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À la rencontre de Francklyn Dorcé et de son premier ouvrage «Langue, société et musique en Haïti»

En marge de la vente signature de son premier ouvrage «Langue, société et musique en Haïti : Place de la sociolinguistique dans la construction du sens», prévue le 1er novembre 2024, l’auteur Francklyn Dorcé a accordé une interview exclusive à la rédaction de TripFoumi Enfo. Au fil de cet échange, il nous fait découvrir les motivations qui l’ont conduit à explorer les liens entre musique, langue et réalité sociale haïtienne, tout en partageant son parcours d’écrivain et les défis qu’il a rencontrés lors de la rédaction de ce livre à caractère scientifique plutôt que littéraire.

Langaj

Francklyn Dorcé, originaire de Thomazeau, commune du département de l’Ouest, se présente avec fierté. Titulaire d’une licence en linguistique appliquée et d’une autre en histoire, il poursuit actuellement une maîtrise en Histoire, Mémoire et Patrimoine à l’IERAH/ISERSS, entité de l’Université d’État d’Haïti (UEH), en partenariat avec l’Université Laval au Canada. En plus de son rôle de membre actif du «Gwoup rechèch sou sans nan kreyòl ayisyen» (GRESKA), il enseigne les sciences sociales et les langues au collège.

Lorsque la question de son inspiration pour écrire «Langue, société et musique en Haïti» se pose, Dorcé explique que celle-ci découle de l’observation du réel haïtien. Il déclare : «La musique haïtienne peut ‘dire’ le réel haïtien». Pour lui, cette musique est le reflet des réalités sociales, économiques et politiques du pays. Cette réflexion l’a conduit à interroger comment les textes musicaux témoignent de l’expérience haïtienne. Pour explorer cette complexité, il a mobilisé des disciplines variées, telles que la linguistique, la sociologie et la psychologie sociale. «Je procède de la sorte car les phénomènes sociaux sont complexes – complexes au sens d’Edgar Morin. Seule une approche interdisciplinaire me permettrait, je crois, de trouver quelques pistes de réponses», a expliqué le natif de Thomazeau lors de cette interview.

Concernant les thèmes principaux de son ouvrage, il souligne qu’il aborde plusieurs enjeux cruciaux : «J’aborde la musique haïtienne, l’identité nationale, ainsi que les problèmes socio-économiques et politiques». Il mentionne aussi l’importance de la place du créole dans la production musicale et l’origine de certains slogans haïtiens. Selon lui, la culture haïtienne, au sens large, y joue un rôle central.

En ce qui concerne sa méthodologie, le linguiste Dorcé précise avoir choisi une approche qualitative, mettant l’accent sur les motivations et émotions des sujets. Il a utilisé des questionnaires et des entretiens semi-dirigés, tout en analysant des textes musicaux pour comprendre comment ces derniers reflètent les réalités haïtiennes, nous a-t-il confié.

Lorsque la question se dirige vers le rôle de la musique dans la société haïtienne, il affirme que celle-ci a toujours été essentielle à l’expression humaine. Il rappelle que, depuis l’Antiquité, «la musique permet d’exprimer joie, tristesse et aspirations». En Haïti, la musique est profondément ancrée dans l’histoire nationale et se lie souvent aux luttes politiques. Dorcé illustre son propos en mentionnant que, dans les périodes de crise, la musique devient un vecteur de revendication, comme le montrent des genres tels que le rara et le rasin. «En fait, je ne cherche qu’à montrer une chose dans mon livre : le rapport existant entre le trinôme langue, société et musique en Haïti», a-t-il insisté.

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Interrogé sur son parcours d’écriture, il partage que, bien qu’il n’aime pas se définir strictement comme écrivain, il écrit depuis le lycée. À l’université, il a orienté sa passion vers la recherche scientifique. Il a évoqué sa collaboration avec le professeur Moles Paul sur un article concernant l’expression «Al nan va a», publié en 2022 dans un ouvrage collectif intitulé «Rationalités et imaginaires créoles. Pratique, expression et usage», sous la direction de Renauld Govain, détenteur d’une HDR. Depuis, il a continué à rédiger des articles scientifiques et à contribuer à des publications variées. Il a également signalé sa participation dans un chapitre d’ouvrage titré «Pou yon Lengwistik Ayisyen» aux côtés du docteur Moles Paul dans le numéro un de la revue «Rechèch Etid Kreyòl», publiée en octobre 2023, sous la direction de Renauld Govain.

