C’est une annonce qui a secoué le paysage musical haïtien : le groupe légendaire de musique racine Ram vient de se dissoudre. Le choc est d’autant plus grand qu’il touche un groupe qui a marqué plusieurs générations et profondément influencé la scène musicale haïtienne. Cette nouvelle a été confirmée ce samedi 9 novembre par Richard Auguste Morse, le fondateur et leader du groupe, qui a écrit sur X pour annoncer la fin de cette aventure musicale d’une exceptionnelle longévité. Pour les fans et les amoureux de la musique haïtienne, la disparition de «Ram» laisse un vide qui peut être difficilement comblé, notamment dans le domaine du rythme racine et du patrimoine vodou.
Une page se tourne pour la musique haïtienne
La dissolution de Ram après plusieurs décennies d’activité laisse un héritage imposant, fait de créations artistiques marquantes. Le musicien Morse, dans un message émouvant, a déclaré : «Je vous écris pour vous dire que je quitte Ram. Le groupe n’existe plus». En plus de cette annonce, le musicien a tenu à remercier la talentueuse chanteuse Lunise Exumé Morse, qu’il considère comme l’une des plus grandes voix qu’Haïti ait jamais portées. Ce geste témoigne de l’esprit de reconnaissance qui a toujours régné au sein du groupe, qui, au-delà de la musique, a contribué à véhiculer des messages de lutte, de dignité et de résistance à travers la culture haïtienne.
Un groupe au service de la culture haïtienne
Fondé en 1990, Ram s’est rapidement imposé comme l’un des groupes les plus importants de la scène musicale haïtienne. Combinant des rythmes traditionnels du vodou avec des influences modernes, notamment le rock ‘n’ roll, Ram a su créer un son unique et captivant. Leur premier album, Ayibobo (1993), marque le début d’une carrière qui allait s’étendre sur plusieurs décennies, avec des productions audacieuses et variées.
L’un des aspects les plus marquants de leur travail est leur engagement à promouvoir la culture haïtienne à travers la musique. Ram n’a jamais cessé de célébrer les héros de l’indépendance, notamment à travers des morceaux emblématiques comme «Défilé» (rebaptisé par le public «Papa Dessalines»), un texte carnavalesque sorti en 2008 qui rend hommage à Jean-Jacques Dessalines, le père de la nation haïtienne. Ce plaidoyer musical, qui a rencontré un immense succès, illustre la capacité du groupe à allier message politique et musicalité puissante.
Les chansons de Ram ont toujours eu un ancrage sociopolitique fort. Elles abordaient des thèmes cruciaux pour le peuple haïtien, souvent en rapport avec la souffrance du peuple, la lutte pour la justice et la dignité. Des morceaux comme Padone yo, qui explore les douleurs et les blessures laissées par les années de transition après 1986, ou Fèy (1992) et Jacomel (1999), ont marqué les esprits. De même, des titres comme Men bwa w’ (2013) et Kouzen (2014) continuent de résonner comme des hymnes de résistance et de résilience.
Un groupe aux multiples albums
Au fil des années, Ram a produit plusieurs albums qui ont contribué à définir leur son et leur place dans la musique haïtienne. Parmi leurs projets, on retrouve, Ayibobo ( 1993), Puritan Vodou (1997), Kite Yo Pale (1997), Madi Gra (2001), Le Jardin (2004), Manman M Se Ginen (2016) et August 1791 (2018). Ces albums témoignent non seulement de l’évolution de leur style musical, mais aussi de leur capacité à rester fidèles à leur engagement culturel et politique.
Le groupe Ram a su garder une identité distincte tout au long de son parcours, en mettant en avant des rythmes traditionnels haïtiens tout en les fusionnant avec des sonorités plus modernes. Leur musique, ancrée dans la spiritualité vodou et la culture populaire haïtienne, a transcendé les frontières, attirant un public diversifié, tant à Haïti qu’à l’international.
Un héritage qui perdure
La fin de Ram n’est pas seulement la fin d’un groupe musical, mais la fermeture d’un chapitre fondamental de l’histoire musicale d’Haïti. Ce groupe a joué un rôle clé dans la renaissance de la musique racine en Haïti, un mouvement qui, à travers ses rythmes et ses textes engagés, a permis de raviver un sentiment de fierté nationale et de reconnecter le peuple haïtien avec ses racines profondes. Leur musique, qui mêle la tradition du vodou avec les réalités contemporaines d’Haïti, continuera de résonner dans le cœur des Haïtiens.
Si la dissolution de Ram marque la fin d’une ère, son impact restera indélébile. Grâce à ses albums, ses concerts mémorables et ses messages forts, Ram a laissé une empreinte profonde dans la culture haïtienne et dans l’histoire de la musique mondiale. Les générations futures continueront à puiser dans ce répertoire riche, qui demeure un pilier de la musique racine et de la lutte pour la justice et la reconnaissance de la culture haïtienne.