Étrange qu’on ait fait ça d’Haïti : un pays où la mort prend le malin plaisir de «se balader en petite tenue». Saccagée par la violence des gangs et par des crises politiques successives, Haïti a vu presque toute perspective de changement être sapée. Triste de faire de cette terre de liberté un territoire répulsif, comme le dit le géographe haïtien Georges Eddy Lucien. La capitale haïtienne, tombée dans une spirale de violence inouïe, se trouve sous la coupe réglée des criminels qui se permettent tout : brûler et tuer et ce, sous les yeux passifs des autorités étatiques, préoccupées uniquement par leur compte en banque au détriment du collectif.
Les années passent, l’horreur plane encore sur Haïti. Le mal demeure. La dictature des Duvalier a fait son lot de victimes. Et voilà que le régime PHTK fait, lui aussi, sienne la violence comme mode de gouvernance. Des bandes criminelles notoires sont en effet utilisées par des acteurs dudit régime pour tuer dans l’œuf tout mouvement populaire visant à réclamer une société plus juste. D’après un rapport d’un groupe d’experts de l’ONU, le gang 257 est le produit du génie de l’ex-président Michel Joseph Martelly, sanctionné par le Canada et les États-Unis.
Malgré les sanctions imposées par des pays étrangers à certains barons de plusieurs secteurs du pays, accusés de mèche avec des gangs, la pagaille continue. Depuis le 17 octobre, le quartier de Solino subit l’assaut des gangs de la coalition criminelle «Viv ansanm», dirigée par Jimmy «Barbecue» Chérizier. En même temps, ils cherchent à ajouter la commune d’Arcahaie sur la liste des territoires perdus. Dans l’Artibonite, les gangs sèment la terreur. Début octobre, près de 70 personnes ont été tuées à Pont Sondé par le gang de Savien.
Alors que plusieurs contingents de la Mission multinationale de soutien à la sécurité sont arrivés dans le pays, la situation s’est plutôt détériorée. Leslie Voltaire, président du Conseil présidentiel de transition (CPT), a déclaré avoir le regret de ne constater aucune avancée sur le plan sécuritaire, alors que le Premier ministre Garry Conny s’était montré satisfait des «progrés» tout en reconnaissant qu’il a beaucoup à faire pour sortir le pays de ce bourbier.
Comment y parvenir ? C’est là la question fondamentale quand on sait qu’entre le CPT et le gouvernement, les violons ne s’accordent pas. Les conseillers présidentiels veulent à tout prix un remaniement ministériel et pourtant, M. Conille n’est pas de cet avis. Cette bataille pour le pouvoir rend perplexe la population quant à la possibilité d’agir sur cette triste situation qui n’a que trop duré.
Entre-temps, des habitants de Solino désertent le quartier. Ce constat est le même pour ceux d’Arcahaie, qui ont pris la fuite vers l’île de la Gonâve. Si Solino tombe entre les mains des bandits, Port-au-Prince risque d’être totalement contrôlé. Déjà, à la nuit tombée, la capitale ressemble à une ville fantôme.