Le premier ouvrage de l’historien Dorcé est composé d’une série de ses articles publiés dans les colonnes de différents journaux. «Ce sont mes articles scientifiques qui constituent mon premier ouvrage. Je les mets en forme afin de rendre mes travaux de recherche plus accessibles au grand public. Cela permettra aussi aux lecteurs haïtiens et étrangers de mieux saisir certains problèmes auxquels fait face le peuple haïtien», a-t-il confié.

Abordant les défis rencontrés lors de l’écriture de son ouvrage, l’historien Dorcé admet que les problèmes sociaux et politiques en Haïti ont compliqué la collecte de données. Il explique : «J’ai dû faire face à des difficultés dans des zones considérées comme étant de non-droit». Ces obstacles ont parfois découragé ses efforts, mais le soutien de ses proches lui a permis de surmonter ces difficultés.

Concernant l’évolution de l’identité haïtienne, il souligne que, bien que la production musicale haïtienne se fasse en créole, cette langue est parfois moins visible dans les productions musicales. Il remarque que «les artistes ne traitent pas toujours des problèmes haïtiens», se concentrant souvent sur des sujets qui les satisfont eux ou leur public. Selon lui, l’artiste a l’obligation de refléter la réalité de son contexte, mais cette représentation est parfois altérée. «En fait, je pense qu’on ne peut pas chanter la culture d’un peuple sans faire allusion aux problèmes auxquels ce peuple est confronté à travers cette culture. C’est là mon hypothèse», a-t-il soutenu.

Questionné sur l’importance de la langue dans la préservation de la culture, M. Dorcé soutient que la «langue est un élément clé dans l’identité culturelle», agissant comme un marqueur d’appartenance. Bien qu’il ne veuille pas réduire la culture à la langue, l’originaire de Thomazeau reconnaît que celle-ci en est un élément fondamental.

À travers son ouvrage, Dorcé souhaite transmettre un message clair : «Il n’y a pas de réflexions systématiques sur les liens entre langue, société et musique en Haïti». Il invite les lecteurs à voir au-delà des apparences et à explorer la complexité des réalités haïtiennes, même dans ce qui semble banal. «Par exemple, les slogans tels que ‘Car Wash’, ‘Crush’, ‘Al nan va a’, ‘Bwa kale’, ‘Kwense moun met moun’ que l’on entend partout paraissent banals, mais ils sont analysés scientifiquement dans mon livre», a-t-il fait remarquer, invitant ainsi les passionnés de lecture à découvrir ces analyses.

En conclusion, l’œuvre de Francklyn Dorcé se révèle un voyage à travers les enjeux de l’identité haïtienne, illustrant comment la musique et la langue s’entrelacent pour narrer l’histoire d’un peuple. Sa voix, empreinte de passion et d’engagement, nous pousse à réfléchir sur notre propre rapport à la culture et à l’identité.

Ne manquez pas la vente signature !

Ce scientifique prometteur vous invite à découvrir son premier ouvrage «Langue, société et musique en Haïti» lors d’une vente signature exceptionnelle qui aura lieu le 1er novembre 2024, à l’institution Mixte de Jeri, située au numéro 10, rue Kawas, Delmas 33 (à côté de l’Église Shalom). Ce sera l’occasion parfaite pour échanger avec l’auteur, approfondir votre compréhension de son travail et obtenir un exemplaire dédicacé. Ne manquez pas cette opportunité unique de plonger dans l’univers riche et complexe de la culture haïtienne. Pour ceux qui ne peuvent pas assister à l’événement, le livre est également disponible sur :

https://librairie.publibook.com/art-cinema-musique-theatre/15177-langue-societe-et-musique-en-haiti-9782342374438.html

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