Haïti, première République noire du monde moderne, vit dans une crise politique chronique depuis un certain temps. À travers le temps, cette crise a changé de visage pour devenir comme ordinaire aujourd’hui. Dans un précédent article de TripFoumi Enfo, l’historien Michel Soukar avait évoqué le côté systématique de ladite crise qui a traversé l’histoire de la République haïtienne.
Mais plus récemment, avec l’assassinat du président Jovenel Moïse le 5 juillet 2021, la seule autorité légitime d’alors, la crise a atteint son paroxysme. Quasiment toutes les institutions régaliennes du pays sont désormais à l’arrêt. Aucune autorité légitime n’est en place pour représenter le peuple.
Peu après le magnicide du 7 juillet, Ariel Henry avait pris la tête du pays comme seul coq de la basse cour. Son passage fut marqué par une longue période d’instabilité et une escalade de violence sans précédent. Et après environ trois ans d’incompétence avérée sans aucun résultat concret, encore une nouvelle entité a investi le pouvoir le 25 avril de cette année avec l’arbitrage de la communauté internationale. Cette instance, baptisée Conseil présidentiel de transition (CPT), a été mise sur pied avec des missions spécifiques telles que l’organisation des élections, le rétablissement de la situation sécuritaire, le redressement humanitaire, entre autres.
Après cette prise de pouvoir, au moins une frange de la population avait affiché son optimisme quant à un revirement de la situation, du fait que le nouveau pouvoir était le résultat d’un large consensus entre différentes sphères de la vie nationale.
Mais après déjà plus de sept mois au pouvoir, aucun bilan palpable ne peut être présenté par l’équipe de la transition quant à la réalisation des points susmentionnés, inscrits dans l’accord du 3 avril 2024.
Sur le plan humanitaire
La situation s’est empirée depuis l’arrivée au pouvoir du CPT. De plus en plus de gens sont plongés dans la vulnérabilité. Précédemment estimé à 700.000, les personnes déplacées vivant dans une situation humanitaire extrême dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince, le chiffre s’est alourdi à cause des récentes attaques armées.
Sur le plan sécuritaire
C’est la catastrophe. Depuis l’installation du Conseil, aucune avancée significative n’a été faite en vue de reprendre le contrôle des zones dirigées par les gangs criminels. Ces derniers qui contrôlent largement plus de 80 % de Port-au-Prince agissent dans l’impunité la plus totale. Ils ont même conquis davantage de territoires ces derniers temps. Les forces de l’ordre, infiltrées par ces cartels, sont incapables d’apporter une réponse proportionnelle à leurs activités. Les bandes sont mieux armées.
Face à la situation telle que décrite, on essaye quand-même de parler d’élections. Car Haïti, étant un pays démocratique, système politique au sein duquel l’alternance du pouvoir est le pilier central, l’élection doit être un élément fondamental.
Aucune avancée significative !
Depuis la prise de pouvoir du Conseil présidentiel, son mandat a été bien défini. En l’espace de deux ans à peine, cette instance s’était donnée comme charge, avec l’appui d’une équipe gouvernementale, de rétablir la sécurité dans le pays afin de réaliser des élections, dans le but de passer le pouvoir à une nouvelle équipe le 7 février 2026.
Maintenant, vu la lenteur du processus, on se demande si l’échéance du 7 février sera respectée. Alors que le temps presse, à part l’installation d’un Conseil électoral incomplet, aucune autre avancée significative n’a faite.
Parler d’élections dans un contexte inapproprié
Pour la réalisation d’élections en Haïti actuellement, la préoccupation majeure demeure la question sécuritaire. Ainsi dit, le moment semble inadapté pour parler de cette question.
Les autorités établies qui sont censées créer les conditions favorables, semblent se préoccuper par d’autres questions, notamment la conservation du pouvoir. Et c’est précisément la raison pour laquelle que la réalisation d’élections en Haïti n’est pas pour demain, analysent certains lecteurs de TripFoumi Enfo.
Selon ces derniers, le pays demeurera dans ce cycle de transition. Avec des personnes qui arrivent au pouvoir sans la bénédiction populaire, les problèmes fondamentaux de la population sont les dernières de leurs préoccupations.
Pour Franco*, «les pouvoirs de transition ne se soucient pas des problèmes du peuple. Les personnes au pouvoir se transforment parfois en agent de déstabilisation afin de garder le pouvoir pendant plus longtemps. L’organisation d’élections est le dernier des points inscrits dans leur plan».
Marc*, de son côté, a expliqué que «les démarches entreprises par les autorités sont insuffisantes pour réaliser des élections crédibles». Il a mis un accent particulier sur la question sécuritaire, ajoutant que le Conseil présidentiel n’arrive pas à instaurer un climat de confiance jusqu’à présent.
En tout cas, les dernières évolutions enregistrées sur la scène politique haïtienne donnent raison aux internautes. Le Conseil présidentiel, au lieu de se mettre au travail avec l’équipe gouvernementale dirigée par Garry Conille, avait préféré se livrer au combat dans un souci de conservation de pouvoir. Finalement, M. Conille a été limogé et remplacé par Alix Didier Fils-aimé, un membre de la classe économique.
Pour l’instant en Haïti, tout paraît incertain. Chaque jour, on se demande de quoi demain sera fait. Et fort souvent, c’est une nouvelle escalade de violence qui pointe le bout de son nez.
Selon l’article 10 du décret portant création du Conseil présidentiel de transition, le 7 février 2026, il devra passer le pouvoir à une nouvelle équipe. Attendons de voir si d’ici là les mises en place pour la réalisation des élections seront faites.
*Tous les noms utilisés dans le texte sont des noms d’emprunt, question de protéger la vie privée des personnes ayant réagi.