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«PAWÒL POU OU» : le lectorat de TFE commente le silence du CPT sur l’implication de trois de ses membres dans l’affaire BNC

Trois membres du Conseil présidentiel de transition (CPT), Louis Gérald Gilles, Emmanuel Vertilaire et Smith Augustin, auraient exigé 100 millions de gourdes à Raoul Pascal Pierre-Louis, ex-président du Conseil d’administration de la Banque nationale de crédit (BNC), pour son maintien à son poste, après l’expiration de son mandat. En juillet, celui-ci les a dénoncés et l’Unité de lutte contre la corruption (ULCC) s’est tout de suite emparée du dossier afin d’éclaircir certaines zones d’ombre.

Langaj

Après environ deux mois d’investigations, l’ULCC publie son rapport. Des preuves accablantes sont révélées contre les trois membres du CPT, prouvant leur implication dans un engrenage de corruption bien planifié avec Raoul Pierre-Louis. Des cartes de crédit ont été allouées aux conseillers en question en dehors des normes administratives, sous instructions express de Pierre-Louis. Des achats totalisant plus de 3.5 millions de gourdes ont été effectuées avec ces cartes dans un laps de temps. Aucun remboursement n’a été effectué avant le déroulement de l’enquête de l’ULCC car, selon le rapport, c’est M. Pierre-Louis qui devait se charger du remboursement des montants crédités sur les cartes.

Parallèlement, dans le nord du pays, le conseiller Vertilaire a même obtenu auprès de Raoul Pierre-Louis des transferts et promotions d’employés, sans tenir compte des procédures administratives prévues par les règlements de la Banque. Les preuves dénichées contre les conseillers sont sérieuses.

Face à tout cela, l’ULCC a été devant l’obligation de recommander la mise en mouvement de l’action publique contre ces trois membres du CPT pour abus de fonction, corruption passive et versement de pot-de-vin.

Et les autres membres du Conseil présidentiel face à ce scandale ?

Depuis la publication du rapport d’enquêtes de l’ULCC début octobre, aucune position formelle n’a été adoptée par les six autres membres du Conseil présidentiel. Pas même une déclaration publique. Seulement un communiqué du secrétariat de la présidence, publié quelques jours après, avait annoncé des mesures qui, jusqu’à présent, tardent à arriver.

Langaj

Face à ce silence regrettable du CPT, certains gens n’ont pas manqué d’exprimer leur méfiance vis-à-vis de cette instance qui, depuis son installation, souffrait déjà d’un manque de crédit du côté de la population.

En ce sens, comme chaque semaine, TripFoumi Enfo a interagi avec son lectorat autour du silence des autres membres du CPT sur ce dossier. Et il faut dire que les commentaires ne sont pas très flatteurs.

«Ils sont tous les mêmes», affirment certains lecteurs.

Avec ce scandale de corruption, le CPT ne fait que susciter de la méfiance, de la colère ou de l’indignation chez les gens. Chaque commentaire dévoile un niveau de colère exorbitant contre ces neuf personnalités qui, chacun, coûtent largement plus de 26 millions de gourdes au trésor public par mois, pour aucun résultat.

Si les autres membres ont jusqu’à présent gardé le silence, c’est parce qu’ils sont tous les mêmes. C’est en tout cas la position d’une majorité de nos lecteurs ayant réagi à ce sujet.

Certains sont même allés plus loin pour sous-entendre que si ces derniers ont gardé le silence, c’est parce que ce sont tous des voleurs qui se solidarisent entre eux. C’est par exemple ce qu’a commenté Kenley*.

«Les six autres membres n’adopteront jamais de position contre les trois présumés corrompus car ils travaillent tous pour le même patron : le Blanc. Dans le cas contraire, il se peut qu’ils se dénoncent mutuellement jusqu’à ce que le Conseil explose», a réagi Valensky*.

Jeff*, un autre lecteur, a une position presque similaire. Pour lui, «aucune mesure ne sera adoptée contre les trois présumés corrompus parce que tous les neuf, ils se la coulent douce au pouvoir et n’entendent pas perdre tous ces avantages. Ils savent tous la vérité autour du scandale.»

Malgré tout, le rapport de l’ULCC n’est pas sans conséquence !

Bien qu’aucune mesure n’ait été adoptée par les six autres membres du Conseil présidentiel à l’encontre de Gilles, Vertilaire et Augustin, il faut dire que le rapport de l’ULCC n’est pas sans conséquence sur le fonctionnement du Conseil présidentiel.

L’entente préalablement conclue pour une rotation au niveau de la présidence du CPT, a été chambardée à la suite de la publication du rapport. Si bien que, Smith Augustin, qui devait remplacer Edgard Leblanc Fils le 7 octobre dernier, a été mis hors jeu et c’est l’architecte Leslie Voltaire qui a gagné le gros lot à sa place. Gérald Gilles également, qui devait être le dernier président du Conseil, est mis à l’écart de ce processus. Une résolution a été publiée mardi 7 octobre au journal officiel Le Moniteur en ce sens.

Par conséquent, bien que les autorités n’aient pas officiellement réagi, le rapport a quand-même influencé le déroulement des activités politiques.

Le comportement des présumés corrompus face au scandale.

À l’étranger par exemple, quand un fonctionnaire de l’État est épinglé dans un scandale quelconque, son premier réflexe est de rendre sa démission afin de se retirer sous le feu des projecteurs. En Haïti, le réflexe est tout autre. En effet, à la suite des révélations de l’ULCC, Gilles et Vertilaire ont tout de suite averti qu’ils n’avaient nullement l’intention de démissionner. Gênant.

Sont-ils coupables ?

Face à cette interrogation, personne ne peut répondre de manière affirmative malgré la dénonciation de Raoul Pierre-Louis ou encore les évènements retracés par l’ULCC. Car en ce qui a trait à la déclaration de Raoul, ce n’est qu’une simple allégation, soutenue par aucune preuve ; et les évènements retracés par l’ULCC, des faits, en matière pénale. Mais des faits qui peuvent être soit confirmés comme infractions ou déclarés comme normaux par un tribunal. En ce sens, les conseillers ne sont jusqu’à présent coupables de rien. Ils sont seulement soupçonnés.

Mais au regard de l’éthique, dès que Pierre-Louis avait décidé de porter cette affaire au grand jour, ces derniers devaient se retirer, ce pour le bien du Conseil présidentiel. Car la corruption est un fait réprimé tant par les lois haïtiennes que par des conventions internationales.

Sur le plan local, elle est surtout prise en compte par la loi du 12 mars 2014 portant sur sa prévention et sa répression. Sur le plan international, elle est condamnée par la convention des Nations unies contre la corruption, la convention interaméricaine contre la corruption, entre autres. Conventions dont Haïti est partie prenante.

Par conséquent, les autorités sont tenues de se positionner face ce scandale. Malgré un le fait que l’ULCC soit une institution républicaine, à aucun moment donné, on ne sous-entend pas que ses conclusions dans ce rapport doivent être considérées comme des décisions de justice pour incriminer les concernés. Ils peuvent toujours continuer à bénéficier du principe de présomption d’innocence car ils n’ont été déclarés coupables par aucun tribunal. Mais leur présence au sein du CPT n’est pas bon pour l’image du pays. Il faut commencer à laisser de bons exemples pour les générations à venir. Vous êtes accusés de corruption, de vol ou autres ? Retirez vous de votre fonction. Allez vous laver par devant un tribunal.

*Tous les noms utilisés dans le texte sont des noms d’emprunt, question de protéger la vie privée des personnes ayant réagi.

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