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Bataille de clans au sein du CPT : c’était prévisible

Le Conseil présidentiel de transition (CPT) est arrivé au pouvoir en avril de cette année à la suite de la démission forcée de l’ex-Premier Ariel Henry, empêché de rentrer en Haïti par un soulèvement généralisé des gangs criminels à Port-au-Prince. Des attaques contre des infrastructures de police menées par les criminels avaient conduit à l’assassinat de plusieurs agents de police dans l’aire métropolitaine de Port-au-Prince. La population civile pour sa part a été terrifiée.

Langaj

Les principaux centres pénitentiaires du pays ont été attaqués et vidés, causant l’invasion de plusieurs milliers de prisonniers, pour la plupart des criminels notoires.

C’est alors, avec l’arbitrage de la communauté internationale, que le Conseil présidentiel, composé de représentants de divers secteurs politiques et de la société civile ont pris le pouvoir le 25 avril de cette année afin d’apporter des réponses à la crise multidimensionnelle qui secoue le pays. L’agenda de cette instance était clair : rétablir la situation sécuritaire dans le pays afin d’aller vers des élections générales, entre autres.

Mais très vite, la corruption, la division et les intérêts claniques ont secoué le Conseil présidentiel. Trois de ses membres sont épinglés jusqu’au coup dans un scandale de corruption (l’affaire BNC) qui secoue jusqu’à présent la scène politique.

Parallèlement, une lutte sans merci a été livrée entre le CPT et l’ex-Premier ministre Garry Conille. Ce dernier a finalement été démis de ses fonctions. Mais depuis, malgré le fait que les relations entre le CPT et la Primature semblent aller sur de bonnes voies, l’instance aux prérogatives présidentielles paraît minée de l’intérieur à cause des intérêts particuliers. Selon des informations relayées par la presse haïtienne, les conseillers n’arrivent pas à se départager sur la séparation des postes de Directions générales. Ils se battent entre eux, alors que la crise sécuritaire s’aggrave dans le pays chaque jour davantage. Plus de 80 % de la capitale est sous l’emprise des gangs criminels et plus de 700.000 personnes sont déplacées à cause de la violence des groupes terroristes.

C’était plutôt prévisible.

Langaj

En Haïti, les acteurs politiques n’ont pas cette culture de se mettre ensemble pour aller vers des objectifs communs. À chaque fois qu’ils tentent de se rallier, le peuple en pâtit. Les récentes cohabitations politiques disent tout.

La mise en place d’un leadership collectif avec la logique du Conseil présidentiel est différente des cohabitations habituelles. Toutefois, dans ce modèle de cohabitation politique et connaissant les acteurs haïtiens, une réussite du Conseil sans entrave dans ses grands chantiers, serait une surprise majeure.

Gilbert Boutté, dans son texte intitulé «Risques et catastrophes : comment éviter et prévenir les crises», a parlé de trois modèles de processus décisionnel. Il a présenté un modèle mono rationnel avec un acteur unique, un modèle organisationnel avec une gestion séquentielle des perturbations et un modèle politique (comme au CPT).

Pour Boutté, parmi les trois, seul le modèle politique est générateur de conflit. Il présente un jeu d’intérêt et une forte dispute pour le pouvoir. Dans ce modèle, tous les acteurs ont leurs propres intérêts qui les conduisent et ils voient les choses chacun à leur propre manière. Même si la vision de l’un ne coïncide pas avec celle du groupe, il souhaite quand même l’atteindre.

Considérant le point de vue de cet intellectuel français, on peut dire que les conflits de clans qui font rage au sein du CPT étaient prévisibles. Partant de cette logique, c’est l’avenir de cette entité ainsi que celle de la transition qui sont mis en péril.

Le dossier de corruption impliquant des membres du CPT est au cabinet d’instruction. Des acteurs et regroupements politiques de la vie nationale ont appelé à la démission des trois conseillers soupçonnés de corruption.

Selon des informations relayées par la presse locale, le Département d’État américain aurait exigé la mise à l’écart de ces derniers, sous peine de sanctions en cas de refus. C’est précisément cette question de corruption qui serait à la base des rivalités au sein du Conseil, affirment certaines sources.

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