement est de rétablir la sécurité et ensuite d’organiser les élections», commente un lecteur, soulignant que certaines zones sont devenues non fréquentables depuis l’arrivée de cette nouvelle équipe.
La question de l’insécurité en première ligne
De retour à Port-au-Prince le 6 juillet 2024 après une visite de plusieurs jours aux États-Unis, le Premier ministre Garry Conille a présenté quelques grandes priorités de son gouvernement en matière de sécurité, telles que la récupération des territoires perdus, la relocalisation des déplacés et la libre circulation.
Cependant, malgré les différentes interventions du chef du Conseil supérieur de la police nationale (CSPN), qui a promis de reprendre le contrôle du pays maison après maison, quartier après quartier, et ville après ville, les internautes soulignent que, malgré les changements opérés au sein des forces de sécurité haïtiennes et la présence d’une force étrangère, les gangs continuent d’étendre leurs tentacules. «En tant qu’Haïtien, je ne suis pas satisfait du tout. La crise sécuritaire s’est empirée. De nouveaux territoires continuent d’être perdus et des gens fuient leurs maisons à cause de la violence des gangs», se désole un commentateur.
En effet, malgré les mesures prises, notamment l’instauration de l’état d’urgence sécuritaire, de nouvelles communes comme Gressier et Ganthier se sont ajoutées à la liste des territoires contrôlés par des bandes armées. Alors que le PM Conille avait déclaré que l’État devait pouvoir exercer son autorité partout sur le territoire national, trois mois après, son gouvernement n’est toujours pas parvenu à reprendre le contrôle du centre-ville de Port-au-Prince, où se trouvent plusieurs institutions étatiques. L’hôpital général, le plus grand centre hospitalier du pays, demeure impraticable, et le Palais national, symbole de l’autorité de l’État, est inaccessible à cause de l’insécurité. Garry Conille lui-même ne peut pas se rendre dans ses bureaux au ministère de l’Intérieur, ce qui n’envoie aucun signal quant à la reprise des territoires perdus.
Relocalisation des déplacés
Le chef de la Primature avait promis de relocaliser des centaines de familles déplacées à cause de la violence des gangs. À quelques jours de la rentrée scolaire, TripFoumi Enfo a constaté que plusieurs institutions sont encore occupées par des déplacés. Selon les données publiées en juin 2024 par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), près de 600.000 personnes ont été déplacées en raison de la violence des gangs, et le nombre de déplacés internes a augmenté de 60 % depuis la recrudescence de la violence en mars 2024.
Libre circulation
Le chef du gouvernement a également déclaré que l’une de ses priorités en matière de sécurité était la libre circulation sur tout le territoire national. Cependant, de nombreux lecteurs soulignent que trois mois après la mise en place de ce nouveau gouvernement, les routes nationales demeurent bloquées et des postes de péage se sont multipliés. «On ne peut pas parler de satisfaction. Le pays est bloqué. Les gangs installent des postes de péage sur les routes nationales, déconnectant les départements. La crise du pays s’est aggravée», déclare un de nos lecteurs.
Des priorités mal orientées
Plusieurs citoyens estiment que les efforts devraient se concentrer principalement sur la sécurité plutôt que sur des projets non essentiels. Alors que les forces de sécurité haïtiennes font face à une pénurie de moyens, le gouvernement a récemment annoncé le décaissement de plus de neuf milliards (9.000.000.000) de gourdes pour des programmes sociaux. Pour beaucoup, ces programmes, souvent expérimentés par les gouvernements précédents, n’ont pas produit les résultats escomptés.
Peu de voix positives
Quelques rares commentaires se distinguent par une note légèrement optimiste. Ce petit groupe soutient que ce gouvernement a pris le pouvoir dans un contexte difficile, marqué par une crise généralisée. «Les gouvernements précédents ont laissé le pays dans un état désastreux. Je ne crois pas que ce nouveau gouvernement puisse accomplir quelque chose en si peu de temps», affirme une commentatrice.
En somme, le bilan des trois premiers mois du gouvernement de Garry Conille est perçu négativement par le lectorat de TripFoumi Enfo. Les attentes sont élevées, et les critiques, notamment concernant l’insécurité, suggèrent que des actions plus visibles et significatives sont nécessaires pour envoyer un signal clair sur la réussite de cette transition, chargée de rétablir la paix et d’organiser les prochaines élections. Le gouvernement est désormais confronté à un défi majeur : transformer ces critiques en opportunités d’amélioration et répondre aux besoins pressants de la population.